Opinion
France, quo vadis
?
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 7 octobre
2010
La droite
française a ouvert, toutes grandes, des
brèches dans l’édifice qui protégeait la
France des assauts du fascisme. Cette
tendance est intégré au paysage
politique sous la dénomination «extrême
droite». Ce qui normalise sa présence et
son expression et permet à la droite de
piocher, quand elle en a besoin, dans
son lexique et dans son programme.
Portant en germe le fascisme, le
libéralisme utilisait à doses
homéopathique ses recettes, parce que le
rapport de force n’était pas favorable
et que la situation économique
n’exigeait pas une telle issue. Parce
que le libéralisme n’est pas démocrate
en soi.
Il l’est
quand il ne peut pas faire autrement ou
quand il peut acheter la paix sociale.
Mais dès que ces fondements sont
menacés, et c’est le cas de nos jours,
il devient féroce pour survivre et a le
plus souvent recours à remettre en cause
tout ce qu’il a défendu, en termes de
libertés et de droits de l’homme. La
compromission de la gauche officielle,
représentée par le parti «socialiste»
dans la défense des intérêts du grand
patronat et sa trahison du «peuple de
gauche» durant plusieurs décennies a
fini par réduire son poids dans la
société, tandis que certains de ses
leaders charismatiques rejoignent, toute
honte bue, une droite arrogante et
radicalisée. En son sein se précise un
effondrement inéluctable de ce qui lui
sert de bastion. Les luttes intestines
pour le pouvoir dans le parti et la
personnalisation des débats en sont les
signes. Désormais, chacun se bat pour sa
carrière et travaille à sa propre
survie. Cependant, le terrain où le PS
est considérablement affaibli est
abandonné à Sarkozy et à ses
nervis de l’UMP. Et c’est aux fascistes
de noter les progrès du pouvoir
français. «Sarkozy a le verbe haut mais
la main molle. C’est juste un monarque
qui jouit du pouvoir !» dit Marine Le
Pen, probable candidate aux prochaines
élections présidentielles française.
Elle
approuve le verbe, ce n’est pas rien et
c’est nouveau sur la scène. Sarkozy
sera-t-il poussé à durcir sa main pour
démentir la fille de Jean-Marie Le Pen ?
C’est ce qu’il tente de faire,
concernant les Français «pas de souche»,
premier cheval de bataille du Front
National et de ses
partisans. La démarche obéit à une
intention, qui ne s’affiche pas
d’emblée.
Il pense
avoir trouvé le moyen de maintenir le
personnel de la droite traditionnelle au
pouvoir, contre une éventuelle montée en
puissance de l’extrême droite, qu’il
pense capable de ratisser large dans une
frange de l’électorat déçue par
l’alternance coutumière,
désorientée et disponible. Il lui sert
ce qu’il pense qu’elle veut. Le nouveau
cours qui est à l’œuvre, puise
certainement dans l’expérience tragique
de la «République de Weimar» en
Allemagne. C’était le régime sous lequel
a pu prospérer le national-socialisme et
qui a créé le terrain favorable à la
prise de pouvoir par Hitler.
Nicolas Sarkozy veut devancer
l’appel. En même temps qu’il satisfait
aux pulsions nationalistes, il donne des
garanties au grand capital. Sur
plusieurs fronts, il mène des offensives
pour occuper le maximum d’espace. Pour
ce faire, il pratique, sans sourciller,
un discours fascisant et s’attaque par
la bande aux principes républicains. Il
casse des tabous, comme pour préparer
l’opinion à de plus vastes remises en
cause ou pour tester les capacités de
réaction de l’opposition.
Un
fascisme relooké et adapté au nouveau
contexte national et mondial se met en
branle. Franchement sioniste, il rompt
avec le racisme autrefois destiné aux
juifs et le reconvertit contre
l’immigration et les minorités visibles.
Ces
substituts aux juifs qui
menacent l’unité de la nation, l’ordre
public et la sécurité des honnêtes
français. Le racisme autorisera, s’il
gagne la société, le développement de
l’autoritarisme, les restrictions des
libertés publiques et l’abolition d’un
certains nombre de règles démocratiques.
Le racisme pour gagner la société doit
être nourri de la haine de l’étranger
qui ne respecte pas les «valeurs de la
France». Les premiers seront les «jeunes
des banlieues». Vont suivre ceux «qui ne
travaillent pas plus», les
«soixante-huitards» (comprendre
l’extrême-gauche»), les «braillards»
(comprendre les syndicalistes ouvriers)
et tous ceux qui sont empreints
d’humanisme, même français de
souche.
Ces
catégories commencent, d’ailleurs, à
subir une stigmatisation en règle de
façon à les mettre, d’abord, sur la
défensive, pour les isoler ensuite et
enfin les réduire. Avec la fin du
quinquennat, on assiste à une véritable
course contre la montre pour
ce qui représente désormais une échéance
cruciale pour le projet de mise sous
coupe réglée de la contestation. Le
calcul est simple, car quand les périls
se précisent il n’y a pas de temps pour
construire une stratégie compliquée. Il
s’agit de parer au plus pressé. Il faut
engager le maximum de réformes
scélérates pour économiser le plus
d’argent possible sur le dos des plus
fragiles en rognant sur les avantages
acquis.
Cet argent
doit servir à renflouer le capital en
crise, par des renflouements directs des
banques, par des suppressions d‘impôt et
par une diminution des charges sociales.
Sur le plan idéologique l’UMP et son
chef croient rendre le FN inutile, en
chassant sur ses terres. Le pari n’est
pas aussi sûr. Si le discours
parvient à devenir majoritaire,
avec tout ce que cela implique comme
«abandon des libertés au profit de la
sécurité», le Front National a d’autres
arguments que Sarkozy ne peut pas faire
valoir. Ces arguments se trouvent dans
le populisme de Le Pen et de son parti.
La copie ne peut pas remplacer
l’original.
Le cas
échéant, même le patronat peut préférer
Le Pen à un président parjure
décrédibilisé par l’exercice du pouvoir
et tenu par une base sociale dont
l’homogénéité n’est pas assurée. Sans
préjudice du fait que la radicalisation
à l’extrême-droite peut, avant tout,
renforcer les fascistes traditionnels
qui trouveront matière inespérée à
prouver qu’ils ont eu raison.
Quand
Sarkozy, en apprenti-sorcier, leur donne
raison et se présente en élève qui singe
le maître, les sionistes, quant à eux,
doivent bien savoir que les frontières
établies entre le racisme anti-juif et
le racisme ordinaire est ténu et
n’assure pas contre les dérives. En se
mobilisant pour la campagne anti-beurs,
noirs, gens du voyage, Roms, ils
impliquent la communauté dont ils
usurpent la représentativité et la
mettent en danger. On n’en est pas
là. Un vent est en train de souffler
que l’on n’oublie pas. Le formidable
mouvement social qui est en train de
grandir construit, probablement, la
véritable alternative. Les gigantesques
manifestations unitaires de
travailleurs, d’étudiants et de jeunes,
soutenues par une écrasante majorité de
Français, démontrent à l’envi que tous
les calculs doivent être revus. Loin de
d’essouffler, ce mouvement se dirige
vers une grève générale, c’est-à-dire
vers une épreuve de force qui établira,
de toute évidence, de nouveaux rapports
de force, où les simagrées de la gauche
rose bonbon n’auront pas voie au
chapitre et où l’arrogance de l’UMP ne
sera qu’un vieux souvenir.
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Publié le 14 août 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur.
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