Opinion
La démocratie mal
venue en Grèce
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 3 novembre
2011
Heureusement pour la Grèce que, pour le
moment du moins, on ne peut pas lui
faire un sort comme celui fait à la
Libye. On se contente juste de ruer dans
les brancards et de tenter de trouver
des menaces qui marchent. On vous le
dit, la démocratie n'est pas du tout à
l'ordre du jour quand il s'agit de
sauver les banques. Même si elle est
chantée, à tout va, même si elle sert à
se faire élire pour tirer la légitimité
qu'il faut, il y a des situations où les
peuples ne doivent pas du tout être
consultés. C'est ce qu'est en train de
comprendre le peuple grec, qui a obligé
son Premier ministre Georges Papandreou
à recourir à un référendum populaire sur
la façon dont doit être gérée la
question de la dette et, par extension
l'économie du pays. Cela a suffi pour
que l'on crie : «au fou !» et qu'on le
somme de revenir sur sa décision. Dans
le même temps les places boursières,
prises de panique, se rétractent. Le Dax
à Francfort, perd 5%, le CAC 40 à Paris
chute de 5,38%. La bourse de Londres
cède 2,21%, celle de Milan 6,80% et
celle de Madrid 4,19%. Les banques ont
perdu jusqu'à 17% et peut-être plus.
Tout ça à cause de l'un des recours les
plus démocratiques qui soient. Tout ça
parce que c'est un peuple qui doit
décider de ce qu'il faut faire et non un
gouvernement. Un gouvernement qui
s'était engagé le 27 octobre passé, lors
d'un sommet européen, à livrer le
pouvoir de gérer la Grèce à une Troïka
constituée des représentants de l'Union
européenne, de la Banque centrale
européenne et du Fonds monétaire
international. Le projet étant de
veiller à ce que les mesures d'austérité
préconisées par un plan de «sauvetage»
soient bien mises en œuvre. Le problème
est que l'on avait tenu compte du fait
que la population grecque, la principale
concernée par la chose, manifestait
depuis des mois contre les conditions
qu'on lui infligeait. Papandréou aurait
eu peur de la rue, c'est ce qu'on lui
reproche ouvertement, et veut la
consulter sur l'accord en question. Ce
que ne tolèrent pas Nicolas Sarkozy et
Angela Merkel, les principaux parrains
du processus d'assujettissement des
Grecs à la vérité du marché. D'ailleurs
un communiqué cinglant est publié qui
dit que : «La France et l'Allemagne sont
déterminées à assurer avec leurs
partenaires européens la pleine mise en
œuvre, dans les meilleurs délais, des
décisions adoptées par le sommet».
L'enjeu est de sauver les meubles avant
la réunion des chefs d'Etat du G20, qui
risque de voir sa stratégie européenne
prendre l'eau. Exit la voix du peuple,
c'est ce qui est dit. Surtout qu'on sait
d'avance qu'il ne sera pas du tout
d'avis de payer la note. Alors, il ne
doit pas être mêlé à ce qui le regarde
au premier chef. Ce qui crée comme un
malaise, quand on sait ce que ces mêmes
dirigeants font en matière de
démocratisation et ce qu'ils en disent à
tout va. En tout cas, nous sommes
devant le premier cas d'école qui met à
nu, devant le monde entier, les
subtilités de la démocratie patentée.
Les Grecs, en priorité, jugeront de ce
qu'il en est en réalité, eux, qui
viennent d'apprendre que leur
souveraineté ne fait pas le poids devant
les intérêts occultes de la grande
finance.
Article publié sur
Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO
Sarl - Tous droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour

|