Opinion
Au nom d'une
culture de l'humanité supérieure
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 27 juin 2013
L'affaire de la " Femen " tunisienne
prend de l'ampleur. La jeune Amina Souib
a assuré sa notoriété et sa célébrité
est faite pour un certain temps. La
répression qui l'a frappée, en plus
d'être indue par rapport à un geste qui
aurait pu être perçu avec plus de
sérénité et sans le déploiement de
l'instance judiciaire, a été contre-
productive pour les autorités. A l'affût
pour tout ce qui concerne les Arabes et
assimilés, la presse occidentale y a
trouvé matière à s'alimenter. Les Femen,
aussi, se sont vues offrir une " cause "
à défendre et s'agitent frénétiquement
au grand bonheur des médias. Elles ont
commencé par envoyer trois des leurs
rejoindre Amina en prison, dans une
opération commando, dont elles savaient
l'issue et le bénéfice qu'elles allaient
en tirer. Un beau coup de promotion de
la marque ! La Tunisie est sous les feux
de la rampe, même le président des
Etats-Unis, en visite à Berlin, est
interpellé par des filles aux seins nus
: " Obama help FEMEN ! ". Rien que ça !
C'est tout juste s'il n'a pas été
sollicité d'envoyer ses Gi's faire
rendre gorge au gouvernement tunisien.
François Hollande, le président
français, doit se rendre en Tunisie en
juillet, une lettre lui a été écrite par
un groupe de personnalités, qui contient
ce pas- sage : " Au moment où il foulera
le sol de Tunis (…) nous lui demandons
de garder en tête quatre visages et
prénoms. Amina, Pauline, Joséphine et
Marguerite. Une Tunisienne, une
Allemande et deux Françaises. " La cause
des femmes de nos contrées, surgit dans
le débat et nos féministes sont, au
départ, plutôt gênées aux entournures
par la nouvelle donne. Elles ne savent
quoi penser de ce " sextrémisme " censé
les émanciper. L'incarcération d'Amina
de même compliquait l'attitude à avoir.
Sortir les seins à l'air, pour exprimer
la complexité du statut social de la
femme, est une forme d'expression
inattendue, même en Occident ou, ceci
dit, le geste est sévèrement réprimé
(jusqu'à un an d'emprisonnement et 1 200
euros d'amende pour ce qui est de la
France). Mais elles comprennent vite les
enjeux. " Le féminisme dans le monde
musulman n'est pas né avec la création
d'une page Facebook, mais il est apparu
dès les années vingt en Egypte " nous
dit Saïda Ounissi chercheuse à Paris,
dans un article où elle expose le
préjudice fait au combat des
Tunisiennes, réduites à des victimes en
attente du salut venu d'ailleurs. Soumia
Salhi, figure algérienne de ce combat,
est plus incisive. Pour elle, les Femen
"caressent dans le sens du poil la
société de la pornographie, de la
prostitution de masse ... elles n'ont
aucune solidarité avec les Tunisiennes
mais plutôt du mépris ! Pétries de leurs
certitudes, elles piétinent
l'environnement des " indigènes" au nom
d'une culture de l'humanité supérieure!!
C'est ce rapport société civilisée /
société barbare qu'on veut nous
inculquer pour légitimer la
recolonisation en cours. Le féminisme
n'a rien à voir avec ça ! " Une synthèse
implacable de lucidité, quand nous
savons comment la lutte " contre le
terrorisme " en Afghanistan, a utilisé
le sort fait aux femmes par les Talibans
et ce qui en a réellement été après la
chute de ces derniers.
Article publié sur
Les Débats
d'Algérie
© 2013 Les Debats
Le sommaire d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour
|