LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY
Regard sur la crise ukrainienne (II) :
vers ʽla seconde partition de l'Ukraineʼ
Luc Michel
Jeudi 24 janvier 2019
LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE/
Flash Info
Géopolitique/ Geopolitical Flash News/
2019 01 22/ ‘Geopolitical
Futures’ (GPF), le Website de Georges
Friedman (l’ex patron du Think
Tank US ‘Stratfor’) consacre sa Lettre
quotidienne – ‘Daily Memo – de ce
31 décembre 2018 à la « seconde
partition de l’Ukraine » (1) et
pose la question brutale : « Le pays a
perdu une partie de son
territoire il y a près de cinq ans.
Était-ce juste le début ? »
VU DES USA :
POUR LES ANALYSTES
DE GPF UNE NOUVELLE « PARTITION DE
L’UKRAINE », « BOMBE A RETARDEMENT
», EST UNE POSSIBILITE SERIEUSE !
Jacob L. Shapiro,
un des analystes principaux de GPF avec
Friedman, commence par nous
rappeler le poids de l’Histoire. Si la
Géopolitique a pour base la
Géographie – les pionniers de la «
Géographie politique » étaient des
géographes -, les cycles historiques y
jouent un rôle central. On ne fait
pas de la Géopolitique dans l’émotion ou l’événement
factuel, mais précisément dans la
connaissance intime de l’Histoire des
états, des conflits régionaux, de
l’expansion des idéologies (la
Géoidéologie et les Géopolitismes).
GPF voit avec
raison la Pologne comme un des
déterminants majeurs de l’espace
géopolitique aujourd’hui occupé par une
Ukraine en crise existentielle :
« Au 18ème siècle,
le Commonwealth jadis puissant entre la
Pologne et la Lituanie (2)
s'est effondré, mettant ainsi fin à un
empire qui, un siècle auparavant à
peine, était l'entité la plus peuplée
d'Europe.
Après 100 ans de
guerre, de corruption et de gouvernement
sclérotique, trois de ses rivaux
voisins l'ont démembré en 23 ans:
l'Empire russe, la Prusse et
l'Autriche des Habsbourg. La Pologne
actuelle porte encore les
cicatrices de ces partitions. Encore 200
ans après sa division, les
Polonais ont été privés de leur
autonomie, qui n'a été reconquise qu'après
l'effondrement de l'Union soviétique.
Ces années d'asservissement
demeurent aujourd'hui le moteur de la
stratégie nationale
polonaise. Alors que l’Autriche ne
présente plus de risque, la Russie et
l’Allemagne constituent la plus grande
menace pour l’indépendance et
la prospérité de la Pologne. »
La désintégration
de l’Etat de Pologne-Lithuanie, et la
destruction similaire par
l’Allemagne et l’URSS en 1939 qui en est
l’écho, n’appelle pas
seulement un parallèle avec la crise
ukrainienne, mais elle fait de la
Pologne d’aujourd’hui un des éléments de
celle-ci (où tant d’analystes
occidentaux ne voient à tord que la
grande ombre russe) :
« Vous vous
demandez peut-être ce que cela a à voir
avec l'Ukraine. La réponse est que
l'Ukraine risque de connaître une
désintégration similaire à celle
qu'a connue la Pologne au 18ème siècle.
En fait, la Pologne est l’un
des nombreux rivaux régionaux qui
revendiquent le territoire
ukrainien et attendent peut-être
l’occasion de reprendre ce qu’ils considèrent
comme leur juste du. Le démembrement de
la Pologne n’a pas empêché
l’émergence d’un revanchisme polonais
naissant, et on peut dire la même
chose à des degrés divers de la Hongrie,
de la Roumanie et plus
particulièrement de la Russie. Pris
entre ces puissances plus
fortes, en proie à une profonde fracture
politique interne, dépourvu
de toute force militaire et régi par une
classe oligarchique
corrompue et bien implantée, l'Ukraine
est une bombe à retardement, et il
devient de plus en plus incertain que
quelqu'un veuille ou puisse
désamorcer (…) La fragilité de l’Ukraine
a été largement négligée.
