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GEOPOLITIQUE
Émirats et monarchies du golfe. Regards
sur l'avenir incertain d'une zone
stratégique
Luc Michel
Photo:
D.R.
Vendredi 20 mars 2015
Luc MICHEL (Coord.) pour EODE Think
Tank/
Avec EODE-BOOKS - lire - s’informer – se
former
Un service du Département EDUCATION &
RESEARCH
de l’Ong EODE
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Regards sur une zone stratégique pour
les intérêts de la superpuissance
américaine …
Opulence liée à la manne pétrolière,
exécutif dominé par les grandes
familles, absence de démocratie
politique effective constituent, aux
yeux de beaucoup, les caractéristiques
des petites monarchies du Golfe
(Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït,
Oman et Qatar). C'est oublier pourtant
que celles-ci sont à un tournant de leur
histoire. Le tarissement des réserves
pétrolières menace l'économie de rente.
Outre ce problème géo-économique
fondamental, les états du Golfe sont une
poudrière politique. La forte proportion
de travailleurs immigrés, sans droits
politiques ou civils, est devenue un
enjeu à la fois économique et politique.
En outre, la marge de manoeuvre de ces
monarchies en matière de politique
étrangère s'est considérablement réduite
dans le nouvel ordre mondial que
Washington tente depuis deux décennies
d’imposer également au Moyen-Orient,
notamment au travers du projet
géopolitique dit du « Grand Moyen
Orient » ou encore du soi-disant
« printemps arabe », tous deux chargés
de remodeler géopolitiquement et
politiquement les états
proche-orientaux. Mais le chaos ouvert
par ce « printemps arabe » devenu un
long hiver a ouvert un espace
géopolitique à deux de ces états : la
puissante Arabie Saoudite et le Qatar.
Tout en favorisant l’émergence de leur
grand ennemi l’Iran, comme grande
puissance régionale …
La présentation de la revue POUVOIR du
Seuil consacré à ces émirats et
monarchies du Golfe est l’occasion d’une
série de regards sur ceux-ci …
# I – PRESENTATION DE LA REVUE
« POUVOIRS » :
ÉMIRATS ET MONARCHIES DU GOLFE
Revue POUVOIRS n° 152 (2014)
Au SEUIL
SOMMAIRE :
Le noeud gordien des États arabes du
Golfe / Gilles Kepel
La résilience des monarchies du Golfe
dans un monde arabe en plein tumulte /
Fatiha Dazi-Héni
L'Arabie saoudite : un magistère sur
l'islam contesté / Stéphane Lacroix
Révolution énergétique, révolutions
politiques ? / Cécile Maisonneuve, Maïté
de Boncourt
Retour aux années 1970 ? La jeunesse du
Golfe et les économies de la rente après
le Printemps arabe / Steffen Hertog
Musées et soft power dans le Golfe
persique / Alexandre Kazerouni
Justice et libertés dans les émirats et
monarchies du Golfe / Éric Minnegheer
La France et les émirats et monarchies
du Golfe Un partenariat d'intérêt mutuel
/ Denis Bauchard
Du Golfe aux banlieues ? Variations sur
le thème de « l'islamisation de
l'Occident » / Mohamed-Ali Adraoui
Le Golfe vu des Émirats arabes unis et
de l'Iran / Entretiens avec Gilles Kepel,
Sultan Sooud al-Qassemi, Mahmoud
Sariolghalam
Avec aussi les rubriques et chroniques
permanentes.
VIDEO :
Présentation du n°152 de la revue
Pouvoirs par Marc Guillaume, codirecteur
de la publication, Gilles Kepel,
professeur à Sciences Po et Alexandre
Kazerouni, docteur associé au CERI.
Sur
https://www.youtube.com/watch?v=XULm5O1khUE&feature=youtu.be
Ean : 9782021180497
22 x 15 cm, 192 pages
# II – LES THEMES ET LES ANGLES DES
ANALYSES
LE NOEUD GORDIEN DES ÉTATS ARABES DU
GOLFE
Gilles Kepel :
L’histoire politique contemporaine de
l’espace nommé Golfe a été structurée
par trois guerres successives qui ont
adopté le nom des eaux disputées
séparant l’Iran de l’Arabie saoudite.
