Opinion
Les peuples
«après» les révolutions
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 26 septembre
2012
Lorsque la
barbarie sera défaite, lorsque se
diluera la mystification qu'elle déploie
sur les esprits, lorsque l'humanité
reprendra ses droits contre le mal, en
voie de devenir absolu, on pourra
mesurer de quoi peut être capable ce
système qui veut gouverner l'univers. En
attendant, la raison n'a aucun répit
contre l'immoralité qui vise à la
détruire et reste la seule défense qui
résiste à la destruction de l'humain qui
subsiste encore. Un signe prometteur,
peut-être. Le «printemps» dit arabe
pourrait constituer le premier faux pas
de la bête. Pour la première fois, la
barbarie a joué directement à la
«révolution». Elle a, par exemple, fait
croire aux Libyens qu'ils sont des
«révolutionnaires». Ailleurs, quand le
peuple a fait le travail tout seul,
comme en Tunisie et en Egypte, la
barbarie a soutenu le peuple. Tout en
travaillant à bloquer le processus en
cours et à le dévier, elle a entonné les
chants des insurgés. Et, bien plus, le
monde ne vibre plus que par les réunions
des «amis de tel ou tel peuple» appelé à
se révolter au nom de la «justice», de
la «liberté», de la «démocratie» et de
tout ce qui fait rêver les hommes, pour
un mieux vivre ensemble. Pour les
peuples en question, on ne se préoccupe
pas qu'ils prennent ces concepts sans
guillemets, dans toute leur plénitude.
On ne considère que ces supplétifs
désignés pour les «représenter». Même là
où le chaos s'est instauré, à l'image de
l'Irak ou de la Libye, où la bête a eu
les coudées franches, peut surgir une
réalité : la «dictature de la rue». Une
réalité contre laquelle il est difficile
de lutter, d'autant que son énergie a
été encouragée et portée aux nues, comme
jamais révoltes et mouvements populaires
ne l'ont été. Se pose, alors,
l'interrogation concernant la riposte
des barbares à la chose. Nous n'en
sommes qu'aux indignations verbales.
Deux options et aucune autre se
dessinent. L'intervention directe, trop
risquée et trop coûteuse, par les temps
qui courent ou l'intrigue que fera
imploser le peuple et qui organisera la
guerre de tous contre tous, tout en
préservant l'essentiel : les ressources
du pays et/ou son maintien loin des
possibilités de se construire par
lui-même et, partant, à revendiquer une
place dans le concert mondial. En
Egypte, une partie a commencé en ce
sens. L'arrivée des Frères au pouvoir a,
jusqu'à il y a quelques jours, beaucoup
rassuré les Etats-Unis et fortement déçu
ceux qui espéraient une autre issue aux
sacrifices de la place Tahrir et des
masses égyptiennes. Les Frères
musulmans, ennemis des nationalismes et
des mouvements d'émancipation des
peuples, alliés de l'OTAN dans la
destruction des dernières résistances au
diktat impérialiste, allaient sans aucun
doute livrer le pays, pieds et poings
liés, aux maîtres du marché. Les
premières déclarations sur la Syrie
allaient dans ce sens, ce qu'avait
conclu le chroniqueur, il y a quelques
jours. Mais la fronde populaire a été
oubliée, qui a soit poussé le nouveau
pouvoir, soit lui a servi d'argument,
pour ne pas trop se laisser aller dans
la compromission. L'Egypte vient de se
poser en obstacle contre une agression
de la Syrie, de renouer avec l'Iran, de
tenter de l'imposer en tant que
partenaire dans la crise syrienne et
d'initier des perspectives d'ouverture
avec la Chine dans le camp adverse de
l'alliance atlantique. De quoi brouiller
les cartes des stratèges de la
Maison-Blanche. Les Frères seraient donc
capables de tourner la veste pour ne pas
affronter leur pays. La «puissance de la
rue», un facteur que la manipulation
n'attendait pas, vient de faire
irruption.
Article publié sur
Les Débats
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