publié le mercredi 21 décembre 2005.
Ce document a été présenté lundi 21 novembre
à un conseil des ministres de l’Union Européenne (UE).
L’UE avait décidé lundi 12 décembre de ne pas diffuser ce
rapport portant de lourdes critiques contre l’activité
coloniale israélienne à Jérusalem-Est et tout autour de la
ville
SOMMAIRE
1 La question de Jérusalem- Est est d’une
importance centrale pour les Palestiniens à la fois sur les
plans politique, économique, social et religieux. Plusieurs
mesures israéliennes combinées diminuent la possibilité
d’atteindre un accord final sur Jérusalem et démontrent
clairement qu’Israël entend faire de l’annexion de Jérusalem
un fait accompli. L’achèvement en cours de la barrière
autour de Jérusalem- Est dont le tracé est loin de la ligne
verte ; La construction et l’expansion de colonies illégales,
aussi bien par des groupes privés que par le gouvernement israélien,
dans et autour de Jérusalem- Est ; La démolition de
maisons palestiniennes construites sans permis (dont
l’obtention relève du miracle) ; Une application plus
stricte des règlements qui visent à séparer les Palestiniens
qui résident à Jérusalem Est de ceux qui résident en
Cisjordanie, y compris une réduction des permis de travail ;
Et une discrimination de la fiscalité, des dépenses, et des
permis de construire de la part de la municipalité de Jérusalem.
2 Le plan d’expansion de Ma’aleh Adumim dans
la zone appelée “E1” , à l’est de Jérusalem, menace
d’achever l’encerclement complet de la ville par des
colonies juives, avec pour conséquence la division de la
Cisjordanie en deux zones géographiques séparées.
L’extension proposée du mur à partir de Jérusalem Est pour
former une bulle autour de la colonie de Ma’aleh Adumim aurait
le même effet. . En 2004 , le nombre de bâtiments palestiniens
démolis à Jérusalem Est a triplé. Nous prévoyons un nombre
égal de démolitions en 2005. En juin dernier, 88 maisons du
secteur de Silwan dont l’ordre de démolition était en cours
ont attiré beaucoup d’attention.
3. Lorsque la barrière sera achevée, Israël
contrôlera l’accès pour entrer à Jérusalem Est et en
sortir, l’isolant de ses villes satellites de Bethléem et de
Ramallah, et au-delà du reste de la Cisjordanie. Cela aura de sérieuses
conséquences à la fois économiques, sociales et humanitaires
pour les Palestiniens. En appliquant de manière stricte les
mesures sur la résidence et les cartes d’identité, Israël
sera en capacité de parachever l’isolement de Jérusalem Est
- centre politique, social, commercial, et infrastructurel de la
vie palestinienne. 4. Les activités israéliennes à Jérusalem
se font en violation des obligations de la feuille de route et
du droit international. Nous, et d’autres membres de la
communauté internationale avons exprimé nos préoccupations à
de nombreuses reprises, avec des résultats divers.
Les Palestiniens sont tous sans exception,
profondément inquiets en ce qui concerne Jérusalem-Est. Ils
craignent qu’Israël « s’en tire », sous couvert
du désengagement. Les mesures israéliennes risquent également
de radicaliser la population palestinienne de Jérusalem Est
jusqu’à présent relativement calme. Il serait opportun que
l’Union Européenne et le Quartet fassent des déclarations
claires sur le fait que Jérusalem reste un sujet de négociation
entre les deux parties et qu’Israël doit s’abstenir de
toutes mesures destinées à préempter de telles négociations.
Nous devrions également soutenir les activités culturelles,
politiques et économiques palestiniennes à Jérusalem Est.
RECOMMANDATIONS
Au niveau politique
Des déclarations claires de l’Union Européenne
et du Quartet sur le fait que Jérusalem reste un sujet de négociations
entre les deux parties et qu’Israël doit s’abstenir de
toutes mesures destinées à préempte de telles négociations.
