Opinion
La Banque mondiale
ne fait pas de politique
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 16 mars
2013
Il y a
vraiment des comportements pour lesquels
aucune qualification n'est assez forte.
Le mot culot, par exemple, est en deçà
de la réalité des choses. Dans son bilan
d'étape du Cadre de partenariat
stratégique (CPS) 2010-2013, qui lie
la Banque mondiale au Maroc, en traitant
du chômage des jeunes, Simon Gray, son
directeur du département Maghreb, région
MENA, interviewé par le site
lavieeco.com parle de «réformes…qui
auront un impact sur l'essor d'un
secteur privé plus dynamique et créateur
de ‘’bons’’ emplois». Quand on sait le
classement de ce pays dans la hiérarchie
du développement qui frise le statut de
PMA (pays les moins avancés), rapporté
aux immenses difficultés dans lesquelles
se débattent des pays autrement plus
solides, en Europe, nous pouvons nous
interroger sur le sérieux du propos. Le
chômage en progression irrépressible en
France, en Espagne ou au Portugal, pour
ne citer que ces cas d'école, pourrait
trouver des solutions dans un Maroc dont
la structure économique et la place dans
le marché mondial sont plus que
précaires. Il y aurait, peut-être, de
l'intelligence en sous-main qui ne
serait pas perceptible pour le premier
venu. Une intelligence qui ne serait
opérante qu'au Sud en déshérence et pas
dans le monde dit développé et
industrialisé. Là-bas, il n'y a pas de
recette connue, du moins avouée. Parmi
les réformes proposées, il y en a une
qui est pratiquement la même que celle
qui vient tout juste d'être proposée par
le Fonds monétaire international pour
l'Algérie, la voici : «la législation du
travail devrait être assouplie pour
permettre aux jeunes d'accéder plus
facilement au marché de l'emploi
formel». A lire une telle phrase, nous
la trouvons très pudique dans la forme.
Signalons que certains termes, utilisés
par Simon Gray, ciblent l'économie
informelle. D'où cette recommandation
qui dicte d'aligner sur elle le marché
du travail. Du coup, l'informel sera la
règle, puisque le formel «assoupli»
n'aura plus grand-chose à lui envier en
termes de règles. Ensuite, sans rire, il
est question de «la protection sociale»
et du «renforcement de l'inclusion
sociale» et «économique» des jeunes et
des femmes en particulier. «La
gymnastique est étourdissante en
apparence, mais elle est implacable de
cynisme. Il suffit de se situer dans la
conception que la Banque se fait des
populations non-occidentales. Néanmoins,
il y a des scrupules intellectuels qui
suintent. L'avenir présenté est affecté
de quelques avertissements, dont
celui-ci : «le principe schumpétérien
dit de ‘’destruction créatrice’’ reste,
en effet, au cœur du développement
économique». Et puis tout devient clair.
Il faut «mettre en œuvre les campagnes
de communication et des programmes
permettant d'éviter les impacts négatifs
sur les populations pauvres et
vulnérables». Parce que, en plus, il
faut supprimer les subventions qui
permettent aux Marocains les plus
pauvres de survivre. Dans ce cas, vient
une menace à peine voilée : «il existe
des pressions qui peuvent précipiter la
réforme, comme un déficit budgétaire
conséquent qui peut exiger de réduire
fortement les subventions budgétivores».
Mais ne nous trompons pas après tout sur
le rôle de la respectable Banque
mondiale, «c’est une institution œuvrant
pour le développement et qui s'interdit
de s'immiscer dans la politique interne
de ses Etats membres».
Article
publié sur
Les Débats
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