Opinion
La «transition» et
le «printemps»
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 8 août
2012
Le premier
problème qui se pose en Tunisie, comme
en Egypte, où ce sont des mouvements
populaires qui ont ébranlé les pouvoirs
en place, réside dans le fait que le
système économique et social que ces
pouvoirs représentaient est resté
intact. A aucun moment il n'y a eu de
remises en cause fondamentales des
rapports sociaux, responsables de la
misère qui a conduit à la révolte. Le
discours, qui a enveloppé les
mobilisations de masse, se contentait de
revendiquer, à leur place, la
«démocratie» et la «liberté» (liberté de
la presse, liberté d'association,
élections...). Les dictateurs démis, la
tâche a été déclarée accomplie.
S'ensuivit une confusion qui associe le
maintien, voire le renforcement du
libéralisme, au retour de la justice
sociale. Cela dans des pays exsangues et
aux économies extraverties, soumises aux
aléas du marché mondial, dominé, comme
on le sait, par la logique du profit et
du pillage des plus faibles. Comme si
les travailleurs et les couches
inférieures des pays capitalistes
développés avaient automatiquement
bénéficié des retombées de
l'enrichissement des patrons. Comme si
le moindre acquis n'a pas été arraché de
haute lutte et comme s'il n'a pas fallu
défendre pied à pied chacun de ces
droits qui sont grignotés, aujourd'hui,
sous couvert de la crise économique, de
la «solidarité nationale» et d'une
«répartition des pertes», sans
répartition, bien sûr, des bénéfices.
Comme si le relatif bien-être dans ces
pays ne devait rien aux soubresauts, aux
révoltes, aux sacrifices et aux rapports
de force qui ont contraint le patronat à
se départir d'une part de ses profits,
pour calmer les revendications. Nous
voilà donc à nous interroger sur le sens
des «victoires» tunisienne et
égyptienne, tant elles ont profité à
l'émergence des plus fervents partisans
de la mise des économies sous tutelle du
marché, au moment où ce marché procède à
l'exclusion économique et sociale de
dizaines de millions d'êtres humains,
dans ces propres bases et à travers le
monde, au moment où les victimes
étatsuniennes du néolibéralisme
s'attaquent à son temple, Wall-Street.
En ces moments, les tuteurs immanents
qui sont reçus en grande pompe se
préoccupent au plus haut point de la
«transition». Ce maître mot de Hillary
Clinton est érigé en concept dont
l'acception n'a pas besoin de long
développement ni dans la presse
mondialisée ni dans la bouche de ses
promoteurs. Il intègre, en lui-même, un
programme très clair. La «transition»
n'a qu'un seul objectif à atteindre. En
Egypte, les hommes politiques qui ont
lancé un «Fonds pour la dignité et la
fierté», contre l'aide des Etats-Unis,
doivent avoir refusé une partie du deal
ou des ordres qu'elle a donnés à ses
alliés. Les autres, tous les autres, qui
ne doivent pas soupçonner, un instant,
ce que signifie la visite et la
réception de la dame, comprendront dans
leur chair que les Frères n'ont pas
d'autre religion terrestre que le
service du diktat de l'argent. En
Tunisie, le ton a été donné plus tôt, la
«transition» est à l'œuvre, protégée des
regards par les leurres qui focalisent
l'attention et perturbent le
discernement des enjeux qui se
profilent.
Article publié sur
Les Débats
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