Nous pourrions envisager une déclaration centrée
sur la question de Jérusalem à la réunion du GAERC de
novembre Nous pourrions aussi faire pression pour une déclaration
similaire de la part du Quartet.
La phase 1 de la Feuille de route demande la réouverture
des institutions palestiniennes à Jérusalem Est, et en
particulier la Chambre de Commerce. La réouverture de ces
institutions serait pour les Palestiniens un signe que la
communauté internationale prend au sérieux leurs inquiétudes
et agit. Nous pourrions inclure un appel à la réouverture dans
les déclarations précédemment mentionnées et étudier avec
les deux parties comment et quand ces réouvertures pourraient
intervenir.
Demander instamment au gouvernement israélien
de mettre un terme au traitement discriminatoire des
Palestiniens à Jérusalem Est , en particulier en ce qui
concerne les permis de travail, les permis de construire, les démolitions
de maisons, la taxation et les dépenses,
L’Union Européenne pourrait envisager et évaluer
les implications et la faisabilité d’exclure Jérusalem Est
du champ de certaines coopérations UE/Israël.
Au niveau opérationnel
Organiser des rencontres politiques avec l’Autorité
palestinienne à Jérusalem Est, y compris des rencontres au
niveau ministériel. Prendre des initiatives (telles que lettres
de déclarations, contacts, rencontres etc.) centrées sur des
sujets tels que l’accès, les permis de construire, les conséquences
du mur etc. En prévision des élections législatives
palestiniennes fixées au 25 janvier 2006, encourager les deux
parties à s’entendre sur les modalités de leur coordination
en vue de permettre que les élections puissent se tenir de façon
satisfaisante à Jérusalem Est en vertu des obligations de
chaque partie dans le cadre d des accords intérimaires et de la
Feuille de route (obligation à l’Autorité palestinienne
d’organiser des élections et obligation à Israël d’en
faciliter la tenue) en prenant en compte les recommandations
formulées dans le rapport Rocard ( rapport de l’UE sur le
suivi des élections présidentielles). Offrir l’assistance
technique d’une tierce partie et la capacité de suivi, si
c’est jugé nécessaire et adapté.
Le Plan directeur de Jérusalem qui est
actuellement en phase d’approbation devrait être soumis à
expertise technique suivie par une décision sur la manière
d’évaluer le plan en termes d’implications juridiques,
d’information publique etc. Actuellement, le plan existe
seulement en hébreu (il devrait être traduit en arabe et en
anglais).
Toutes les Missions (MS) et la Commission Européenne
(EC) doivent accroître les projets entrepris à Jérusalem Est
avec un équilibre entre fourniture de services, humanitaire,
projets de développement et politiques (en prenant en compte
l’Etude multisectorielle) Le soutien à la société civile
est important. Un inventaire de l’activité en cours des MS de
l’EC serait une première étape utile. En ce qui concerne la
démolition des maisons pour défaut de permis de construire à
Jérusalem Est, l’UE pourrait suivre différentes options. •
Soutenir les projets légaux de soutien aux Palestiniens menacés
de démolition de maisons et ceux qui en ont été victimes •
Promouvoir des initiatives pour légaliser les maisons “illégales”
(c’est à dire en introduisant de manière rétroactive des
projets de planification urbaine alternatifs). • Aider à la
recherche d’une solution pour obtenir des permis de
construire. • Mettre en place des projets de l’ UE avec une
ONG palestinienne sur le soutien juridique pour tout ce qui
concerne les permis de construire et les démolitions de
maisons. • Mettre en place un projet de l’UE sur le développement
d’un plan directeur concernant les localités palestiniennes
proches de Jérusalem Est.
Aider à trouver une solution sur le problème
de l’accès qui inclurait un ensemble de mesures politiques et
opérationnelles, à court et à long terme.
