Opinion
Obama a encore
parlé aux Arabes
Ahmed Halfaoui
Lundi 23 mai 2011
Barack
Obama a encore parlé aux Arabes. Cette
fois-ci, à partir de chez lui. Inutile
de se demander pourquoi il n'est pas
venu au Caire, la seule ville qui valait
le coup en tant que tribune.
L'essentiel, il l'a fait, il a parlé. De
même que la première fois il n'a pas
parlé à Israël, mais son laïus a été
traduit en hébreu. Touchante attention
pour des gens à qui il ne s'adresse pas.
Le discours a, aussi, été traduit en
farsi, parce que les Iraniens devaient
savoir ce qu'il avait à dire et qu'ils
sont, tout de même, un peu arabes sur
les bords. Sur le fond, il serait un peu
faux de dire qu'il ne s'est pas adressé
aux Israéliens quand il a appelé à «plus
de réalisme» pour ce «processus de paix»
qui n'en finit pas. Il n'aurait pas dû,
pour plusieurs raisons que les
Israéliens savent, peut-être mieux que
lui. C'est eux qui nous les apprennent.
Ils savent que Obama n'est pas
«intraitable» et qu'«il n'aime pas les
affrontements» et que «son but n'est pas
de porter tort à Israël mais de donner
une bonne image de lui» (aux Arabes),
sachant qu'«Israël
ne cèdera pas». Ils savent, aussi,
qu'Israël «est très fortement protégé
par l'opinion publique américaine et par
le Congrès». Les Israéliens ont même
prévu l'affaiblissement interne du
gouvernement démocrate et s'attendent,
non sans quelque perspicacité, à ce que
ce gouvernement ne survivra pas à un
désastre en politique étrangère et à une
conjoncture économique plus
qu'incertaine. Sachant cela, Benyamin
Netanyahu ne s'est pas privé de remettre
à sa place le président de la plus
puissante nation de la planète, quand ce
dernier avec mille précautions a joué à
l'équilibriste, en mettant la balle dans
le camp des spoliés et en entérinant le
dépeçage de la Palestine. Pourtant,
Obama s'est déjà fait taper sur les
doigts pour beaucoup moins que ça,
lorsqu'il voulait que les sionistes
suspendent juste leur rapine sur les
terres palestiniennes. C'est pour cela
qu'il faudrait plus prosaïquement penser
à une distribution de rôles. Dans le
genre «je vais dire aux arabes ce qu'ils
aiment entendre et tu réponds vivement,
des fois qu'il leur arrive de croire
qu'ils ont gagné». Ailleurs, sur sa
lancée, sont venus les bons points aux
gouvernements provisoires et les
réprimandes aux mauvais élèves, avec une
nuance pour le Bahreïn où il a souhaité
«le maintien du dialogue entre toutes
les parties et le bannissement de la
violence» alors qu'à côté, en Syrie «Assad
doit diriger la transition ou partir».
Encore une particularité dans ses
positions, qu'il se gardera bien
d'expliquer. Mais, il faut se résoudre à
accepter que la «démocratie», vue de
Washington et de ses satellites, est
quelque chose qui diffère selon le pays
ciblé. Par exemple, elle n'est pas bonne
pour les Saoudiens ou les Qataris et
surtout pas pour les Palestiniens. Vus
de ces capitales, les massacres de
populations prennent, aussi, différentes
significations. Il ne faut donc pas
s'étonner que les Bahreïnis et les
Palestiniens ne figurent pas dans la
nomenclature des bénéficiaires du label
des droits de l'homme. Ce qui fait que
Obama se sent obligé de parler aux
Arabes, dans un effort pitoyable d'être
«compris», alors que pour l'être, il
l'est par ceux dont il est déjà
convaincu de leur allégeance et
soumission.
Copyright © Les
Débats : Ahmed Halfaoui
Publié sur Les Débats
Reçu de l'auteur pour publication le 15
août 2011
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