Opinion
L'indigénat assumé
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 7 avril
2013
Aucune
leçon ne semble avoir été tirée de plus
de deux décennies d'obéissance, quasi
obséquieuse sinon zélée, aux directives
et autres conseils des puissances du
marché. Ni le délabrement du tissu
industriel péniblement acquis, ni
l'indigence du privé national, ni les
réticences des investisseurs étrangers
(pour autant qu'ils puissent être des
facteurs de développement), ni la
transformation du pays en déversoir de
produits d'importation, ni le
renforcement de la dépendance à l'égard
des hydrocarbures n'ont provoqué la
moindre remise d'une politique
économique suicidaire. Encore et
toujours, ce sont des annonces
prometteuses de lendemains lumineux qui
dominent, alors qu'elles ont depuis
longtemps acquis le statut de vœux
pieux. Tout fier, filant droit sur le
mur de la désillusion finale, retardée
par l'embellie financière qui ne doit
rien à l'intelligence d'une quelconque
gouvernance, le ministre de l'Industrie,
Cherif Rahmani, nous parle de la mise en
place de dispositifs d'«alliance
industrielle entre l'Algérie et la
France». Pour être plus précis, il nous
apprend que le ministre du Commerce
français et lui ont décidé «de
construire un projet commun dans le
cadre d'un espace euro-méditerranéen
afin de pouvoir encore exister dans un
marché mondialisé». A l'écouter, nous
devrions être amenés à croire, non
seulement que c'est parti pour de bon
dans le sens d'une renaissance
économique, mais que c'est aussi la
seule issue possible. Il irait de notre
survie que de rater cette opportunité.
Il y a eu, bien sûr, des échanges
d'amabilité. Notre ministre a fait un
appel pressant aux investisseurs
français et leur a rappelé qu'il y a un
comité, créé en association avec la
Banque mondiale, qui s'occupe de
l'amélioration du «climat des affaires»,
c'est-à-dire qui va leur créer les
conditions qu'il faut en balayant tout
ce qui peut gêner une fructification
maximum de leurs affaires. Leur
ministre, plus sobre, a évoqué
l'objectif de la France de «rester le
premier partenaire commercial de
l'Algérie». Son problème étant
différent, il veut juste assurer aux
entreprises françaises que le marché
algérien leur sera favorable, libre à
elles de venir investir ou pas.
Concomitamment, en visite chez le
Makhzen, le président français, après
des tonnes de louanges à la «démocratie»
qui règne dans le royaume, et son
souhait de «trouver les moyens de faire
en sorte qu'on avance ensemble», après
avoir répété l'insulte faite aux
résolutions de l'ONU sur le Sahara
occidental, a signé une «déclaration
conjointe», où il convient avec Mohammed
VI de «soutenir et d'amplifier la
dynamique d'internationalisation des
entreprises marocaines et françaises en
direction de l'Afrique, espace
d'opportunités économiques...». Une
seule vérité, le TGV, acheté à la France
par le Makhzen autour de 5 milliards
d'euros empruntés, qui déroute les
Marocains, dont les préoccupations en
matière de transport public sont à des
lieux des objectifs de ce projet. Là
aussi, quoi que l'ambition
expansionniste alaouite soit payée en
retour, le marché de dupes prospère sans
entraves.
Article
publié sur
Les Débats
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