Soutenir les organisations locales et
internationales dans leurs efforts d’information sur Jérusalem
Est.
Améliorer l’aide de l’UE aux institutions
palestiniennes à Jérusalem Est, y compris aux activités
culturelles et au renforcement de l’indépendance de la
communauté.
CHEFS DE POSTES DE JERUSALEM ET RAMALLAH RAPPORT
SUR JERUSALEM EST
DETAIL
1 Jérusalem est déjà un des sujets les plus délicats
sur le chemin qui mène à un accord définitif entre Israël et
les Palestiniens. Mais plusieurs mesures israéliennes combinées
diminuent la possibilité d’atteindre un accord final sur Jérusalem
acceptable par quelque Palestinien que ce soit. Nous considérons
qu’il s’agit là d’une politique israélienne délibérée
- l’achèvement de l’annexion de Jérusalem Est. Les mesures
israéliennes risquent également de radicaliser la population
palestinienne de Jérusalem Est jusqu’à présent relativement
calme.
POLITIQUE DE L’UE EN CE QUI CONCERNE JERUSALEM
EST
2 La politique de l’UE est basée sur les
principes définis dans la résolution 242 du Conseil de Sécurité
de l’ONU , en particulier l’impossibilité d’acquérir de
territoires par la force . En conséquence l’UE n’a jamais
reconnu l’annexion de Jérusalem Est sous la loi fondamentale
israélienne de 1980 (Loi Jérusalem, capitale d’Israël) qui
a fait de Jérusalem « la capitale unifiée et indivisible »
d’Israël. Les Etats membres de l’UE ont par conséquent
placé leurs missions diplomatiques accréditées à Tel Aviv.
L’UE s’oppose à des dispositions qui préjugeraient du résultat
des négociations sur le statut final, qui sont prévues dans la
phase 3 de la Feuille de route, ainsi qu’aux actions qui
visent à changer les statut de Jérusalem Est.
3 Dans des conférences qui ont eu lieu en 1999
et 2001 les Hautes Parties Contractantes ont réaffirmé
l’applicabilité de la Quatrième Convention de Genève aux
Territoires Occupés Palestiniens y compris Jérusalem Est et
ont réitéré la nécessité de respecter totalement les
provisions de la dite Convention sur ce territoire.
4 En juillet 2004, l’UE a reconnu l’avis
consultatif de la Cour Internationale de Justice sur les
« conséquences légales de la construction d’un mur
dans les Territoires Palestiniens Occupés y compris dans et
autour de Jérusalem Est » et a voté en faveur de la Résolution
de l’Assemblée Générale qui le reconnaissait. Tandis que
l’UE reconnaît les préoccupations d’Israël en matière de
sécurité et son droit à agir pour sa propre défense, la
position de l’UE sur la légalité du mur de séparation coïncide
largement avec l’avis consultatif de la Cour Internationale de
Justice.
COLONIES
5 Israël augmente l’activité de colonisation
dans trois zones en forme de fer à cheval, orientées à
l’est dans et autour de Jérusalem Est, reliées par de
nouvelles routes : Premièrement par de nouvelles colonies
dans la vieille ville elle-même et les faubourgs palestiniens
à proximité immédiate de la vieille ville (Silwan, Ras al
Amud, At Tur, Wadi al Joz, Sheikh Jarrah) ;
Ensuite dans les principaux blocs de colonies
existant déjà à Jérusalem Est (dans le sens des aiguilles
d’une montre de Ramot, Rekhes Shu’afat, French Hill, à
travers les nouvelles colonies dae la première zone, au-dessus,
vers Talpiot Est, Har Homa et Gilo) ;
Et finalement dans le “Grand Jérusalem” -
reliant la ville de Jérusalem aux blocs de colonies de Givat
Ze’ev vers le nord, Ma’aleh Adumim vers l’est (y compris
la zone E1 , voir ci-dessous), et le bloc de Etzion vers le sud.
