Opinion
Egypte : la fin de
l'hégémonie atlantiste ?
Ahmed Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Mardi 2 juillet 2013
Le pouvoir
étatsunien ne doit pas en mener large.
Avec la Turquie c'était déjà assez
coton, mais là ! C'est l'Egypte, le cœur
du dispositif péniblement mis en place
depuis Anouar Essadate, qui est
sérieusement menacé. Car il semble bien
que cela soit la fin et du " printemps "
des Arabes et assimilés et des Frères et
du wahabisme et de l'hégémonie
atlantiste dans la région. Le retour de
manivelle est impressionnant. Jamais le
peuple égyptien n'a été aussi mobilisé,
même comparativement à l'ère du
nationalisme nassérien. Des marées
humaines font la démonstration du refus
de l'agenda dévastateur porté par
Mohamed Morsi et sa Confrérie. La grande
presse a beau faire croire à un clivage
" laïcs " versus islamistes ", elle ne
parvient pas à cacher la réalité que,
bien au delà d'un courant politique,
c'est le peuple profond qui
s'ébranle dans un extraordinaire
mouvement contre la dictature de la "
démocratie de marché ", contre
l'allégeance des Frères aux Etats-Unis,
contre la mise à l'encan de la
souveraineté du pays et contre
l'engagement aux côtés de l'OTAN
vis-à-vis de la Syrie. Uniques signes de
ralliement, l'emblème national et, pour
ceux qui ont pu en dénicher un
exemplaire, le portrait de Gamal
Abdenasser. Tout un symbole. La
conscience égyptienne, que des dizaines
d'années de bradage dans l'infitah, de
compressions sociales, et de
compromissions/ trahisons dans la
reconfiguration du Moyen-Orient,
semblaient avoir anesthésié à jamais, a
démasqué les Frères. Dans une lamentable
lecture, pleine de mépris des faits (ou
plutôt de dépit) qui se veut analyse, le
quotidien français Le Monde y voit " un
vaste mouvement d'opposition, qui
regroupe l'essentiel du camp laïc - plus
quelques revanchards de l'ancien régime
- et qui peut capitaliser sur le
désespoir d'une bonne partie des
Egyptiens ". " Idéalement, les deux
camps attachés au rejet de ce qu'a été
l'ancien régime, devraient dialoguer ",
est la chute de l'article, l'expression
du désarroi, devant l'effondrement des
plans concoctés. Reste le fol espoir
d'un bain de sang qui n'aura
certainement pas lieu, malgré quelques
dérapages. Dans le réel, le monde entier
suit en direct, la formidable communion
de millions de femmes, d'hommes et
d'enfants, animés de la certitude que
rien ne doit plus et ne pourra plus se
faire sans eux. En attendant le
dénouement de cette épopée, nous ne
pouvons ne pas nous remémorer la longue
marche des Frères, à l'assaut du
pouvoir, contre le communisme et le
nationalisme. C'était du temps où une
partie du monde dit arabe résistait
vaille que vaille à l'offensive des
puissances occidentales, où l'Arabie des
Saoud ne trônait pas encore sur la scène
internationale, où le Qatar ne figurait
même pas dans les entrefilets de presse
et où la " démocratie " rimait plutôt
avec "édification nationale". Elle a
duré cette marche, jusqu'à ce
"printemps" qui devait être béni, mais
qui s'est transformé en cauchemar. Il
faut dire que ne pas tenir une année le
pouvoir convoité, est une exception en
la matière, surtout quand on se
proposait de produire la société idéale
et que l'on se trouve confronté, en
quelques mois, à inspirer un dégoût et
un rejet rarement observés dans
l'Histoire.
Article publié sur
Les Débats
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