Opinion
Poutine n'y est
pour rien
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 6 mars
2012
La chute de
la bureaucratie soviétique devait être
nécessairement accompagnée par
l'effondrement du pays et des peuples
qu'elle dirigeait. Surtout les Russes.
C'est ce que disaient les oracles. Dans
l'optimisme débridé, la «bête» devait
finir dans un chaos apocalyptique. Ce
fut cet espoir insensé qui a déferlé sur
les citadelles du pouvoir occidental. Le
«Monde Libre» devait gagner sur toute la
ligne. Premiers doutes, pas un mort pour
un gigantesque séisme politique, mais
Boris Eltsine l'ivrogne offrait le plus
beau des tableaux. C'était bien là la
fin et de l'URSS et de la Russie.
Bientôt, rien ne devait plus s'opposer à
l'épopée du marché. Las ! C'était aller
trop vite en conjectures. L'URSS ce
n'était pas qu'une bureaucratie, une
dictature, le stalinisme, c'était aussi
et surtout une société avec d'énormes
ressorts, éduquée, cultivée, sans
analphabètes et très jalouse de son
histoire et fière de ses victoires
scientifiques et technologiques. Son
fondement, la Russie, l'était encore
plus et on allait très vite s'en rendre
compte. C'est ce qui s'est produit quand
la boulimie criminelle de l'argent a
dépassé le seuil du tolérable en Libye
et qu'elle voulut engloutir la Syrie.
Vladimir Poutine n'y est pour rien et ne
serait rien sans le formidable potentiel
que l'URSS a légué aux générations
d'aujourd'hui. Il n'y est pour rien,
mais il concentre toute la haine dirigée
contre son pays et le pire des
cauchemars vient de se réaliser, il
vient d'être élu à la tête de l'Etat
russe. A l'unisson, le comité
international de rédaction unifié tire à
boulets rouges. France 24 ouvre avec
«Poutine : le début de la fin !» Les
autres ne sont pas plus sobres, on y va
de tous les dénigrements :
«Présidentielle en Russie : scrutin
ouvert, fraudes déjà dénoncées»,
«Poutine, d'espion sans renom à
président», «Russie : des anomalies et
des soupçons de fraudes signalés», «Le
retour de Vladimir Poutine au Kremlin
entaché de fraudes», «Russie : Poutine
va gagner la présidentielle, mais il
perdra la guerre», «Les webcams de
Poutine assurent mal le contrôle»,
«L'économie russe : pétrole, croissance
et corruption», «12 ans de Poutine : un
bilan accablant» et la litanie se
déroule à l'infini dans une tentative
désespérée d'exorciser la déception. On
a invoqué Mikhaïl Gorbatchev, le symbole
du triomphe sur le «communisme», qui a
demandé à Poutine de se retirer. Les
jours qui viennent seront consacrés aux
moindres frémissements de l'opposition
reconduite, sans plus. Cela s'explique,
la Russie n'est pas un pays que l'on
peut aller «démocratiser» sans coup
férir. Pourtant Poutine n'est pas
communiste, ni même socialiste «modéré».
Il représente, juste, un pays qui a les
moyens de jouer dans la cour des grands
et au-delà, si l'on considère les
satellites européens des Etats-Unis. Il
représente une réaction de puissance à
la volonté de puissance d'en face, qui
ne se préoccupe pas de détails tant que
le terrain se prête à ses appétits. Il
représente le produit en retour, d'un
monde bâti sur le droit de la force, qui
va réarmer pour protéger son espace
vital. Poutine est une conséquence du
terrorisme de l'OTAN.
Article publié sur
Les Débats
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