L’activité de colonisation se poursuit dans
ces trois zones, contrairement aux obligations d’Israël en
vertu du droit international et la Feuille de route.
“E1” and Ma’aleh Adumim
6 E1 ( pour ‘Est 1’) est le terme employé
par le Ministère israélien du Logement pour un nouveau
quartier situé à l’intérieur des limites municipales de la
grande colonie de Ma’aleh Adumim (plus de 30,000 habitants) et
qui relie celle ci aux limites municipales de Jérusalem (une
ligne israélienne unilatérale située bien à l’est de la
Ligne verte). E1 et un mur XXX autour de Ma’ale Adumim achèveraient
l’encerclement de Jérusalem Est et le découpage en deux
parties de la Cisjordanie et ultérieurement la restriction
d’accès à Jérusalem. Les perspectives économiques de la
Cisjordanie (où le PNB annuel par tête est inférieur à 1 000
$) dépendent étroitement de l’accès à Jérusalem Est (où
le PNB annuel par tête est autour de 3 500 $). Les estimations
de la contribution de Jérusalem Est à l’économie globale
palestinienne varient entre 1/4 et 1/3. Du point de vue économique,
la viabilité d’un Etat palestinien dépend dans une large
mesure de la préservation de liens organiques entre Jérusalem
Est, Ramallah et Bethléem.
7 E1 est un projet ancien qui a été conçu par
le gouvernement Rabin en 1994 mais n’a jamais été réalisé.
Le plan a été remis à l’ordre du jour par le Ministère du
Logement en 2003, et la construction de E1 a été lancée en
2004. Depuis sa démission du cabinet, Netanyahu a essayé de
faire de E1 un sujet de campagne.
Les plans de développement de E1 comprennent
• La construction d’au moins 3 500 logements (environ 15 000
résidents) ; • une zone de développement économique
• la construction du quartier général de la police pour la
Cisjordanie qui serait déplacé de Raz el-Amud • des zones
commerciales, des hôtels et des « logements spéciaux »,
des universités et des « projets spéciaux », un
cimetière, et un site de mise en décharge • A peu près 75%
de la zone totale est affectée à un parc qui entourera tous
ces projets. • Jusqu’ici seuls les plans de la zone de développement
économique ont reçu les autorisations nécessaires pour démarrer
les travaux. Les plans des zones résidentielles et du quartier
général de la police ont été approuvés par la municipalité
de Ma’aleh Adumim mais pas encore par le Conseil de
planification de l’administration civile.
8 La zone actuellement construite de Ma’aleh
Adumim couvre seulement 15% de la zone planifiée. Le plan total
de Ma’aleh Adumim, E1 compris, couvre au moins 53 km2 (plus
que Tel Aviv) et s’étend de Jérusalem à Jéricho
(commentaire : la justification par Israël de
l’expansion des colonies « à l’intérieur des limites
des colonies existantes » couvre par conséquent une zone
potentiellement très large). En août 2005, Israël a émis les
ordres de réquisition de terres pour la construction du mur
autour de la limite sud du bloc de Ma’aleh Adumim, suivant le
parcours approuvé par le cabinet israélien le 20 février 2005
(incluant la plus grande partie de la zone municipale de
Ma’aleh Adumim).
9 Le projet E1 couperait la route principale
qu’empruntent les Palestiniens entre Bethléem et Ramallah.
Cette route est une alternative à la route 60 qui était la
route principale jusqu’en 2001, route qui reliait les
principales villes palestiniennes (Jénine, Naplouse, Ramallah,
Jérusalem, Bethléem et Hébron)sur la crête des montagnes de
Cisjordanie. Les Palestiniens ont actuellement un accès réduit
à la route 60 (soit des permis sont exigés sur certains tronçons
ou les routes sont bloquées), tout particulièrement dans le
secteur de Jérusalem.