La narration dans les médias occidentaux
autour de l'Ukraine a été
principalement façonnée par une
combinaison de craintes
compréhensibles, bien que hystériques,
sur la domination russe et d'un
penchant anti-russe intense. »
FAILLITE DE L’ETAT
UKRAINIEN (1) : CORRUPTION ET
CATASTROPHE ECONOMIQUE
Le bilan de la
seconde révolution de couleur orangiste
ukrainienne, le soi-disant «
Euro-Maidan » de 2013-2014, qui a vu les
nationalistes ukrainiens
pro-occidentaux prendre le pouvoir par
le Putsch de Kiev en Février 2014, n’est
pas seulement la fracture du pays, mais
surtout une catastrophe
économique, comme l’expose GPF :
« En interne,
l'Ukraine est confrontée à un certain
nombre de défis. Son produit
intérieur brut a chuté de 17% au cours
des deux années qui ont suivi la
révolution de 2014, la saisie ultérieure
de la Crimée par la Russie et des
insurrections à Lougansk et à Donetsk.
Sentant l’opportunité
d’attirer l’Ukraine plus loin dans le
camp occidental, le Fonds monétaire
international a approuvé en 2015 un prêt
de 17,5 milliards de
dollars sur quatre ans pour relancer
l’économie ukrainienne. Il a
fallu environ deux ans et une dispersion
d'environ la moitié du
montant total pour que le FMI et ses
bailleurs de fonds occidentaux soient
insatisfaits de la façon dont l'Ukraine
dépensait l'argent et
suspendait le prêt. (Le FMI a convenu
d'un nouveau programme de 3,9
milliards de dollars avec l'Ukraine la
semaine dernière.) Ensuite,
aux États-Unis. Le vice-président Joe
Biden (ndla : d’Obama) a même
déclaré que les États-Unis pourraient
devoir renoncer aux
sanctions contre la Russie si l’Ukraine
ne pouvait pas résoudre ses
problèmes de corruption. Il aurait aussi
bien pu demander au ciel de ne plus
être bleu.
L'Ukraine a pris de
petites mesures au cours des derniers
mois pour satisfaire ses
créanciers. Craignant ce que le FMI
pourrait faire si Kiev ne paraissait
pas au moins respecter les obligations
de son programme de prêts,
il a tenu sa promesse de relever les
prix du gaz de près de 25% en
octobre. L’Ukraine risquait de subir une
grave crise de liquidité - en
juillet, elle devait retarder le
versement des pensions et des
traitements du secteur public - et sans
financement supplémentaire du
FMI, elle n’aurait peut-être pas été en
mesure de rembourser ses
dettes et de financer son budget. C'est
le coût de maintenir l'Ukraine
dans le camp pro-occidental et pourquoi
la Russie sent moins
l’urgence que la plupart ne pensent de
renverser le résultat de la
révolution de 2014. C’est déjà assez
heureux d’attendre que l’Ukraine
revienne à une position plus neutre
alors que l’Occident se lassera de payer
la note pour sa relance. »
FAILLITE DE L’ETAT
UKRAINIEN (2) :
COMMENT LES
OLEODUCS TURKSTREAM ET NORDSTREAM 2 VONT
FRAPPER AU CŒUR L’ECONOMIE
UKRAINIENNE
Et GPF nnonce
encore pire : « La situation ne fera
qu'empirer dans l'année à venir. En
2019, la Russie achèvera les travaux sur
les gazoducs TurkStream
et Nordstream 2, ce qui permettra aux
exportations russes de gaz
naturel destinées à l'Europe de
contourner l'Ukraine et de réduire
considérablement les recettes
ukrainiennes générées par la livraison de ces
exportations sur son territoire.
