Opinion
Révolution et
démocratie
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 23
décembre 2012 En Tunisie on peut observer à ciel
ouvert la mise en œuvre de certaines
notions, très en vogue par les temps qui
courent. Il s'agit de la révolution et
de la démocratie. Commençons par ce
projet de loi, sur les indemnisations
des blessés et des familles des
"martyrs", qui a été adopté par
l'Assemblée nationale constituante
(ANC). La période de validité des morts
et des blessures éligibles va du 17
décembre 2010 au 28 février 2011. Un
débat a quand même eu lieu concernant
l'octroi de réparations aux acteurs de
la révolte du bassin minier de Gafsa
(2008), mais la proposition a été
rejetée. Il n'y a pas eu, par contre,
d'allusion aux jeunes tués depuis le 28
février. Reste que, dans tous les cas,
la révolution est considérée comme ayant
un début et une fin. Il faut remarquer,
ici, que cette décision est prise en
dehors de ceux qui ont bravé la police
de Zine Eddine Ben Ali et sa mitraille.
Ce qui signifie que ceux qui n'ont pas
arrêté de manifester et de revendiquer
sont légalement dans leurs torts, parce
qu'ils n'ont pas compris que la
révolution est définitivement archivée
par le nouveau pouvoir, qui vient de la
circonscrire en tant qu'évènement passé
et non en tant que processus en cours.
Concernant la démocratie, une partie des
Tunisiens a voté, l'autre qui n'a pas
voté n'a pas contesté l'opération et
accepté qu'un gouvernement soit désigné,
comme prévu, pour une année. Trois mois
après l'échéance il est toujours là, les
répriment quand ils manifestent et leur
tire dessus à la chevrotine, quand il
est censé répondre au moins aux
promesses qui ont été faite. La
situation est donc inextricable pour
ceux qui ont déclenché la révolution et
permis la démocratie. Ayant cru s'être
sortis d'une dictature, ils découvrent
que la démocratie utilise le même mode
de gouvernance, la force contre le
peuple. De quoi rester perplexe sur ce
phénomène. Tous les États seraient donc
des dictatures ? Il y a tout lieu de le
penser, puisque même celui-là, pourtant
drapé des deux manteaux de la révolution
et de la démocratie, n'hésite pas à
ouvrir le feu sur des jeunes désarmés.
Il est vrai que les institutions n'ont
pas été détruites, mais tout de même !
Désormais c'est au nom de la
souveraineté populaire que le pouvoir
est exercé, il est de ce fait
inacceptable que le peuple ne soit pas
écouté et pire qu'il soit brimé. C'est
ce genre de questions qui fleurit et qui
se répand dans les têtes, de plus en
plus nombreuses. Les Frères le savent
peut-être et doivent appréhender la
chose, à moins qu'ils ne se croient
préparés à expliquer définitivement aux
Tunisiens qu'ils doivent se résoudre au
calme ou au bâton. Peut-être aussi que
le pays va s'inscrire dans une
"alternance" qui promènera
"démocratiquement" les citoyens des
Frères vers Béji Caïd Essebsi et
vice-versa. Peut être, enfin, que le
cycle manifestations-répression va
s'installer dans la durée. A moins que
les Tunisiens finissent par réinventer
un Etat qui soit concrètement au service
du plus grand nombre, même s'il ne
plaira pas à une certaine "communauté
internationale". On pourra à ce moment
là parler, sans trop de risque de se
tromper, de révolution et de démocratie.
Article
publié sur
Les Débats
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