10 Depuis 2003, des travaux préparatoires ont
commencé. Dans le secteur nord de E1, où des logements résidentiels
sont prévus, le sommet d’une colline a été arasé pour
permettre la construction. Dans le secteur sud, là où le poste
de police et des hôtels sont prévus une route non pavée a été
construite. Mais rien d’autre depuis environ un an, Le 25 août
2005, le gouvernement israélien a annoncé des plans pour
construire le nouveau quartier général pour la Cisjordanie à
E1, et le transfert depuis son emplacement actuel à Jérusalem
Est., Dans le passé, beaucoup de colonies ont démarré par la
construction d’un poste de police. Nous savons par des ONG
israéliennes qu’Israël a en projet la reconversion de
l’actuel poste de police pour la Cisjordanie, situé à Ras
Al-Amud en unités de logement pour une colonie.
Colonisation à l’intérieur de Jérusalem Est
11 La colonisation à l’intérieur de Jérusalem
Est continue à un rythme rapide.. Il y a actuellement environ
190,000 colons israéliens à Jérusalem Est. La majorité vit
dans les blocs de colonies tels que Pisgat Ze’ev. La vision
majoritaire en Israël est que ce qu’ils appellent les
« quartiers » de Jérusalem Est ne sont pas des
colonies car elles se trouvent à l’intérieur de la
Municipalité de Jérusalem. L’UE, ainsi que l’immense
majorité de la communauté internationale ne reconnaît pas
l’annexion unilatérale de Jérusalem Est et considère les
« quartiers » de Jérusalem Est comme des colonies
illégales comme toutes les autres colonies, mais cela ne
dissuade pas Israël de les agrandir. Certaines de ces colonies
s’étendent aujourd’hui au-delà des limites définies par
Israël comme celles de la municipalité de Jérusalem, plus
loin en Cisjordanie. La municipalité de Jérusalem est également
active autour du Tombeau de Rachel, en dehors des limites
municipales.
12 Moins nombreuses, mais tout aussi préoccupantes,
sont les colonies implantées au cœur de quartiers
palestiniens, avec l’assistance manifeste ou déguisée du
gouvernement. Des groupes de colons juifs extrémistes, souvent
avec des fonds étrangers, utilisent de nombreux expédients
pour s’approprier les terres palestiniennes. Soit ils
s’appuient sur les difficultés financières des Palestiniens,
soit ils occupent tout simplement les biens par la force et
comptent sur les délais voire les connivences au sein des cours
de justice israéliennes. De tels groupes nous ont dit faire
pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles démolissent
les maisons palestiniennes construites sans permis. Israël a
par le passé utilisé la « loi sur la propriété des
Absents » (généralement appliquée à l’intérieur de
la ligne Verte, ôté israélien) pour saisir propriétés et
terrains. Cette année, Le Procureur général a déclaré cette
année que cette loi était « légalement indéfendable »
dans la région de Bethléem et la pratique a cessé, mais la
loi reste applicable à Jérusalem Est et peut être ressuscitée
à tout moment si Israël le juge opportun.
13 Certaines des colonies israéliennes n’ont
pas de permis de construire mais aucune n’a été détruite -
un contraste marquant avec la situation faite aux Palestiniens-
Il y a aussi en projet de construire une grande nouvelle colonie
juive dans le quartier musulman de la vieille ville, un pas en
avant qui pourrait se révéler particulièrement explosif et
pourrait conduire ultérieurement à une « Hébronisation »
de Jérusalem. Le but de ces colons et des colonies est d’étendre
la présence israélienne à de nouvelles zones. Au final, la
formule du Président Clinton pour Jérusalem (« ce qui
est juif devient Israël et ce qui est Palestinien devient la
Palestine « ) soit ne peut être appliqué - soit Israël
prend davantage.
