Opinion
La patrie n'est
pas un hôtel
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 17 juillet 2013
Depuis
toujours les peuples, quand la mal-vie
s'emparait dangereusement de leur
quotidien, prenaient en main leur
destin. C'est ce qui a servi de moteur à
l'histoire. Très rares furent les cas de
fuite vers des cieux plus cléments,
abandonnant leurs terres. Mais il se
trouve de nos jours que les choses ont
commencé à changer, jusqu'à devenir une
donnée ordinaire. La jeune journaliste
Mehdia Belkadi dans sa quête d'une
réponse appropriée à la propension
dominante et galvaudée, au sud de la
planète, du refuge politique utilitaire
ou de l'exil doré, a eu la perspicacité
de relever cette lumineuse devise des
jeunes égyptiens : " la patrie n'est pas
un hôtel qu'on quitte quand le service
se détériore. Nous resterons ici ". Tout
un programme et une cinglante leçon
donnée aux candidats aux lumières de
là-bas, sous prétexte que " rien ne va "
ici, mais aussi une réponse à
l'insidieuse image, donnée jusqu'ici, de
peuples impuissants, gémissants sous le
joug et quémandeurs d'assistance aux
gardiens patentés de la démocratie. Nul
intention, bien sûr, de stigmatiser
quiconque, n'y pouvant rien, se trouve
dans l'obligation de fuir la violence,
pour mieux revenir. La chose vise
d'abord une certaine catégorie de gens
qui pensent que les pays se font tous
seuls, qu'ils n'ont rien à y apporter.
Une autre catégorie est formée de ceux
qui font commerce du drame de leur
peuple pour quémander, pour leur compte,
une place sous les lumières de
l'Occident et se poser en victime, en
attente d'un retour lorsque la situation
se sera calmée, au gré des intéressés. "
Lorsque le service se sera amélioré "
diront les jeunes égyptiens. En Algérie,
lors du basculement dans la violente
guerre civile, beaucoup ont fait leurs
valises pour diverses raisons, dont la
principale, se mettre à l'abri du danger
mortel que représentaient les groupes
islamistes armés. Au cas par cas, il est
possible de trouver des circonstances
atténuantes ou des raisons solides. Dans
l'ensemble, le mouvement enregistré
ressemble bien à un exode mû par le seul
rejet d'un pays devenu inhospitalier.
Nombreux d'ailleurs sont ceux qui ont
continué à entretenir le mythe de
l'insécurité généralisée pour bénéficier
des séjours offerts en pareilles
circonstances. Les pires vont souhaiter
que les nouvelles restent aussi
mauvaises que possible, tout au moins,
au prorata des conditions requises par
leur statut. Plus ça va mal, mieux on
est juridiquement protégé dans le
supposé confort administratif. Sans que
personne ne pose ce débat essentiel,
celui de savoir ce qui se produirait si
tout le peuple, celui qui a offert les
statistiques sanglantes, simples
citoyens, intellectuels, journalistes et
autres victimes, avait demandé ce droit
de se mettre à l'abri. Ou bien que se
serait-il passé si tout le peuple,
sûrement fatigué du sous-développement
ambiant, quittait le navire pour les
hypothétiques paradis du nord. Des
questions qu'il faut avoir le courage de
mettre sur le tapis, que les scrupules,
la pudeur empêchent d'exprimer. Au moins
au titre de l'examen de conscience, car
personne ne pourra ouvertement nier que
" la patrie n'est pas un hôtel ".
Article publié sur
Les Débats
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