Opinion
Athéna : «L'esprit
qui temporise la force brutale»
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 13 octobre
2011
Syrte, le
berceau d'Athéna, cette belle ravie par
les mythologues grecs, grâce à la
fameuse entourloupe d'un mal de tête de
Zeus. Le grand dieu, le plus haut de
l'Olympe l'a attrapé sur les bords du
fleuve Triton. Sur le territoire de la
reine Amazighe de la légende. Athéna. Le
symbole de la "guerre", des "armes", de
la "raison" et de la "sagesse". Passée
par la tête de Zeus, devenue sa fille,
elle va connaître le destin de donner
son nom à une autre ville que la sienne,
une ville d'au-delà des mers qui, elle
aussi, connaît une autre guerre, sociale
elle. Athènes. Athéna. Le symbole de la
"guerre", des "armes", de la "raison" et
de "l'esprit qui temporise la force
brutale". Le rapprochement avec Syrte
qui affronte depuis d'interminables
semaines la barbarie, est volontaire.
L'Histoire rejoint la légende. Syrte la
rebelle qui tient tête aux guerriers de
l'apocalypse, immunes dans leurs avions
de mort. Elle tient tête, seule, coupée
du monde, entourée de spectateurs
assoiffés de sang et qui, à force de la
vouloir à terre, la voient tous les
jours tomber. Athéna y est peut-être
pour quelque chose. L'explication
recourt au mythe, afin de dépasser les
limites des mots ordinaires. Ce mythe
que Syrte s'entête à l'être encore et
toujours. Ne pas démentir la légende. Se
rappeler "l'esprit qui temporise la
force brutale", cette qualité
multiséculaire de la Libyenne de retour
du Panthéon où elle fut promue déesse.
Un retour le temps de prodiguer son
souffle vital à ces Syrtiens des temps
modernes, combien humains, en butte à la
tyrannie, qui céderont le cas échéant
mais sans s'être soumis. Le souffle
vital est en eux, il animera demain
l'espoir de rétablir leur dignité, comme
il anime aujourd'hui leur ardeur à ne
pas se laisser réduire. Ils ont mis
Syrte au cœur de tout et l'ont érigée en
reine de la rébellion contre les dénis
et l'arrogance. Zeus se consolera de
voir sa fille adoptive retrouver son âme
première. Depuis son mont, il doit
guetter son arrivée, confiant qu'il doit
être qu'il en a fait son enfant, à
jamais. Mais, l'angoisse l'étreint
devant le doute implacable que se
reconstruise une autre légende qui la
lui ravira. L'appel de Syrte peut être
plus fort. Se réécrira, c'est possible,
un autre cours de la vie d'Athéna ou
devra-t-il la partager, en reconnaissant
sa sève première. L'écriture délire ?
Pas tant que cela. Ce serait plutôt ce
monde pris de convulsions et ses maîtres
animés de folie sanguinaire, qui ont mis
la raison en congé et donné à la
cupidité, alliée au mensonge et à
l'hypocrisie, un règne sans partage.
Athéna, l'Amazighe, la femme libre, la
guerrière revenue s'insuffler dans l'âme
de Syrte. Pourquoi ne pas s'offrir cette
évasion ? Pourquoi ne pas caresser cette
féérie ? Pourquoi ne pas s'appliquer ce
baume éthéré ? Pourquoi, le temps d'une
lubie vénielle, ne pas s'évader et
taquiner l'irrationnel ? Histoire de se
mettre au diapason d'une actualité où
l'intelligence n'a pas de place et où la
fiction a chassé la vie de gens faits de
chair et de sang, d'amour et de colère,
de joie et de douleur.
Article publié sur
Les Débats
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