Opinion
Vis et tu verras
des choses
Ahmed Halfaoui
Dimanche 17 avril 2011
Al Arabiya, la chaîne des Saoud, nous
montre des speakerines dans des tenues
qui doivent faire trembler d’indignation
les moutawas du royaume. Un vieil adage,
bien de chez nous, dit que rien de ce
qui se passe sous le soleil ne doit nous
étonner. «Aïch t’chouf» (vis et tu en
verras des choses), dit-il.Al Arabiya,
la chaîne des Saoud, nous montre des
speakerines dans des tenues qui doivent
faire trembler d’indignation les
moutawas du royaume. Un vieil adage,
bien de chez nous, dit que rien de ce
qui se passe sous le soleil ne doit nous
étonner. «Aïch t’chouf» (vis et tu en
verras des choses), dit-il. Et il se
vérifie périodiquement, tant ce qui nous
semblait immuable s’avère éphémère ou
bien ce qui nous semblait incongru
s’avère «normal». Dans ce sens, qui
pouvait croire ou prédire que les
monarchies du Golfe, dirigées par la
plus conservatrice des dynasties,
pouvaient être admises dans le cercle
étroit des «grandes démocraties» et
jouer les premiers rôles dans la
«démocratisation» des «Arabes» ?
Personne ou presque, si on tient compte
des quelques esprits retors qui n’ont
jamais cru à la notion de «monde libre»
et qui raisonnent en termes plus
sophistiqués de géostratégies basées sur
les intérêts bien compris de la grande
finance. Les «bonnes âmes» convaincues
de la bonne foi de l’Occident
«démocratique et civilisé» en seront
quittes de conclure que les voies du
droit international sont (comme celles
du Seigneur) parfois impénétrables.
Elles auront tout le temps de
s’interroger, plus tard, sur le
bien-fondé des «bombardements
humanitaires», une fois qu’ils auront
fait leur œuvre. Pour l’Irak, le petit
Bush, ses compères et Tony Blair ont
porté le chapeau des menteurs et des
criminels, pas pour tout le monde, mais
personne n’ose les défendre ou justifier
leurs crimes contre les centaines de
milliers d’Irakiens, pas plus que
quelqu’un ait parlé de les traduire
devant une cour pénale. Pas même les
parents des milliers de soldats
étatsuniens et britanniques morts pour
un mensonge et pour de sordides intérêts
qui engraissent les comptes des Cheney,
Rumsfeld, Rice & co. En Libye, Kadhafi,
le Saddam rêvé, offre le même prétexte
de partir secourir le «peuple libyen»,
que personne n’a entendu, sauf des
«représentants» dûment choisis par
Bernard-Henri Lévy et exhibés par les
chaînes «révolutionnaires» Al Jazeera,
AlArabiya et consœurs occidentales. Pour
les millions d’autres Libyens, qui
n’habitent pas Benghazi et qui
manifestent depuis des semaines, il n’y
a pas d’images qui tiennent, tant que
Kadhafi défile parmi eux. Les images de
l’artisanale télévision libyenne étant
«impossibles à authentifier», selon
Euronews et autres chaînes
d’information. Les autres, les leurs, le
sont d’office. Mais, comme Tripoli et
autres villes «pro» le «Guide» ne les
intéressent pas, nous n’aurons pas des
bains de foule «authentifiés». Resteront
le doute, le discrédit et la possibilité
d’un «sosie» qui, de toutes les façons,
se paie des bains de foule. Euronews ne
s’attarde pas sur ce détail qui fait que
la foule, même si elle entoure la copie,
croit tout de même que c’est l’original.
Ce qui fait que l’effet officiellement
recherché de «démocratiser» est loin
d’être obtenu. Au mieux, qui sera le
pire, le pays sera plongé dans une
atroce guerre civile ou soumis à un
régime d’exception, tel que Kadhafi
passera, et il passe déjà, pour le
symbole de la dignité, de la paix et de
la liberté pour une population censurée,
par la plus formidable machine de
désinformation que le monde a connue.
Copyright © Les
Débats : Ahmed Halfaoui
Publié sur Les Débats
Reçu de l'auteur pour publication le 15
août 2011
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