Opinion
Les jours les plus
longs des Frères
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 13 décembre
2012
On saura
bien un jour ce qui s'est concocté entre
les Etats-Unis et les Frères musulmans,
contentons-nous aujourd'hui d'observer
leurs relations à la lumière de
l'actualité égyptienne et tunisienne.
Dans les deux cas, il y a une volonté
manifeste de conforter la victoire
électorale, purement arithmétique, par
une offensive qui vise à asseoir
l'hégémonie des Frères sur l'Etat et sur
la société. Cette offensive utilise deux
modes opératoires différents. Elle est
plus brutale en Egypte, parce que la
confrérie dispose d'une base sociale
assez importante pour contrer les
opposants. En Tunisie, le dispositif est
plus sournois. Ennahda, dont les
partisans sont loin de constituer un
poids significatif, sait que le rapport
de force n'est pas en sa faveur et
cherche son inversion par le grignotage
des espaces et par la destruction ou, au
moins, la neutralisation des forces
sociales susceptibles de lui barrer le
chemin. Ce processus se produit sous le
regard complaisant de la «communauté
internationale», qui après avoir
consacré le «printemps» affiche une
«neutralité» douteuse, quant elle ne
menace pas les contestataires. Il s'agit
de «soutenir la transition» ou
d'«encourager les islamistes modérés»,
explique la diplomatie occidentale à
ceux qui n'ont pas compris que le
gouvernement des Arabes et assimilés
nécessite un contenu religieux, en
attendant une hypothétique démocratie.
L'important étant que l'ouverture aux
forces du marché soit assurée contre les
velléités d'émergence de courants, qui
peuvent les compromettre. D'où l'intérêt
d'une prise en main autoritaire qui peut
être «consentie» grâce à un regain de
religiosité, garante du respect de la
libre-entreprise. Une grande difficulté
se présente : la situation économique
très précaire conjuguée à des attentes
incommensurables qui s'expriment
ouvertement. Ceci dans une dynamique de
libération de la parole et d'une prise
de conscience aiguë de l'iniquité du
système en place. On comprend, dès lors,
que les Frères musulmans aient
immédiatement entrepris de juguler les
adversaires. En Egypte, le président
Mohamed Morsi, oubliant sa fonction, en
appelle à ses troupes contre
l'opposition populaire qui refuse son
diktat. En Tunisie, c'est le chef des
Frères, Ghanouchi qui lance, sans
l'assumer publiquement, des milices
autoproclamées, les «Comités de
protection de la révolution», contre
l'Union générale des travailleurs
tunisiens, principale adversaire sur le
terrain économique et social, et contre
tous ceux qui pourraient contester une
gouvernance à la sauce religieuse. Il
n'hésite pas à défendre les miliciens et
à les légitimer, sans les revendiquer.
Selon lui, ce sont eux qui «donnent la
légitimité aux autres». Dans le pays, un
rapprochement est fait, à juste titre,
avec les Sections d'assaut (SA) nazies
qui terrorisaient les adversaires
d’Adolf Hitler et qui ont fini par les
éliminer. En Egypte, ce sont des foules
qui sont mobilisées pour intimider
l'opposition, quitte à risquer un
affrontement aux conséquences
dramatiques, en prévision de
l'instauration, dans le même temps,
d'une incontestable hégémonie des Frères
dans la société. En arrière-plan, les
Etats-Unis attendent. Ils sont prudents,
dit-on. Peut-être, les Frères
devraient-ils se méfier. S'ils perdent,
il y a toujours les Amr Moussa, Beji
Caïd Essebsi et autres libéraux qui
pourraient faire l'affaire.
Article publié sur
Les Débats
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