Les attentats du 11-Septembre ont dans
ce cadre modifié le jeu des alliances
internationales et créé les conditions
d’un rapprochement de l’Iran et des
États-Unis, ainsi qu’une dispersion des
États du cceag, toujours au détriment de
l’Arabie saoudite. Les révolutions
arabes n’ont fait qu’approfondir ces
lignes de faille alors que les
stratégies d’autonomisation des États
riverains de l’Arabie saoudite, qui ont
établi une concurrence entre le Golfe et
la Méditerranée pour le statut de centre
des échanges mondiaux, restent fragiles
à l’heure où baisse le prix du pétrole.
LA RÉSILIENCE DES MONARCHIES DU GOLFE
DANS UN MONDE ARABE EN PLEIN TUMULTE
Fatiha Dazi-Héni :
La capacité d’adaptation et
d’inventivité des régimes monarchiques
arabes du Golfe, en particulier à
travers les outils institutionnels et
les arrangements au sein des dynasties,
permet très souvent de dépasser les
divisions intra-dynastiques, qui, si
elles créent souvent tensions et crises,
n’ont jamais débouché sur la disparition
d’une de ces monarchies. Cependant,
compte tenu des effets du Printemps
arabe et aujourd’hui de la tendance
baissière des prix du pétrole,
observateurs et spécialistes se
précipitent pour annoncer la fin
prochaine de ces régimes. Nous montrons
qu’au contraire le caractère résilient
de ces derniers permet d’affirmer que,
plus les menaces et les tensions
s’exacerbent, plus le sentiment de
solidarité et le pacte économique et de
sécurité qui lient ces six monarchies
dynastiques se renforcent.
L'ARABIE SAOUDITE : UNE AUTORITE
DOCTRINALE SUR L'ISLAM CONSERVATEUR
CONTESTÉE
Stéphane Lacroix :
Le système politique saoudien se fonde
sur un partenariat conclu au XVIIIe
siècle entre princes et oulémas
partisans de l’islam dit wahhabite. De
son maintien dépend la légitimité
religieuse de la famille régnante. Or,
dans la seconde moitié du XXe siècle,
des tensions sans précédent se sont fait
jour entre princes et oulémas, émanant
notamment d’une nouvelle génération de
clercs contestataires. Ces tensions
fragilisent le pouvoir de la famille
régnante, en dépit des efforts de cette
dernière pour dépolitiser l’islam
saoudien.
RÉVOLUTION ÉNERGÉTIQUE, RÉVOLUTIONS
POLITIQUES ?
Cécile Maisonneuve, Maïté de Boncourt :
Épicentres de la production
d’hydrocarbures, les États du Golfe
doivent s’adapter à un paysage
énergétique bouleversé par l’arrivée de
nouvelles ressources sur le marché et
par le retournement historique de la
demande dans les pays européens.
Consommer moins et développer des
énergies alternatives pour réserver les
hydrocarbures à l’exportation : le défi
est immense pour des pays au sein
desquels la paix sociale repose sur une
consommation sans limite d’énergies
subventionnées. À terme, c’est leur
stabilité économique, sociale et
politique qui est en jeu, ainsi que leur
capacité à rester des acteurs clés du
système énergétique mondial.
RETOUR AUX ANNÉES 1970 ?
LA JEUNESSE DU GOLFE ET LES ÉCONOMIES DE
LA RENTE APRÈS LE PRINTEMPS ARABE
Steffen Hertog :
Les monarchies pétrolières du Golfe ont
réagi aux soulèvements dans la région
survenus depuis 2011 en introduisant des
mesures de protection sociale et de
clientélisme en faveur des populations
locales. À l’exception de Bahreïn, ces
mesures semblent pour l’instant avoir
pacifié les sociétés concernées. En
s’appuyant sur l’étude du cas de
l’Arabie saoudite, cet article démontre
cependant que les mesures clientélistes
ont affecté négativement la viabilité
fiscale des économies du Golfe et
renvoyé ces sociétés à un système de
dépendance par rapport à l’État qui
représente un handicap politique à long
terme.
