TLAXCALA
Aharon
Shabtai : L’histoire du poème maudit
Un poète « israélien » s’écarte du troupeau
A titre tout à fait
exceptionnel, je signale dès après ce titre que le poète Aharon
Shabtai est le mari de l’universitaire israélienne progressiste
Tanya Reinhardt (le traducteur)
on Jerusalemiloveyou.net, 23
septembre 2006
par Najwan Darwish [Jérusalem occupée]
http://www.jerusalemiloveyou.net
[Aharon Shabtai, qui est
considéré comme un des plus grands poètes en hébreu moderne,
n’a pu publier son dernier poème condamnant la guerre au Liban
dans aucun journal « israélien ». Il a écrit ce poème
durant la première semaine de guerre contre le Liban [avant le 20
juillet 2006, donc, ndt]. Ce poème adopte la forme d’une prière
– d’une supplication – élevée [à Dieu] pour lui demander
que l’armée d’occupation perde cette guerre.
Voici ce poème, adapté
depuis sa traduction (de l’hébreu) en anglais, réalisée par
Adib S. Kawar :
« En
ce temps de guerre,
Je
suis du côté des villages
Je
suis du côté des mosquées.
Dans
cette guerre,
Je
suis avec cette famille
chiite,
Je
suis avec la ville de Tyr,
Je
suis avec cette maman,
Je
suis avec ce grand-père,
Avec
ces huit jeunes enfants,
dans le mini-van
Avec
ce fichu de soie blanche.
Au
nom de tous les livres magnifiques que j’ai lus,
Au
nom de tous les baisers que j’ai donnés,
Puisse
l’armée être défaite !]
« Au nom de tous les livres magnifiques que j’ai
lus / Au nom de tous les baisers que j’ai donnés / Puisse
l’armée être défaite ! »
Le poète fait tout, aujourd’hui, pour quitter « Israël »,
en raison de l’oppression dont lui et son épouse, Tania
Reinhardt, professeur de linguistique à l’Université de Tel
Aviv, grande analyste politique et militante en faveur du boycott
des universités israéliennes, sont les victimes.
Aharon Shabtai n’est pas à la tête d’un mouvement
dans un milieu politique et culturel « israélien »
totalement dominé par son caractère colonialiste et raciste, qui
pollue y compris le discours de gauche, lequel couvre énormément
de mensonges et de falsifications. Shabtai n’est pas seulement
un phénomène unique en son genre ; il pourrait bien être
l’exception qui démontre la règle sioniste…
Aharon Shabtai, qui est considéré comme l’un des plus
grands poètes en hébreu, n’a pas pu publier son dernier poème
contre la guerre assénée contre le Liban.
Ce poème adopte la forme d’une prière – d’une supplication
– élevée [à Dieu] pour lui demander que l’armée
d’occupation perde cette guerre. Ce poète « israélien »
qui s’est écarté de son troupeau a condamné les récentes
atrocités au Liban. Il a déclaré, au cours d’une conférence
de presse : « Je souhaite que l’armée perde cette
guerre. Ce n’est qu’à ce prix que nous serons plus
intelligents, plus humains, que nous aurons plus de compassion et
que nous serons capables de vivre avec les autres peuples. Seule,
cette défaite pourra laver la sale tache militariste qui
nous souille le cœur ».
Shabtai est né à Tel Aviv en 1939. Il a étudié la
littérature et la philosophie grecques à l’Université Hébraïque
de Jérusalem occupée, ainsi qu’à Cambridge et à la Sorbonne.
Il a enseigné la dramaturgie grecque, durant plusieurs années,
à l’Université hébraïque de Tel Aviv. Il fait tout,
aujourd’hui, afin de partir d’ « Israël »,
en raison de l’oppression qu’il subit, ainsi que son épouse,
Tanya Reinhardt, professeur de linguistique à l’Université de
Tel Aviv, analyste politique de premier plan, qui milite pour le
boycott des universités israéliennes.
Shabtai a publié dix-sept recueils de poèmes, ainsi que
ses traductions de vingt-cinq tragédies grecques classiques en hébreu.
Il dépasse d’autres poètes connus de langue hébraïque, tels
Natan Zakh et Yitzhak Laor, considérés comme de gauche, dans ses
prises de position politiques, sa critique de l’entité sioniste
et la condamnation des crimes qu’elle perpètre. Il critique y
compris ces confrères, dont il considère qu’ainsi que leurs émules,
ils ont des prises de position politiques « manquant généralement
de crédibilité », et il les accuse d’être incapables de
transformer des mots en actes.
Il est exact de dire qu’Aharon Shabtai ne suit pas le
troupeau. C’est la raison pour laquelle aucun courant ne s’est
créé, derrière lui, dans la culture politique « israélienne »,
laquelle est dominée par son colonialisme et son racisme, y
compris dans le discours de gauche, qui couvre beaucoup de
falsifications. Loin d’être seulement un phénomène unique,
Aharon Shabtai pourrait bien s’avérer la règle qui confirme la
règle sioniste… Mais étant donné ses prises de position
politiques [courageuses], il était inévitable que la valeur littéraire
de ses œuvres soit ignorée. Aharan Shabtai est un poète très
original ; sa poésie se caractérise par sa vitalité et par
son réalisme pittoresque… La substance de son monde poétique
est fondamentalement personnelle ; sa poésie reflète en
grande partie sa vie quotidienne, des expressions et des matériaux
de tous les jours, même quand il aborde un sujet historique.
Au cours des dernières années, la plupart des poèmes
de Shabtaï ont eu pour thème son sujet de prédilection :
la honte « israélienne ». Il a répété très
souvent, à travers son activité tant poétique que politique,
qu’il s’efforce de conserver son humanité « dans une
culture où le niveau de racisme ne cesse d’augmenter ».
Il n’hésite pas à qualifier les généraux et les hommes
politiques « israéliens » de nazis. Il se critique
lui-même sévèrement quand il se remémore son propre passé,
l’époque où il vivait sa vie de « citoyen ordinaire »,
ignorant ou ne comprenant pas l’ampleur des crimes de son pays :
« J’étais aveugle », dit-il avec la colère et
l’amertume qui accompagnent généralement le sentiment de la
culpabilité.
Le quotidien israélien Haaretz a refusé de publier le
dernier poème de Shabtai, consacré à la dernière agression
israélienne en date, bien que ce journal ait déjà publié de
lui, par le passé, des poèmes percutants, politiques, dans son
supplément culturel – ce qui, à l’époque, avait suscité
une campagne déchaînée de condamnations, à l’instigation
d’extrémistes « israéliens ». Mais, cette fois-ci,
l’environnement répressif ambiant attend la publication de la
traduction de ses poèmes en arabe avant de les publier dans un
quelconque journal « israélien » : « Au
nom de tous les livres magnifique que j’ai lus / Au nom de tous
les baisers que j’ai donnés / Puisse l’armée être défaite ! »
Le
poète nous parle de la cruauté de la machine de guerre « israélienne »
– cette machine de guerre qui n’a jamais moissonné autre
chose que des civils innocents et désarmés, au Liban. Il se
range du côté de la paix et de la victime : « En
ce temps de guerre / Je suis du côté des villages / Je suis du côté
des mosquées / Dans cette guerre / Je suis avec cette
famille chiite /Je suis avec la ville de Tyr /Je suis avec
cette maman / Je suis avec ce grand-père / Avec
ces huit jeunes enfants, dans le mini-van / Avec
ce fichu de soie blanche. »
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier, membre de
Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité
linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction,
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sources et auteurs.
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