Opinion
Aïcha Kadhafi :
qui a peur de la femme ?
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 3 décembre
2011
Il y a 50
ans et des poussières, 121 Français ont
signé un manifeste en défense de
l'insoumission contre la guerre
coloniale. Ils l'ont fait parce qu'ils
pensaient que «la cause du peuple
algérien, qui contribue de façon
décisive à ruiner le système colonial,
est la cause de tous les hommes libres».
En ces temps-là, la répression qui s'en
est suivie a été dénoncée comme il se
doit et continue, aujourd'hui, à figurer
dans la liste des ignominies du
colonialisme. En ces temps-là, le FLN et
la direction de la lutte de Libération
nationale, dont certains sont toujours à
la tête de l'Algérie indépendante,
appréciaient au plus haut point ce type
de réaction et jugeaient qu'il était du
devoir de tous d'être du côté de
l'opprimé contre l'oppression. Les mêmes
ont trouvé gîte, couvert et assistance
de toute sorte dans des pays favorables
à leur combat. Par les temps qui
courent, les choses ont bien changé. Les
opprimés d'hier, dirigeants du pays, qui
se sont trouvés dans la généreuse
obligation d'ouvrir les portes à tous
les militants des mouvements pourchassés
pour leur engagement, ont fini par
renier un grand nombre de principes,
dont celui de permettre à Aïcha Kadhafi
de dire son opinion sur l'intervention
étrangère contre son pays. S'il
s'agissait d'une révolution populaire
contre la dictature de son père, la
position algérienne se comprendrait. On
serait en présence d'une ennemie de son
peuple insurgé et, de ce fait, du côté
de l'oppression. Mais, la réalité est
tout autre. La Libye a fait l'objet
d'une véritable agression, de tueries de
masse et de l'installation par des
forces étrangères d'un pouvoir aux
ordres. Dans ce cas, elle n'a pas fait
autre chose que de se comporter avec la
dignité qu'elle doit avoir. Celle de ne
pas céder à la terreur mondialisée. Le
projet de la faire taire constitue, de
ce fait, une grave atteinte à tout ce
que le peuple algérien a gagné au cours
de son long combat contre l'occupation
de son sol. Mise en garde, elle n'a pas
hésité à transgresser les avertissements
qui lui ont été adressés. Pouvait-elle
faire autrement ? Nos représentants en
Europe, durant les années de feu,
auraient-ils accepté de se taire devant
l'infamie ? Voici le seul parallèle qui
doit être fait et il n'y en a pas
d'autres. D'autant que si les
«autorités», installées par l'OTAN à la
tête de la Libye, étaient sûres de leur
fait, c'est-à-dire de l'impopularité de
Aïcha, tout ce qu'elle peut dire ne les
ferait pas tressaillir. Ils seraient
dans la position d'avoir libéré le pays
et de représenter ce qui est juste,
contre celle qui incarnerait le mal
qu'ils auraient vaincu. La cabale qui
vise la dame n'a donc rien de juste et
constitue, plutôt, la continuité de
normalisation d'un peuple qui risque à
tout moment de démontrer qu'il n'a pas
été vaincu. Aïcha Kadhafi doit le
savoir, qui ne se comporte pas en tant
que représentante d'un régime, mais en
tant que citoyenne qui refuse le sort
réservé à sa terre par les puissances
qui l'ont mise à feu et à sang.
Paradoxalement, ces mêmes puissances,
devant la pression de leurs opinions
publiques avaient concédé le droit
d'asile et le statut de réfugié
politique.
Article publié sur
Les Débats
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