Opinion
La fraude
essentielle
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 23 avril
2012
Ils sont
tous plus touchants les uns que les
autres, ces candidats qui s'inquiètent
de la fraude électorale. Celle qui
consiste à gonfler le score de certains
contre d'autres. Ils y vont tous de
leurs avertissements et de leurs
menaces, même ces indéfinissables parmi
la forêt de sigles qui rivalisent de
fantaisie. Mais pour une fois, l'opinion
que les élections seront propres ou, du
moins, plus propres que par le passé
semble être largement partagée. A la
bonne heure ! Chacun en aura pour sa
capacité de récolte, rien de plus, rien
de moins, ceux qui emplissent les salles
et les places de meeting, comme ceux qui
n'attirent que les parents, amis et
curieux. En contrepartie, il sera bien
difficile de justifier les défaites par
le bourrage des urnes. Parce qu'il sera
aussi difficile, voire impossible, de
les bourrer devant les regards des
scrutateurs de tout poil, ceux des
partis politiques, ceux de l'Union
européenne, comme ceux de ces ONG
obsédées de " démocratie ". Il n'y a
donc rien à tortiller, tant ce beau
monde se fera un plaisir de mobiliser
des médias qui n'attendent que de voir
s'ajouter l'Algérie à la Libye et à la
Syrie. Ce que les fraudeurs patentés
redoutent, sans préjudice de ce qu'ils
peuvent encourir s'ils sont découverts.
Ainsi le 10 mai le peuple qui vote sera
à peu près sûr que son bulletin
connaîtra la destination désirée et les
élus seront, en principe, bien élus. Il
restera tout de même un gros problème
que l'absence de fraude au vote n'aura
pas résolu. Dans leurs promesses, les
futurs élus ont tous assurés, avec
chacun sa propre sémantique, de sortir
le pays du sous-développement, de
résorber le chômage et la pauvreté et de
combler le déficit en logements. Les
plus déterminés auraient eu recours à
des experts pour élaborer un programme
miraculeux. Abdallah Djaballah, du PJD,
est de ceux-là. Fort de cette expertise,
il prône l'agriculture contre
l'industrie, car selon lui ou selon ce
qu'on lui a appris "l'Algérie possède
les plus grandes et riches superficies
de terres agricoles à l'échelle
mondiale". Rien que cela. On note
l'information pour la communiquer aux
spécialistes qui pensent plutôt que
l'Algérie est un pays semi-aride, pauvre
en terres agricoles. A lui de leur
expliquer la chose, avec l'aide de ses
experts. Pour les autres programmes,
quand ils existent, ils sont, dans leur
quasi-totalité, perclus de généralités,
le plus souvent démagogiques, quand
elles ne sont pas d'une niaiserie
désarmante. Et c'est là que se situe la
fraude essentielle, la vraie, la
sublime, qui prend le citoyen au
dépourvu, imprégné qu'il est, lui aussi,
par la fatale conception de la société,
qui veut que ses déboires sont dus aux
gérants et non au système et à ses
fondements socioéconomiques et
politico-idéologiques. Cette fraude qui
règne partout où règne la division
inique du travail. La fraude qui fait
que des miséreux votent contre la
couverture sociale universelle, aux
Etats-Unis, pour la mainmise de la
spéculation financière sur l'économie,
comme cela va se faire en France, ou
pour les mesures dévastatrices du FMI,
ainsi que cela s'est produit en Tunisie
ou en Espagne. Cette fraude là, personne
n'en parle.
Article publié sur
Les Débats
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