MUSÉES ET SOFT POWER DANS LE GOLFE
PERSIQUE
Alexandre Kazerouni :
Comment comprendre ce changement d’image
qui a vu l’ancienne Côte des pirates
devenir un des nœuds de la
mondialisation des musées, des
compétitions sportives et des
universités occidentales ? Certes, son
pétrole et son gaz l’expliquent, mais
ils ne répondent pas à eux seuls à cet
étonnant constat. En tentant de
déconstruire le discours qui les analyse
comme outils d’un soft power, cet
article vise à montrer que ces
dispositifs d’accession à la visibilité
internationale sont d’abord des
plateformes légales d’élargissement à
l’Occident du cercle des bénéficiaires
de la redistribution de la rente
pétrolière et gazière et, à ce titre,
parties intégrantes d’un hard power.
JUSTICE ET LIBERTÉS DANS LES ÉMIRATS ET
MONARCHIES DU GOLFE
Éric Minnegheer :
États extrêmement riches au
développement urbanistique moderne et
avant-gardiste, les pétromonarchies du
Golfe maintiennent une organisation
sociale fondée sur la rigueur de l’islam
et la tradition bédouine tribale. Ce
lien ainsi établi entre le passé et
l’avenir entend vraisemblablement
démontrer que le progrès ne repose pas
nécessairement sur l’individualisme
entrepreneurial et la conception
libérale des libertés individuelles.
LA FRANCE ET LES ÉMIRATS ET MONARCHIES
DU GOLFE :
UN PARTENARIAT D'INTÉRÊT MUTUEL ?
Denis Bauchard :
Le golfe Persique a été longtemps la
chasse gardée du Royaume-Uni et des
États-Unis. Dès le début des années
1970, la France réussit à initier et
développer dans le Golfe une politique
de présence active, multiforme et
significative tant dans les domaines
politiques que militaires, économiques
ou culturels. Cependant, cette région
stratégique, riche en hydrocarbures, est
le théâtre d’une forte compétition non
seulement avec les pays occidentaux mais
désormais aussi avec de nouveaux venus,
en particulier la Chine et l’Inde. La
place privilégiée de la France,
notamment en Arabie saoudite, à Abou
Dhabi et au Qatar, reste ainsi fragile
et contestée.
DU GOLFE AUX BANLIEUES ?
VARIATIONS SUR LE THÈME DE «
L'ISLAMISATION DE L'OCCIDENT »
Mohamed-Ali Adraoui :
Peut-on constater un intérêt particulier
de l’Arabie saoudite ou du Qatar à
l’égard des Français musulmans ? Que
peut-on dire de l’usage de l’islam dans
un éventuel sentiment de proximité entre
ces pays et certains citoyens français
de confession musulmane ? La visibilité
de certains courants tels que le
salafisme a, ces dernières années, mis
en lumière des liens non plus seulement
interétatiques mais intersociaux entre
une partie des Français musulmans et
certains pays du Golfe. Une analyse
détaillée de ce phénomène amène
néanmoins à considérer la complexité de
ces évolutions.
LE GOLFE VU DES ÉMIRATS ARABES UNIS ET
DE L'IRAN
Entretiens avec Gilles Kepel ,Sultan
Sooud al-Qassemi, Mahmoud Sariolghalam :
Sultan Sooud al-Qassemi (qui a soutenu
les révolutions arabes dont le résultat
l’a déçu), constate que les États du
Golfe en sont sortis intacts. Ils
connaissent aujourd’hui deux menaces :
une menace intérieure, celle des Frères
musulmans, qu’ils espèrent éliminer ;
une menace extérieure, celle de l’Iran,
alors même qu’un rapprochement de
Téhéran avec Washington est possible.
Pour Mahmoud Sariolghalam, « le
rapprochement entre l’Iran et l’Occident
ne pourra cependant être que très
progressif et s’opérer à moyen terme.
Les liens privilégiés des États-Unis
avec les États du Golfe demeureront et
l’Iran ne pourra pas redevenir le
gendarme du Golfe » (qu’il était du
temps du Shah).
