Accueil Actualité Dossiers Auteurs Communiqués Agenda Invitation à lire Liens Ressources
Dernières mises à jour Journaux de Cathy et Marc Plateforme tourquennoise Les vidéos Centre d'infos francophone Ziad Medoukh Centre de la Paix Gaza Université al-Aqsa Gaza Qui? Pourquoi?

Google
sur le web sur Palestine Solidarité

 

Centre Palestinien
d'Information :




Invitation à lire :



BDS :



Solidarité :



Produits palestiniens :



En direct d'Iran :



Palestine Solidarité
sur Facebook :






Opinion

Combien de morts ?
Ahmed Halfaoui


© Ahmed Halfaoui

Dimanche 23 octobre 2011

Le 1er novembre 1954, la guerre d’Algérie vient enfin de s’imposer aux colonisateurs. Cela faisait 124 ans  qu’elle durait et que les Algériens la subissaient, sauf durant quelques brèves périodes où, ici et là, sporadiquement ils ont pu rendre des coups à l’adversaire. La dernière bataille qui s’est déroulée de 1954 à 1962 n’est que le dernier épisode d’un long et douloureux drame qui a déchiré un peuple et a failli le faire disparaître, tel que cela s’est déjà produit pour d’autres. A la date décidée pour l’ultime combat, il s’agissait de faire subir la guerre à l’oppresseur, qui devait prendre conscience que le temps de la violence qu’il exerçait impunément  est révolu. Depuis 1830, le peuple algérien a subi la barbarie et a vécu, en sursis, sous un régime barbare, qui n’hésitait pas à recourir aux pires exactions à la moindre velléité de révolte.   Ainsi, l’appellation consacrée de «guerre d’Algérie» s’avère être réductrice de la réalité et occulte un événement historique bien plus étendu dans le temps et bien plus éprouvant pour le pays. A juste titre, les fondateurs du FLN/ALN  l’ont dénommé «guerre de libération», ce qui impliquait de fait que le pays vivait sous occupation.  Entamée en 1830, la conquête du pays ne sera effective que des dizaines d’années  plus tard. Elle coûta à l’Algérie, selon les sources les plus modérées, le tiers de sa population, dans un combat brutal, sanglant, inégal et sans merci, sans même le moindre scrupule humain chez les généraux français chargés de vider les terres convoitées de leurs populations et de «pacifier» le territoire au profit des colons.

Ils s’emparèrent de  40% des meilleures terres, massacrant et repoussant leurs propriétaires légitimes dans les terres arides ou incultes. Ils imposèrent  la restriction des terrains de parcours, compromettant l’élevage qui en fut gravement affecté. Et avec lui fut sérieusement ébranlé le mode de vie communautaire qui assurait un équilibre fondamental à la vie économique et sociale ancestrale. Une famine qui fit des centaines de milliers de morts eut lieu en 1868, suivie de façon endémique par des dizaines d’autres qui décimèrent les tribus victimes des dépossessions et des déportations. La torture, révélée lors de la répression qui a frappé la population algéroise, était déjà à l’œuvre. Un extrait d’une lettre de soldat témoigne: «Nous rapportons un plein baril d’oreilles, récoltées paires à paires sur les prisonniers…» Sans oublier   les enfumades (ancêtres du gazage) des généraux  Montagnac, Turenne, Cavaignac,  Saint Arnaud, Pélissier, Canrobert… qui firent périr des milliers de civils. Le dernier cité raconte : «On pétarada l’entrée de la grotte et on y accumula des fagots de broussailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain quelques Sbéahs se présentèrent à l’entrée de la grotte, demandant l’aman à nos postes avancés. Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts.» Canrobert eut aussi recours à l’emmurement dans le Dahra ; il s’en vante: «Comme il n’y a pas de bois, je bouche l’entrée de la caverne avec des pierres. Si j’avais fait autrement, un grand nombre de nos soldats seraient tombés inutilement sous les balles arabes.» Cavaignac, dont le nom est encore attribué par beaucoup a une rue d’Alger, pourtant débaptisée, l’avait  fait avant lui : «Je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes ; personne... que moi ne sait qu’il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. J’ai été malade, mais ma  conscience ne me reproche rien. J’ai fait mon devoir de chef, et demain je recommencerai, mais j’ai pris l’Afrique en dégoût.» Rien ne fut épargné au peuple algérien pour le réduire à l’état d’indigène, qu’on a fini par lui imposer. Un autre officier en 1852, le général Flô, rapporte à Victor Hugo: «Dans les prises d’assaut, dans les razzias, il n’était pas rare de voir les soldats jeter par les fenêtres des enfants que d’autres soldats en bas recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. Ils arrachaient les boucles d’oreilles aux femmes et les oreilles avec, ils leur coupaient les doigts des pieds et des mains pour prendre leurs anneaux.» En fait, comme on pouvait le lire dans les chroniques de l’époque, toute vie était passible de mort  tant on avait déshumanisé l’Algérien. Jusqu’à ce qu’il se réhabilite par lui-même en 1954. Date à partir de laquelle on a fixé, arbitrairement, le décompte des victimes mortes sous les coups du colonialisme. Niant le long martyrologue de ce peuple dont l’Histoire ne se résume pas aux dernières violences, où il a pu être acteur et pas seulement victime. Nous avons déjà eu à rapporter, ici, des chiffres qui ont échappé à l’oubli et à la censure et qui peuvent édifier sur le génocide commis. Les voici. Différents recensements réalisés tout au long de la conquête et plus tard donnaient en 1838 8 600 000 d’Algériens, en 1841 8 000 000, en 1840 7 700 000, en 1844  7 000 000 et… 2 100 000 pour 1872. Les épidémies de typhus, de choléra, les invasions de sauterelles, la famine… invoquées pour justifier la disparition, en l’espace de 34 ans,  de 6 500 000 Algériens. Le comte Le Hon, rapporteur de la commission d’enquête de 1869, reconnaît : « c’est le régime auquel les indigènes sont soumis qui les faits périr» dit-il. Il explique aussi : « …ce peuple étant devenu un peuple de khammès sans terre et sans silos, les hommes, femmes et enfants sont allés mourir  de faim autour des centres de colonisation. Ils sont morts sans se plaindre». Il n’y a pas d’illustrations, pas de publicité et pas assez d’historiens qui en parlent.  Les camps de concentration nazis apparaîtraient, peut-être, comme étant moins meurtriers, tout en nous permettant par les images qu’ils nous livrent de mesurer l’atroce agonie des populations réduites à mourir sans se plaindre, parce qu’elles n’avaient même plus la force de gémir. Alors, combien de morts ? Et dans quelles conditions ? Les statistiques devraient être revues et les professionnels de l’Histoire mis à la place des idéologues et des propagandistes d’arrière-garde. Pour que la tragédie algérienne puisse s’offrir au monde dans toute sa vérité.

Article publié le 27 octobre 2010 sur Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO Sarl - Tous droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour



Source : Auteur

Les avis reproduits dans les textes contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs. 
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org

Ziad Medoukh :



Analyses et poèmes...


Silvia Cattori :


Analyses...


René Naba :


Analyses...


Manuel de Diéguez :


Analyses...


Fadwa Nassar :


Analyses et traductions...


Alexandre Latsa :


Un autre regard sur
la Russie ...


Ahmed Halfaoui :


Analyses ...