Opinion
Egypte : les
possibles des Frères
Ahmed Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Mardi 9 juillet 2013
Après la grande catharsis du vendredi 5
juillet, tout laisse à penser que les
Frères égyptiens ne pourront produire de
mobilisation de rue supérieure à celle
qu’ils ont pu réaliser dans un climat
paroxystique. Quant au discours
maximaliste qui exige l’abrogation du
« communiqué des forces armées »,
c'est-à-dire le retour de Mohamed Morsi
au pouvoir, il relève lui-aussi du
minimum requis par la circonstance, même
s’il a pu faire illusion auprès de
certains « analystes » subjugués par
l’ardeur déployée et la détermination
exprimée. Ce qui autorisera la folle
rumeur d’une implosion du commandement
militaire et d’un recul, sur sa
déclaration, du général Abdel Fattah
Al-Sissi Viendra la dure réalité de la
décantation des rangs, entre engagement
existentiel, militance et sympathie.
Très vite, plus vite que ce que l’on
pourrait penser. Alors, se poseront les
vrais problèmes de stratégie à adopter.
Dans une première hypothèse, les Frères
se calmeraient et accepteraient de se
plier au fait accompli, en reconnaissant
au passage qu’ils ne peuvent rien contre
le raz-de-marée populaire, que leur
passage à la tête du pays a provoqué. Ce
serait là une conduite qui préservera
les forces qui leur restent et leur
donnerait une chance de se maintenir sur
la scène politique, puisqu’il n’est pas
question pour le pouvoir issu de la
« révolution du 30 juin » de les
dissoudre. Mais ils seront peut-être
attentifs à la partie radicale de leur
base, que le morched a enthousiasmée par
ses envolées triomphalistes, le
lendemain de la destitution de leur
président. Dans ce cas, les Frères
seraient poussés à s’enfermer dans leurs
fantasmes sur leurs revendications d’une
« légalité », dont eux seuls
détiendraient le sens, envers et contre
l’intelligence des choses et en dépit
d’un rapport de force qui pourrait les
anéantir. Dans ce cas, où ils
maintiendraient leurs rassemblements,
ils engageraient un processus qui ne
sera certainement pas en leur faveur,
car le mouvement « rébellion » ne
manquera probablement pas de refaire sa
démonstration de force, ce qui leur
rendra la gageure plus difficile à
tenir. Ils peuvent passer outre ce défi,
avec une baisse drastique des
prétentions, et n’inscrire que l’espoir
de grappiller quelque reconnaissance de
leur capacité de nuisance, tout en
sauvant la face auprès de leurs
adhérents, afin de se placer pour les
luttes futures. Cependant les hypothèses
les plus favorables aux Frères
n’arrivent pas à passer au sein de
l’écrasante majorité de la population
égyptienne, où le sentiment dominant est
de voir la Confrérie disparaître de
l’espace public. Ce qui n’est pas un
scénario surréaliste. Pour cause, dans
la société, où les Frères étaient déjà
loin d’être hégémoniques, et très loin
d’être majoritaires, le rejet a pris une
consistance structurelle, par le fait
même de l’affrontement qui a conduit à
souder contre eux des dizaines de
millions d’Egyptiens. Résultat d’une
ambition, les Frères ont perdu leur aura
et compromis leur image et ce ne sont
pas ces milliers de sympathisants
rameutés de l’ensemble du pays qui
feront le poids, en dehors du spectacle
qu’ils offrent aux télévisions.
Paradoxalement, enfin, ils auront été
les catalyseurs du plus formidable élan
populaire de l’histoire de l’Egypte.
Article publié sur
Les Débats
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