Opinion
Les révolutions
new-look
Ahmed Halfaoui

Manifestation en Algérie
Samedi 20 août 2011
Le temps
des révolutions claires et nettes, bien
des peuples qui la font, semble bel et
bien terminé. On ne peut plus
révolutionner tranquille. Si nous
bougeons, nous les gens de la périphérie
du monde, nous qui n'aurions jamais dû
chercher à nous émanciper, nous qui
n'aurions jamais dû croire que nous
avions droit à nous occuper de nos
propres affaires, on viendra nous
«aider» à «changer». Pour que notre
révolution aille bien dans le sens où
elle devrait aller. Si ça se trouve on
nous donnera une direction à notre
révolution pour qu'elle soit bien
encadrée. Ce sera un cadeau inestimable.
Ceux qui sont censés nous représenter se
feront dérouler le tapis rouge et leurs
noms et frimousses feront le tour du
monde, en un clin d'œil. Il y aura même
des photos de famille, avec des chefs
d'Etat puissants, qui leur donneront
l'épaisseur requise pour assumer leur
nouveau statut. Tant pis s'ils sont
propulsés sur un nuage et qu'ils se
sentent au large dans leur nouveau
costume. On peut même aller plus loin,
pour nous faire une fleur, élire et
certifier à notre place notre
gouvernement. Et, cerise sur le gâteau,
on peut aussi faire la révolution à
notre place en y mettant les moyens
qu'il faut. Des bombardiers high-tech et
autant de bombes qu'il faut pour faire
tomber nos «tyrans» des conseillers, des
experts en subversion et toute la
technologie qui va avec. Pour la
propagande, fini le temps des bons vieux
tracts, tirés péniblement et distribués,
au petit bonheur la chance. Toutes les
télévisions, toutes les radios, tous les
journaux, tous les sites d'information
qui comptent, sont mis à notre
disposition, ainsi que les meilleurs
spécialistes en matière de communication
et d'image. Les grands de ce monde, les
présidents, leurs ministres et leurs
porte-paroles, feront partie de la
direction élargie de la révolution et
parleront en notre nom. Ils peuvent même
dicter des exigences de leur cru,
répondre en nos lieu et place. Négocier
et décider pour notre bien.
Accessoirement, pour la forme, on peut
laisser nos chefs parler, pour que la
révolution ait nos couleurs. Et puis nos
chefs seront forts vis-à-vis de leurs
futurs pairs des autres pays. Ils
peuvent user de l'arrogance de ceux qui
les ont parrainés et installés à notre
tête. Ce qui constitue un attribut qu'il
ne faut pas négliger et qu'aucune
révolution passée n'a pu se permettre,
quand il s'agissait de chercher à se
faire le moins d'ennemis et le plus de
soutiens possible. Là, avec les maîtres
du monde, il n'y a plus besoin de la
diplomatie du faible. On peut y aller
franco sans risque de représailles. Ce
sera plutôt l'adversaire qui sera
tétanisé à l'idée de froisser les
puissants protecteurs. Seul bémol, on
n'aura pas la sympathie de tous ces gens
bien, ces humanistes au grand cœur, ces
partisans de la dignité humaine, ces
poètes et des gens dignes. On n'aura pas
l'adhésion de notre peuple qui, comme
tous les peuples du monde, n'accepte pas
que l'on décide à sa place, d'autant que
les bombes qui travaillent pour nous le
visent en premier, à cause de son refus
de se soumettre à une révolution dans
laquelle il ne se reconnaît pas. In fine
et à ce titre, le dénouement de la
«révolution» libyenne va éventuellement
constituer une leçon unique d'Histoire,
qui va nous édifier sur le sort de tous
ces jeunes qui y ont cru, qui ont
affronté la mort, et qui auront
peut-être gagné, le cas échéant, par
procuration de l'OTAN.
Article publié sur
Les Débats
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