# III – LE GOLFE : UNE ZONE DE
CONFRONTATION GEO-STRATEGIQUE
Sujet pas étudié par POUVOIRS mais qui
complète l’arrière-plan de la situation
géopolitique et géo-stratégique dans le
Golfe. Les monarchies du Golfe se
préparent visiblement à la guerre. Les
monarchies du golfe Persique forment une
force de défense collective de 100.000
hommes. À quel point cette décision
a-t-elle été influencée par la menace
grandissante venue de l’Iran ?
Mi-décembre 2014, le ‘Conseil de
coopération des États arabes du Golfe’,
composé de six monarchies arabes,
l’Arabie Saoudite, Oman, le Koweït,
Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et le
Qatar, a annoncé la création d’un
commandement militaire unique dont le
quartier général se trouvera à Riyad. Ce
sont les militaires saoudiens qui
devraient diriger ce groupe. Au sens
strict du terme, ces pays disposaient
déjà d’une force commune d’action
rapide.
Toutefois, selon Elena Melkoumiane,
professeur du département de l’Orient
contemporain de l’université d’État des
sciences humaines de Russie (interview à
Sputnik News, Moscou), « il s’agit
aujourd’hui d’élever la coopération
technique et militaire à un rang
supérieur ». « Il s’agit maintenant
d’élargir, d’accroître quantitativement
ces forces. D’ailleurs, de façon
générale, les monarchies du golfe
Persique consacrent plus d’attention à
la coopération militaire. D’un côté,
c’est la continuation de ce qu’il se
passait avant. D’un autre, les nouvelles
obligations des monarchies se
concentrent sur l’aspect défensif. Elles
voient en l’Iran une grande menace. Et
vu que l’Iran a commencé à négocier avec
les États-Unis, et qu’il a signé un
accord préliminaire concernant son
programme nucléaire à Genève, les États
du golfe Persique comprennent que la
situation est en train de changer. Et
si, avant, ils se reposaient sur le rôle
modérateur des États-Unis, il leur faut
maintenant compter plus sur leurs
propres forces. »
Il ne faut pas pour autant penser que
les monarchies du golfe Persique sont un
bloc militaire et politique. À tel ou
tel niveau, ils sont liés par leur forme
de gouvernance, par le sunnisme
conservateur et le commerce
d’hydrocarbures. Mais les désaccords
entre les différents membres du bloc
sont profonds. Dans une autre situation,
ils pourraient être une barrière vers
une plus grande intégration.
Vassili Kouznetsov, chercheur à
l’Institut d’études orientales de
l’Académie russe des sciences, est
convaincu que, « en face d’un Iran qui
rassemble ses forces, ces monarchies
sont prêtes à oublier beaucoup ». « Bien
sûr, la situation dans la région du
golfe Persique s’aggrave de plus en
plus. Il y a deux puissances en
concurrence : l’Arabie saoudite et
l’Iran. Le Conseil de coopération a
toujours été une organisation qui devait
unir les monarchies du golfe Persique
contre l’Iran. La menace est réelle et
la lutte est assez sérieuse. Mais, d’un
point de vue opérationnel, aucune des
armées du Golfe ne peut rivaliser avec
l’iranienne. Quel que soit leur
équipement, les Iraniens se battront
mieux. Toutefois, une action militaire
entre ces pays est très peu probable
pour plusieurs raisons, tout d’abord
grâce au haut degré de pragmatisme des
régimes iranien et saoudien. Je verrais
plutôt la création d’une force commune
comme un acte politique, positif pour
les monarchies arabes elles-mêmes,
montrant leur volonté de trouver un
compromis, et non pas comme une réponse
à un bouleversement dans le domaine de
la sécurité.»
Il se peut que la création d’une force
commune par les monarchies du golfe
Persique soit une allusion aux
Américains au fait que, pour Riyad, les
États-Unis sont trop occupés à établir
des relations avec l’Iran. Les
États-Unis sont les seuls garants de la
sécurité de l’Arabie saoudite dans la
région. Quoi qu’il en soit, l’union
militaire entre les monarchies du golfe
Persique, dont les contours se font plus
distincts, est potentiellement capable
d’influer négativement sur la région, en
contribuant à tendre l’axe de
confrontation Riyad-Téhéran.
EODE
/ LM (Coordination) / 2015 03 19 /
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