Opinion
Le veto qui
dérange
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Samedi 26 mai
2012
L’ONU,
malgré la disponibilité, le sérieux, la
célérité et l'abnégation avec lesquelles
elle entérine les décisions des maîtres
du monde, commence à déranger. Elle
aurait, désormais, besoin d'être
réformée. Son Conseil de sécurité est
devenu «usé, déphasé et de plus en plus
inadapté aux besoins». La réforme doit
intervenir pour éviter que le droit de
veto puisse être utilisé en cas de
«violations des droits de l'homme».
C'est Amnesty International qui assène
ce verdict, dans son rapport annuel sur
la situation des droits humains dans le
monde. Les attendus de ce jugement sont
trouvés dans l'incapacité de l'instance
onusienne à réagir contre «la répression
des manifestations antigouvernementales
en Syrie». Alors qu'il fallait mener des
actions «rapides et efficaces». Comme en
Libye, pourrait-on dire. Selon le
secrétaire général d'Amnesty, Salil
Shetty, «il doit y avoir un moyen qui,
lorsqu'il s'agit d'abus de droits de
l'homme à l'échelle dont nous parlons,
rend l'utilisation du droit de veto tout
simplement inacceptable». Il s'agit, on
pense bien, toujours de la Syrie. Et
notre homme d'appeler à faire «passer
les êtres humains avant les entreprises
et les droits avant les profits». On
croit rêver. Ce pourrait-il que cela
soit possible que l'ONU se mette à
contrer le marché et à se mettre, pour
de vrai, au service de l'humanité ? Dans
ce cas, il faudrait immédiatement
organiser des manifestations monstres à
travers la planète pour faire passer le
message. Mais on ne peut s'empêcher de
penser que cette sortie sent le soufre.
Il suffit de se rappeler que tant que le
veto permettait à Israël, uniquement, de
casser du Palestinien et du Libanais, en
gros et en détail, il ne posait pas de
problème. Ce n'est que lorsqu'il a été
sorti contre les «Amis de la Syrie»,
contre la prédation, qu'il prend des
contours indésirables. Libre pour
Amnesty de considérer que les «Contras»
syriens sont des «manifestants
pacifiques» et que les
«Palestino-libanais» sont des
terroristes «soutenus par l'Iran», cela
fait plus de 60 ans que le veto est
utilisé, sans qu'il cesse de faire
partie de la «légalité internationale»,
appuyée sur la Charte universelle des
droits de l'homme. Ce qui a donné
l'autorisation à l'OTAN de mettre à feu
et à sang la Libye sous le prétexte de
«protéger les civils» et de la livrer à
des hordes armées, très peu soucieuses
des professions de foi des «amis de la
Libye». Ainsi, l'idée de «réformer»
l'ONU est lancée, bien qu'elle permette
encore de servir de table de négociation
permanente, sur les affaires pendantes.
Le veto étant le niet, le no ou le qui
signifient le refus de l'une ou de
l'autre des grandes puissances,
d'accepter de concéder une aventure aux
autres. Une manière «civilisée» de gérer
les rapports de force, sous couvert
d'assurer la paix universelle. Ce qui se
produisait, tout de même, avant
l'avènement de la SDN ou de l'ONU. Sauf
que, aujourd'hui, le veto engage,
légalement, le monde entier et se trouve
chargé d'une «morale». Quoique léonin,
il a pu empêcher qu'il soit fait un sort
aux Syriens. S'il est abrogé, ce sera à
la confrontation nue, sur fond de jeu
d'alliances et de constitution d'axes et
de camps, de décider de l'issue d'un
conflit d'intérêt. Ce que le responsable
d'Amnesty semble (naïvement ?) ignorer,
en demandant de ne supprimer le droit de
veto que pour des «violations des droits
de l'homme», dont il faudra qu'il dresse
les caractéristiques, en précisant où il
faut placer les Palestiniens.
Article publié sur
Les Débats
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