Opinion
Le réveil brutal
d'Abdullah Wade
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 25 février
2012
Il y a des
fourvoiements et des illusions qui
peuvent faire très mal. Lundi 6 février
2012, Abdullah Wade, le président en
exercice du Sénégal, est hors de lui :
«Est-ce que vous trouvez normal qu'un
ministre des Affaires étrangères se mêle
de la politique d'un pays pour dire ce
que nous allons faire. Qu'est-ce que
c'est que ces manières là ?... c'est
inacceptable et c'est indécent». Il
parlait du Français Alain Juppé et
d'Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat
de Barak Obama. Quelques mois en
arrière, à la Conférence internationale
sur la Libye, Wade était dans d'autres
dispositions : «Moi je suis un libéral,
j'ai toujours été pour le droit
d'ingérence. Contrairement à ce que tout
le monde dit en Afrique, moi je suis
pour le droit d'ingérence». Pour cela,
il a été chaleureusement applaudi par
Mme Clinton. Très inspiré, il rappelle
qu'il avait défendu le même point de vue
au sommet de l'Union africaine et qu'il
avait demandé à Mouammar Kadhafi de
«partir». Fier, comme pas d'ordinaire,
il clame : «Aujourd'hui, tout le monde
dit que j'ai eu raison. Ils disent tous
que j'avais raison... J'ai le droit de
critiquer l'Union africaine, mais pas
publiquement. Nous allons nous retrouver
à un sommet et là on se dira des
vérités. Ils appellent à des
négociations, alors même que Kadhafi est
fini, c'est idéaliste». Il faut dire,
pour sa décharge, que le président
français, Nicolas Sarkozy, l'aurait
sollicité pour une mission de bons
offices auprès de ses pairs africains.
Il l'avait invité, suprême
considération, au sommet du G8 de
Deauville. Le 9 juin 2011, Abdullah Wade
a été le premier chef d'Etat à se rendre
à Benghazi, d'où il demande à Kadhafi de
s'en aller au plus vite. Il faut dire
que «bon serviteur», il se croyait
«protégé des dieux». C'est lui qui le
pense, autrement : «Je crois que
l'exemple des pays arabes n'est pas un
cas d'école valable pour l'Afrique même
si ce n'est pas à écarter. Je pense
qu'il y a une très faible probabilité
pour que ça se déroule en Afrique au Sud
du Sahara». Il a eu tort. Il découvre
qu'Hillary et son satellite Juppé sont
des monstres froids, qui ne
s'embarrassent pas de reconnaissance
quand il s'agit de supplétifs faits pour
servir et obéir. Alors il a décidé de
résister. Il réprime les manifestants
qui lui refusent le droit de se
présenter à un troisième mandat de
président, comme s'ils étaient sûrs de
ne pas faire le poids contre lui. Il dit
qu'il a des chantiers à terminer et
qu'il ne renoncera pas à se faire
réélire. En face, ses adversaires,
soutenus par l'Occident, persistent à
demander l'invalidation de l'article
constitutionnel qui a autorisé sa
candidature. Mais la campagne électorale
continue malgré les violences. Wade ose
cette comparaison : «(aux Etats-Unis) On
ne peut se permettre d'organiser des
manifestations et essayer de déloger le
président Obama». Il dit vrai, mais il
est en Afrique et il doit s'attendre à
payer, le cas échéant, le prix de sa
forfaiture, s'il est élu, quelles que
soient les conditions de son élection,
fussent-elles les plus transparentes qui
soient.
Article publié sur
Les Débats
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