Al -Quds Al-Arabi
Un
aveu israélien officiel de la défaite
Abd-ul Bari Atwan
Photo RIA Novosti
31/01/2008
Al-Quds Al-Arabi
Le point le plus important dans le rapport de la commission
d’enquête israélienne sur la dernière guerre au Liban,
c’est l’aveu et sans aucun détour que cette guerre fut un échec
total et dangereux dont le gouvernement israélien n’a tiré
aucun profit.
Cet aveu limpide de la défaite, et de plus, de la part d’une
commission présidée par le juge Winograd et constituée des
experts militaires, des experts en sécurité et des députés,
est la réponse à beaucoup de monde, dont, hélas, des Arabes,
que ce soit des intellectuels ou des responsables politiques, qui
ont essayé de minimiser la grande victoire réalisée par les
hommes de la résistance du Hezbollah, alors qu’ils ont tenu
plus de quarante trois jours en face de l’armée la plus
puissante dans la région, et ils ont pu lui affliger des grandes
pertes.
La haine aveugle envers la résistance islamique a fait que des
vérités aient été volontairement cachées par beaucoup d’écrivains
et d’analystes, jusqu’au point de prendre partie pour Israël,
et de ridiculiser la plus grande performance jamais réalisée par
la Oumma, depuis la création de cet état sur la terre de la
Palestine il y a soixante ans.
Ce rapport de Winograd parle des échecs militaires mais il ne
parle pas des conséquences destructives, et particulièrement les
conséquences psychologiques, sur la société israélienne. Car
c’est la première fois, et ceci depuis soixante ans, que des
missiles tombent par milliers (quatre milles missiles en totalité)
sur les colonies et les communes au nord de la Palestine, à Haïfa,
Tabariya, Safad et Al-Hola, en incitant plus de deux millions
d’Israéliens à fuir au sud pour se sauver.
Deux victoires ont été accomplies par les Arabes ces deux
dernières années. La première est celle au sud du Liban, et la
deuxième est à Gaza au sud de la Palestine. Ces deux victoires
ont allégé le grand réservoir des défaites du régime officiel
arabe, et ont renforcé la possibilité de changer les équilibres
des forces qui penchaient toujours du côté des Israéliens.
La victoire au Liban a mis un terme à une époque où les armées
israéliennes pénétraient dans les terres des Arabes pour leur affliger
des défaites rapides et destructrices en quelques jours. Et la victoire
à Gaza a démontré que la volonté populaire est plus forte que
le blocus et le silence arabe officiel. Elle a démontré que cette
volonté est imbattable et que celui qui arrive à surmonter la faim
et l’oppression en détruisant les barrières à Rafah, il pourra
un jour, et c’est peut-être pour bientôt, détruire la barrière
d’Eretz, les colonies, le mur de l’apartheid et tous les symboles
de la colonisation sur les terres palestiniennes.
Le problème qu’on affronte ces jours ci, est qu’en face des
signes de faiblesses et le début de la défaite israélienne, on
ne voit pas la montée des indicateurs de la force arabe. Car les
régimes arabes sont toujours résignés et défaitistes, ils se soumettent
aux dictats étatsuniens et veillent à ne pas fâcher l’état
israélien.
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Les états respectables et souverains tirent profit de leurs
victoires, et savent comment employer les défaites de leurs ennemis
pour réaliser des gains politiques et pour changer des équations,
voire même des accords régionaux. Sauf nos états arabes qui étaient
incapables de profiter de la victoire de la résistance au sud du
Liban. Et le plus dangereux fut l’utilisation des médias pour minimiser
l’importance de la victoire et pour la déformer, dans une stratégie
bien étudiée afin de broyer la résistance sous toutes ses
formes, que ce soit chiite au Liban ou sunnite en Palestine.
Le régime officiel arabe a cloné l’initiative de paix arabe
dans sa vieille formule, en suppliant les responsables israéliens
de l’accepter. Il a envoyé des délégués de la ligue arabe à
Al-Quds occupée en tant que messagers de paix, sous prétexte de
vouloir expliquer cette initiative. Mais en vérité c’était un
pas vers la normalisation afin de satisfaire les exigences du premier
ministre israélien, Ehud Olmert. Ce pas a été d’ailleurs confirmé
en participant à la conférence d’Annapolis organisée par le président
étatsunien George Bush après avoir fait sauter toutes les conditions
arabes, l’une après l’autre.
Le gouvernement d’Olmert a peut-être échappé à la démission,
mais le tremblement de terre dans la société israélienne provoqué
par la défaite au Liban, a des effets qui vont perdurer pour de longues
décennies, ceci en supposant que l’état d’Israël va durer sous
sa forme actuelle. Les cérémonies du soixantième anniversaire de
la création d’Israël, qui seront lancées dans quelques mois,
seront mélangés à de l’amertume, de la peur et de l’inquiétude,
car l’armée israélienne invincible ne l’est plus, et le soldat
israélien qui était la fierté de l’établissement militaire
israélienne, s’est enfui abattu de Gaza. Par deux fois il a été
humilié au Liban, la première fois quand il a du se retirer en l’an
2000 en reconnaissant l’inutilité de sa présence dans la ceinture
de sécurité, et la deuxième fois quand il s’est montré incapable
de progresser de quelques kilomètres au sud du Liban pour achever
la résistance.
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Les guerres d’Israël ne sont plus contre des armées arabes
à la solde des régimes corrompus de dictature et d’oppression,
des régimes qui dépensent des centaines de milliards dans leurs
contrats d’armes pour toucher les commissions, et pour sauver l’industrie
militaire et l’économie occidentales de l’écroulement. Ceci
est le changement majeur qui est survenu dans la région et dont l’une
des conséquences les plus formidables fut la destruction du mythe
du char israélien Merkava.
La sécurité d’Israël est menacée pour la première fois depuis
soixante ans, et l’armée mythique israélienne n’est plus une
garantie pour cette sécurité, ni toutes les autres pratiques
d’occupation, de colonisation ou des punitions collectives. La sécurité
d’Israël ne peut être garantie qu’avec la paix vraie, et malheureusement
on ne voit aucun signe annonciateur en ce temps.
Cependant, ce grand aveu de la défaite nous procure quelques appréhensions
alors que nous voyons la multiplication des complots contre la résistance
au Liban, et les tentatives incessantes pour l’attirer dans le piège
de la guerre civile. Ce qui vient de se passer ces derniers jours
quand on a tiré contre des manifestants dans la banlieue sud, est
certainement l’un des épisodes de ces complots.
Nous avons peur que le Liban soit utilisé comme un piège pour
impliquer la résistance dans une nouvelle guerre qui sera un prétexte
pour l’attaque israélo-étatsunienne contre l’Iran et la
Syrie, de la même façon dont le Koweït a été utilisée, de bonne
foi [de la part du Koweït] peut-être, pour atteindre le gibier
irakien, vider toute signification à sa ténacité dans sa guerre
contre l’Iran et détruire ses capacités militaires.
L’Israël d’aujourd’hui, après les deux défaites au Liban
et à Gaza, n’est pas le même que l’Israël d’avant. Au mois
de mai prochain, il va célébrer le soixantième anniversaire de
sa création aux dépens de la dignité arabe et islamique en
Palestine. Mais nous doutons fort qu’il pourra célébrer le centième
anniversaire s’il insiste à continuer sur la même voie, la voie
de mépris, d’arrogance, des punitions collectives et de colonisation
des terres d’autrui.
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