Opinion
Tunisie : les
salafistes un tétanos social ?
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 25 octobre
2012
On pouvait
s'interroger sur les capacités et les
moyens que pourraient développer les
nouvelles autorités tunisiennes pour ou
contre la satisfaction d'une demande
sociale déchaînée. On savait au moins
que la révolution des «kadihine» n'a
jamais dépassé le stade d'avoir servi à
une recomposition de façade du système
inégalitaire et compradore de Zine El
Abidine Ben Ali. On savait que les
foules, en colère, faisaient un lien
direct entre leurs conditions
misérables, la dignité et la haine d'un
pouvoir répressif. On savait, aussi, que
le personnel de l'appareil d'Etat a
préféré se débarrasser du Président,
devenu encombrant, et de sa famille, qui
représentait la caricature d'une
gouvernance inique, et se réclamer de la
révolution. On sait que la mise en avant
des slogans libertaires ne remettait pas
en cause les fondements de l'ordre
social, source du mécontentement et de
la colère. Cela s'est confirmé très vite
sous le gouvernement issu du coup d'Etat
du 14 janvier 2011, qui a ordonné à la
troupe de tirer, à plusieurs reprises,
sur les manifestants et sous le
gouvernement d'Ennahda, pourtant issu
des urnes, qui a appliqué les mêmes
méthodes. Cela n'a pas suffi à calmer
les laissés-pour-compte, qui n'ont
jamais désarmé devant la répression et
dont la situation n'a pas changé ou
s'est aggravée, pour des raisons
objectives, mais aussi parce que loin de
percevoir un minima de changement de cap
dans les politiques proposées, ils
constatent une reconduction pure et
simple de l'ordre ancien, sans
perspectives palpables, qui
constitueraient des promesses de
réponses appropriées à leurs attentes
insoutenables. Des attentes qui, il faut
le reconnaître, n'ont aucune chance
d'être satisfaites, car le programme
économique de Ben Ali, paraphé par le
Fonds monétaire international, la Banque
mondiale et le G8, ne va pas, comme par
enchantement, produire des effets
inverses et salvateurs du seul fait
d'être mis en œuvre par le gouvernement
du Frère musulman, Hamadi Jebali. Ce qui
nous pousse à considérer que l'irruption
dans le champ politique de la «menace»
islamiste vient à point nommé. On
observe que le débat est en train de
glisser du terrain social vers le
terrain religieux. Le spectacle des
actions des «extrémistes» occupe
désormais une grande part des médias et
des discours des partis. Et le phénomène
n'est pas près de s'éteindre, alimentant
la tension et déplaçant les enjeux en
dehors du front initial. Des artistes
malmenés, des spectacles perturbés, un
mausolée saccagé, autant de points de
fixation pour l'opinion et de signaux
d'alarme concernant le danger de
déstabilisation de la Tunisie par un
syndrome «à l'algérienne». De ce point
de vue, s'il reste difficile de se faire
une opinion précise sur les rapports de
force en présence ou sur la possibilité
que les islamistes, dit extrémistes,
puissent avoir un poids à la mesure de
leurs ambitions, il est évident que,
pour le moment, ils peuvent servir à
tétaniser la population et à faire
reculer la demande sociale. Toujours
est-il que l'offensive de «Ansar Al
Chariaâ» ne faiblit pas. Leur leader
vient de produire un sujet d'angoisse
supplémentaire. Il a demandé à ses
partisans de se constituer en «comités
de protection», en prévision
«d'éventuels débordements qui pourraient
survenir durant les jours à venir». En
écho, la revue française Marianne révèle
que la Tunisie comporte «des camps
d'entraînement djihadistes».
Article publié sur
Les Débats
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