Opinion
Le Chili loin du
compte des médias
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 1er septembre 2011
Il y a des
peuples qui n'intéressent pas les
médias, ni leurs mentors, ni les
champions des droits de l'homme, ni
l'ONU, ni l'OTAN, ni l'Union européenne,
ni tous ceux qui développent une
vigilance frileuse sur tout ce qui
touche aux mouvements populaires. Le
peuple chilien est de ceux-là. Personne
ou presque n'en parle et surtout pas
l'excitée des champs de bataille,
Hillary Clinton. Aucun appel à la
retenue, aucun appel à «répondre aux
aspirations du peuple». Pourtant un
jeune Chilien vient d'être tué «au cours
d'affrontements qui ont opposé la police
à des manifestants» à Santiago. On dit
aussi, officiellement, que 1.394
personnes ont été arrêtées et que des
centaines d'autres ont été blessées.
Tout cela, sur fond d'une grève
nationale, déclenchée par la
Centrale unique des travailleurs (CUT)
qui a rejoint la mobilisation des
étudiants, qui dure depuis trois mois,
dirigée par la Fédération des étudiants
chiliens (CONFECH). Des dizaines de
milliers de manifestants dans la
capitale et des dizaines de milliers
d'autres dans le reste du pays. En
question, il y a eu au tout début
le droit à l'instruction gratuite. L'un
des premiers des droits de l'homme
(n'est ce pas ?). Parce que l'Etat
chilien, issu du coup d'Etat étasunien
de Pinochet ne consacre que 0,3% du PIB
à l'éducation supérieure. Une misère.
Les Chiliens qui veulent étudier doivent
donc s'endetter pour payer leurs études.
L'endettement moyen est de 45.000
dollars, soit 15 ans d'endettement pour
5 ans d'études, pour ceux qui ne
font pas partie des nantis et de ceux
qui profitent des «bienfaits» du
libéralisme. L'entrée en scène des
syndicalistes, qui soutiennent les
revendications des jeunes, met sur la
table d'autres problèmes, comme les
réformes des impôts et du système de
santé du travail. Et le spectre des
revendications s'élargit, mettant en
branle tous les pans de la société qui
souffrent, même les classes moyennes. Se
trouve ainsi posée l'opportunité de
«dégager» l'ordre social né de la
dictature instaurée dans le sang en
1973. Sebastian Piñera, un entrepreneur
milliardaire, est le président actuel du
pays, un fervent défenseur du «libre»
échange. Il subit, désormais, tous les
soirs un concert de casseroles. Histoire
d'entretenir la pression sur le régime
et la solidarité entre les Chiliens. Il
y a donc du bruit nuit et jour, sans
qu'il soit entendu. C'est extraordinaire
! Mais on devine que ce genre de bruit
inquiète plus qu'il ne réjouit. Il est à
ranger parmi les cauchemars qu'il faut
éviter qu'ils se produisent. Et pour
cause, c'est le système qu'on veut
vendre partout, avec des promesses de
bienfaits et de lendemains radieux,
grâce à des révolutions bien
orientées, quitte à les booster à coups
de bombes, qui ne plaît pas. Un système
installé par la terreur contre un peuple
qui a mal usé de la démocratie en
choisissant un gouvernement qui allait
récupérer les richesses du pays et les
mettre au service de son économie.
C'était un 11 septembre il y a 38 ans,
quand l'armée chilienne a signifié par
l'assassinat, la torture, la
disparition, la prison, la terreur, que
le suffrage universel n'était valable
que dans une certaine mesure. Les
Chiliens ne le savaient pas. Ils l'ont
su et le savent pour toujours.
Article publié sur
Les Débats
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