Opinion
La légitimité des
urnes et une question
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 25 août 2013
Si l’Egypte a apporté quelque chose à la
problématique de la démocratie c’est
cette question sur la légitimité des
urnes, quand le peuple décide de la
remettre en question. Comme nous le
savons des dizaines de millions
d’Egyptiens, dans une mobilisation
unique dans l’histoire humaine selon
certains grands médias occidentaux, ont
exigé le départ de Mohamed Morsi leur
président élu. Le mouvement avait
atteint une telle radicalisation que les
forces armées avaient à choisir entre
laisser la population prendre d’assaut
le pouvoir ou procéder elle-même à
l’opération. La décision a vite été
prise de prendre la situation en main,
afin d’éviter un précédent qui aurait
certainement abouti à donner aux Comités
populaires une dimension dangereuse pour
l’establishment économique et social en
vigueur. Un coup d’Etat a donc eu lieu,
en lieu et place de ce qui aurait pu
être une révolution, et les Comités
populaires interdits dès qu’un nouveau
pouvoir a été mis en place. Le système a
pu être préservé, malgré le fait que les
reproches faits à Morsi ne se résumaient
pas aux atteintes sur les libertés
publiques. L’essentiel portait plutôt
sur la poursuite du programme de Hosni
Moubarak et sur l’allégeance décriée aux
Etats-Unis, à leurs alliés et aux
institutions financières internationales
responsables du démantèlement du tissu
économique du pays et de la dégradation
du niveau de vie du plus grand nombre
parmi les Egyptiens. Ce contre quoi
ceux-ci avaient voté. Rien de
moins de ce qui se passe au sein des
puissances occidentales, où des
gouvernements élus sur des promesses
mirobolantes en matière d’emploi, de
mesures sociales et autres réponses aux
attentes électorales, n’avaient en fait
pas l’intention de déroger aux
directives des banques. Puisqu’ils se
préparaient, en conséquence, à la mise
en œuvre des dispositifs de « rigueur
budgétaire » destinées à ponctionner les
revenus et à réduire drastiquement la
place des services publics, quand il ne
s’agit pas de les supprimer ou de les
livrer au bon vouloir des investisseurs
privés. C’est qu’a fait à titre
d’exemple le parti dit socialiste en
France, sous la houlette de son
président François Hollande et de ses
députés. Et c’est qu’ont fait tous les
élus à travers l’Union européenne, dans
la stricte et studieuse obéissance aux
dispositions du Traité de Lisbonne. Nous
pouvons en revenir, maintenant, au
respect de la « légitimité des urnes »
pour inverser l’approche. Car de toute
évidence il y a non respect de cette
légitimité et elle vient des élus qui ne
tiennent pas compte du contenu du
bulletin de vote qui leur a octroyé
légalement le pouvoir. Etant entendu que
ce bulletin est censé consacrer la
souveraineté du peuple, il y aurait un
manquement illégal à cette souveraineté
dont l’Etat est de droit l’expression.
De fait nous pouvons, sans nous tromper,
parler de coup d’Etat, ici aussi. A
moins que la souveraineté déclinée dans
les dispositions de la « démocratie
réelle » ne soit qu’une fiction et qu’il
devient nécessaire de convoquer
Friedrich Engels et de le citer quand il
dit (cité de mémoire) : « le suffrage
universel n’est que le thermomètre qui
permet de mesurer le degré de maturité
des masses ».
Article publié sur
Les Débats
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