Opinion
Les Frères
musulmans à l'épreuve du pouvoir
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 3 décembre
2012
Le «printemps» a servi au moins à une
chose : il a jeté les Frères musulmans
en pâture à leur vérité. Les foules, les
connaissent tels qu'ils sont, quand ils
sont au pouvoir. Elles qui attendaient
d'eux le paradis sur terre, au minimum
une «solution» miraculeuse à tous les
maux d'une société inégalitaire,
exclusive des plus faibles et bâtie sur
le pouvoir de l'argent. En Egypte, les
Frères proposent la dictature
«provisoire» en réponse au
mécontentement populaire (grèves,
manifestations, sit-in…) qui menacerait
la révolution, en attendant qu'elle soit
sanctifiée par une Constitution, dont la
rédaction a connu une accélération
fulgurante, afin de prendre de vitesse
le mouvement de contestation qui enfle
contre le président Mohamed Morsi. En
appui aux forces de l'ordre, ont été
rameutées de tout le pays des troupes
chauffées à blanc contre ceux qui
refusent que soient confisquées leurs
libertés. Ce qui signifie que
l'intimidation musclée est opposée à la
revendication démocratique, avec la
claire intention d'imposer la force en
lieu et place du droit. En tant que
message d'arrière-plan, on peut lire,
dans la mobilisation du camp islamiste,
la volonté de ne plus tolérer aucune
voix discordante. Les Frères démontrent
ainsi leur ferme intention de ne plus
obéir aux règles qui leur ont permis
d'accéder au pouvoir. Leurs promesses de
«stabiliser» le pays se réaliseront à ce
prix. En Tunisie, près de deux ans après
que les jeunes insurgés aient fait
déboulonner la dictature de Zine El
Abidine Ben Ali, ce sont les Frères qui
font tirer du gaz lacrymogène et de la
chevrotine sur les manifestants. Passés
de l'autre côté de la barricade, ils ont
endossé le rôle, le discours, la méthode
et la propagande du dictateur. Le Frère
numéro 2, Hamadi Jebali, devenu Premier
ministre, n'est plus reconnaissable.
«Changé» du tout au tout, on a pu
l'entendre dire : «Dans ce moment
difficile où la police est attaquée, on
se trouve confronté à un dilemme ou bien
on livre les policiers à leur destin, ou
bien ils se défendent et défendent
l'intérêt du peuple». Ces policiers,
dont il parle, ont tiré de la chevrotine
en salves explosives sur des citoyens, à
Siliana, dont une vingtaine, au moins,
risquent de perdre la vue. Ensuite, plus
cynique que jamais, il dit qu'il «reste
à déterminer si l'usage de ce type de
munitions était sage et judicieux» et
s'interroge : «qui est l'agresseur et
l'assaillant, et qui est le défenseur ?
Qui a commencé l'agression ?» Puis,
grand seigneur, il annonce la création
d'une «commission d'enquête indépendante
qui examinera l'usage de la violence par
toutes les parties». Lui aussi, comme
par hasard, a besoin très rapidement
d'une Constitution qui tarde
sérieusement à sortir d'entre les mains
de rédacteurs forts peu conscients de
ses attentes et de ses angoisses. Un
texte qui va régler le problème de la
prise en main de la Tunisie. C'est M.
Jebali qui l'affirme. D'après lui : «La
période de transition ne peut pas durer
plus longtemps, d'autant plus que les
investisseurs et hommes d'affaires ont
besoin d'un climat de sécurité et de
stabilité dans le pays». L'Algérie,
quant à elle, ne pourra pas, pour le
moment, mettre à l'épreuve ses Frères.
Depuis le «printemps», ils confirment à
chaque élection qu'ils sont une
«exception». Ils viennent encore
d'enregistrer un recul aux dernières
municipales par rapport à celles de
2007, comme cela a été le cas pour les
législatives.
Article publié sur
Les Débats
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