(L'année dernière, l'Ukraine a perçu
environ 3 milliards de dollars de frais
de transit sur les
exportations de gaz russe vers l'Europe
- un changement majeur pour un pays au
bord d'une crise de liquidité.).
LA PRESIDENTIELLE
2019 EN UKRAINE :
COMMENT LE SYSTEME
POLITIQUE UKRAINIEN VA ENCORE PLUS SE
FRAGMENTER …
La Présidentielle
de 2019 annonce GPF est l’élection de
tous les dangers : « En mars,
l'Ukraine tiendra sa première élection
présidentielle depuis la
révolution de Maidan en 2014. En raison
de son économie en difficulté, de ses
divisions sociales et de la concurrence
entre factions politiques
aux intérêts commerciaux opposés et aux allégeances
personnelles, aucun candidat n'a encore
obtenu jusqu'à 25% des voix. La
principale préoccupation de la Russie
n’est donc pas un gouvernement
pro-occidental à Kiev, mais le chaos
provoqué par les élections pourrait
provoquer une instabilité à la frontière
russe. »
Mais GPF oublie de
tirer la véritable conclusion de la
faillite ukrainienne. C’est
précisément pour échapper à cette
faillite annoncée dès le printemps
2014 que la Crimée, puis Donetsk et
Lougansk, avaient proclamé leur
indépendance. Avec raison …
NOTES ET RENVOIS :
(1) Voir Jacob L.
Shapiro, “The Second Partition of
Ukraine? The country lost part
of its territory nearly five years ago.
Was that just the
beginning?”, ‘Geopolitical Futures’,
Dec. 31, 2018.
(2) La « République
des Deux Nations » (polonais : «
Rzeczpospolita Obojga Narodów »)
était une république fédérale
aristocratique formée en 1569 à partir du
royaume de Pologne et du grand-duché de
Lituanie.
Elle a duré jusqu'à
la troisième partition de la Pologne en
17951. Les historiens
européens la désignent par le terme
conjoint de « Pologne-Lituanie ».
La république de Pologne-Lituanie est rétrospectivement
considérée dans l'historiographie
polonaise comme la Première République
(la Deuxième République étant l'État
créé en 1918, et la Troisième
République le régime en place depuis
1990 et la chute du régime
communiste). Avec toutes les nostalgies
géopolitiques de la « Gde-Pologne » que
cela implique … Cet État couvrait
non seulement les territoires des
actuelles Pologne et Lituanie, mais
aussi le territoire de la Biélorussie
(alors partie du grand-duché de
Lituanie), une grande partie de
l'Ukraine, de la
Lettonie, et
l'extrémité ouest de l'actuelle Russie
(oblast de Smolensk). La «
Rzeczpospolita » est une extension de
l'Union de Pologne-Lituanie,
qui existait depuis 1386. C'était un des
États les plus grands
d'Europe – mais qui demeura toujours
faiblement peuplé – qui, pendant deux
siècles, résista avec succès aux guerres
contre l'ordre Teutonique,
les Russes, les Ottomans et les Suédois.
Le système politique
de la république, souvent appelé
démocratie de la noblesse ou «
Liberté dorée », était caractérisé par
un pouvoir monarchique,
encadré par une législation et une diète
(Sejm) contrôlée par la noblesse
(szlachta). C'était une sorte de
fédération avant la lettre.
Les deux États composant la
nouvelle république étaient formellement égaux,
mais en réalité la Pologne prit une part
dominante dans l'union (les
annexions successives subies par la
suite seront d'ailleurs
dénommées « partages de la Pologne » et
pas « partages de la Pologne-Lituanie
»).
(Source :
‘Geopolitical Futures’ – PCN-SPO – EODE
Tink Tank)
(Traduction des
extraits de GPF de l’anglais vers le
français : LM)
LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE
* Avec le
Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
Géopolitique –
Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire
– Géopolitismes -
Néoeurasisme – Néopanafricanisme
(Vu de Moscou et
Malabo) :
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