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Opinion
Tunisie : deux mois
de plus ?
Ahmed Halfaoui
Jeudi 26 mai 2011
Les
manifestations du début du mois ont été vite réprimées et
quelques sites internet rebelles fermés, sans que, d’ailleurs,
Obama ou Hillary Clinton s’en aperçoivent. Le gouvernement
provisoire est au G8 en train de négocier on ne sait quoi, qui
ne soit pas provisoire, avec des gens qui n’aiment que les
certitudes. Mais, néanmoins, les choses sérieuses commencent en
Tunisie, avec un vrai débat. Il y a cette date du 24 juillet qui
a plombé la contestation et fait accepter aux insurgés de ne pas
finir le travail et d’attendre de voter. Cette date a été,
apparemment, décidée dans la précipitation et devant l’urgence
de faire rentrer les gens chez eux. Cela a eu, bien sûr, comme
effet de faire tomber l’adrénaline ou au moins de calmer les
choses même si beaucoup rongent leur frein, qui n’ont jamais cru
que le fait de faire partir la tête suffit à changer le système
et à réaliser la révolution. La proximité de la date fatidique,
celle qui fera passer le pays du provisoire vers le définitif,
dévoile les premières réticences à raccourcir le règne du
provisoire. On a avancé la date du 16 octobre prochain. Des
experts électoraux (ça existe) dont Taleb Awad, politologue
palestinien, qui a une expérience en Bulgarie, estiment qu'il
faut au moins attendre vingt-deux semaines entre la promulgation
d’une loi électorale et le premier vote. La comptabilité est
précise, un véritable axiome pourrait-on dire, donc sans appel.
Vingt-deux semaines, pas une de moins. On ne sait pas ce qu’on
fait dedans et ce que prend comme temps ce que l’on y fait. En
principe, on aurait dû demander aux gens le temps qu’il leur
faut pour se préparer. Cela ne semble pas avoir été le cas.
Toujours est-il que cela ne plaît pas et on soupçonne certains
de préparer une entourloupe. Deux mois de plus disent les
partisans du report. Les arguments ne manquent pas. Le plus fort
serait l’impréparation des Tunisiens à voter librement. Ils
n’ont pas l’habitude, donc ils risquent de se perdre dans leur
choix. Alors que «tous les
regards sont tournés vers ce pays ‘’laboratoire’’» (vraiment ?)
et que «la responsabilité doit incomber à des personnalités
politiques représentant au mieux la population tunisienne».
Juste deux mois et les électeurs vont se fabriquer un avis
qu’ils n’ont pas encore. Pas de quoi convaincre grand monde.
Mais, c’était au gouvernement provisoire de trancher et, malgré
son comportement pas provisoire du tout, il n’a pas risqué de
prolonger les choses pour voir venir. Voir venir un miracle qui
ferait que les Tunisiens se calment définitivement, ne se mêlent
plus de politique et acceptent n’importe quelle solution ? Un
miracle qui ferait que des aides financières tombent à verse et
soient mises à contribution pour cela ? En fait, restons dans le
concret. A gauche, il n’y a pas grand-chose à craindre, à droite
il y a à craindre que ça ne ratisse pas et, à l’horizon, se
profile l’espoir de contrecarrer la puissance des islamistes d’Ennahda
qui, selon les sondages, rafleront 40% des voix. Deux petits
mois, seulement, pour faire basculer 40% des électeurs ! Parce
que ce qui est valable pour ses amis est aussi valable pour les
adversaires, ces deux mois n’allaient-ils pas plutôt aider à
augmenter ce score ? Et celui des communistes?
Publié sur Les Débats
Le dossier Tunisie
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