Palestine
Pourquoi je n’ai pas écrit à E.
Macron
Claude Léostic
Mercredi 15 août 2018 Tribune de
Claude Léostic, coordinatrice pour la
France de la Flottille de la Liberté
pour Gaza
Quand le Freedom,
le grand voilier de la Flottille de la
Liberté pour Gaza, a été victime d’un
acte de piraterie israélien en haute
mer, à l’approche des eaux
palestiniennes, le soir du 3 août, je
n’ai pas fait appel à E. Macron.
Pourtant un Français, marin et
syndicaliste, était à bord du navire
battant pavillon suédois.
En tant que
coordinatrice pour la France de la
Coalition internationale de la Flottille
de la Liberté, j’ai néanmoins plusieurs
fois écrit à l’exécutif français.
Tout d’abord lors
de l’épisode lamentable du 17 juin à
Paris, où « quelqu’un » a pris la
décision d’interdire l’escale de nos
deux petits voiliers, annoncée sous
l’Institut du Monde arabe au bord de la
Seine. La seule réponse aux demandes
préalables d’accord pour l’escale fut
l’intervention agressive de la brigade
fluviale et la présence en nombre de
forces de police à terre, nous empêchant
violemment d’accoster là où nous
attendaient des militant.e.s, des
citoyen.ne.s, des élu.e.s et des
personnalités. Personne au niveau des
décideurs n’a endossé cet acte de
censure brutale d’une expression non
violente de solidarité avec Gaza.
Demandes d’explications et courriers à
l’Elysée et au ministère de l’Intérieur
pour obtenir des rendez-vous n’ont même
pas reçu d’accusés de réception. SILENCE
Ensuite en juillet
quand, nos bateaux Al-Awda, Freedom et
Falestine * ayant quitté la Sicile pour
le dernier tronçon de cette mission
solidaire avec Gaza, il est devenu
évident que les autorités israéliennes
allaient s’en prendre à la Flottille, en
violation du droit de la mer et du droit
international. J’ai alors demandé
l’intervention de la France pour assurer
la protection du bateau et
particulièrement de notre compatriote
Sarah Katz, qui représentait à bord la
« coalition Flottille-France » (la
Plateforme des ONG françaises pour la
Palestine et le Collectif national pour
une Paix juste et durable entre
Palestiniens et Israaéliens dont son
organisation, l’UJFP, est membre).
SILENCE
Dès l’acte de
piraterie commis par Israël (attaque du
al-Awda le 29 juillet, kidnapping des
personnes à bord, violences à leur
encontre, emprisonnement en Israël, vol
du bateau et du matériel médical qu’il
transportait à Gaza), je me suis à
nouveau tournée vers M. Macron. Pour
qu’il condamne cet acte illégal et qu’il
fasse libérer Sarah au plus vite, à
défaut des autres militant.e.s de la
solidarité, illégalement détenu.e.s.
SILENCE
Aussi quand le
Freedom a à son tour été attaqué le soir
du 3 août avec le même scénario hormis
la violence à l’encontre des personnes,
n’ai-je pas contacté l’Elysée, ni le
Quai d’Orsay ni l’ambassade à Tel-Aviv.
J’ai seulement appelé le consulat
français en Israël pour m’assurer de la
sécurité de Pascal Maurieras, le marin
français à bord, et de la protection
consulaire. Nos avocats ont pris la
suite.
Pourquoi ?
Parce que le
silence systématique de M. Macron et son
équipe est une insulte réitérée. Insulte
aux personnes kidnnappées et à tous ceux
et celles qui ont accompagné cette
mission. Insulte à l’esprit même de
cette mission solidaire non violente,
arc-boutée sur la défense du droit et
l’exigence de justice pour le peuple
palestinien, à Gaza et ailleurs. Insulte
à leur engagement sans faille,de quelque
nationalité qu’ils et elles soient, pour
les valeurs de la France : Liberté,
Egalité, Fraternité.
Parce que ce
silence revèle une nouvelle fois un
positionnement politique d’alignement
sur la politique coloniale israélienne.
Oh, certes, le président de la
République a condamné verbalement la
colonisation de la Cisjordanie et
demandé la levée du blocus de la bande
de Gaza. Mais pas un seul acte et pas
une pression n’ont suivi. La
colonisation s’intensifie et le blocus
se durcit encore.
Parce que ce
silence s’accompagne de déclarations
officielles indignes de soutien à Israël
alors même que la population sans armes
de Gaza tombe sous les balles des
snipers israéliens et que les
bombardements pilonnent les civils et
les lieux de culture. Alors que faute de
carburant les hôpitaux palestiniens
ferment des services vitaux. Parce que
le blocus israélien de Gaza est mortel
autant qu’illégal.
Parce que
l’exécutif français s’est déconsidéré,
que par ce silence il a fait alliance de
fait avec une puissance coloniale qui
s’en prend violemment à des civils
pacifiques, palestiniens et
internationaux dont des Français. Il n’a
pas assumé son devoir envers ses
ressortissants, maintenant heureusement
sortis des prisons israéliennes, et plus
largement en tant que représentant de la
France, signataire et garante des
conventions internationales et du droit
international.
Alors, non, je n’ai
pas écrit à M. Macron pour lui rappeler
ses obligations. J’imagine qu’il les
connaît...A quoi bon ? Il me semble
avéré que pour lui d’autres intérêts ou
accointances priment, au détriment de
son devoir de protection du droit.
La République qu’il
préside mérite autre chose, LIBERTE,
EGALITE, FRATERNITE, peut-être !?
Madame Claude
Léostic
coordinatrice pour la France de la
Flottille de la Liberté pour Gaza
Paris, 12 août 2018
*Falestine a subi
de sérieuses avaries lors d’une tempête
en quittant la Sicile et n’a pu
poursuivre longtemps sa route. Elle a dû
regagner la terre.
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