MUR/BARRIÈRE DE SÉPARATION
14 Israël a largement ignoré l’avis
consultatif de la Cour internationale de Justice du 9 juillet
2004 concernant la barrière. Le 25 février 2005 le
gouvernement israélien a approuvé le tracé révisé de la
« barrière de séparation ».
Ce tracé isole Jérusalem Est et ses 230,000 résidents
palestiniens de la Cisjordanie (il sépare davantage les
Palestiniens entre eux que les Palestiniens d’avec les Israéliens)
. Le mur n’est pas seulement motivé par des considérations
de sécurité. Le 21 juin 2005, La Cour suprême israélienne a
statué qu’il était légal de prendre en compte des considérations
politiques en plus des considérations sécuritaires pour le
tracé de la barrière dans Jérusalem Est parce que Jérusalem
Est est territoire israélien depuis son annexion en 1967 (cad,
les considérations politiques ne sont pas légales en
Cisjordanie qui n’a pas été annexée à Israël). Le 10
juillet, le cabinet israélien a décidé de tracer la barrière
de Jérusalem de façon à exclure de son tracé 55 000
Palestiniens, principalement dans le camp de réfugiés de
Shua’fat. Le fait que la décision du cabinet n’impliquait
pas des mesures à court terme mais également à long terme
destinées à intégrer la situation nouvellement créée par la
construction de la barrière (cad construire de nouvelles
institutions éducatives et inciter les hôpitaux à ouvrir des
centres de santé « au-delà du mur »)- apparaît en
contradiction avec la notion d’une « barrière »
provisoire plutôt qu’une structure permanente. Et si Israël
procurait les services municipaux adéquats aux zones exclues
(comme il le promet) cela serait en contradiction avec les
services communaux restreints procurés au reste de Jérusalem
Est. Les ONG israéliennes qui travaillent sur la question de Jérusalem
ont examiné les propositions israéliennes pour assurer que les
résidents exclus de la barrière ne le soient pas des services
de la ville, et ils les ont jugés insuffisants.
15 La barrière s’étend en forme de trèfle
vers le nord-ouest, sud-ouest- et est au-delà même des limites
municipales de Jérusalem, laissant 164 km2 des terres de
Cisjordanie du côté occidental « israélien ».
Combinée avec l’activité de colonisation de ces zones, cette
annexion de fait de la terre palestinienne sera irréversible
sans une évacuation forcée et à grande échelle des colons et
un nouveau tracé de la barrière - qui coûte 800 000 euros du
kilomètre. Cette barrière bloquera aussi la route
qu’empruntent actuellement les Palestiniens entre Bethléem et
Ramallah, les contraignant à emprunter les tunnels de Jéricho.
16 Nous devrions nous assurer que le soutien que
nous apportons à Jérusalem Est n’est pas simplement une
tentative de réduire les conséquences négatives de la
construction de la barrière de séparation. L’avis
consultatif de la Cour internationale de justice, accepté par
l’UE avec peu de réserves, établit que « tous les
Etats ont l’obligation de ne pas reconnaître la situation illégale
résultant de la construction du mur dans les Territoires
Palestiniens Occupés y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem
Est. Ils ont aussi obligation de ne pas apporter d’aide
susceptible de maintenir la situation créée par cette
construction. »
RESTRICTIONS SUR et DEMOLITIONS DE L’HABITAT
PALESTINIEN
17 Les autorités israéliennes ont mis en place
de sérieuses restrictions sur la construction de logements pour
les Palestiniens à Jérusalem Est. Les autorités israéliennes
délivreront des permis de construire seulement pour des
endroits qui ont un plan directeur délimitant des zones. La
municipalité produit ces plans pour des zones de colonisation
prévues mais pas pour les zones palestiniennes - seuls les
Palestiniens doivent dessiner eux-mêmes ces plans, en général
à leurs frais (les dépenses sont inabordables). Aussi, chaque
année, les Palestiniens reçoivent-ils moins de 100 permis de
construire, pour lesquels ils ont du attendre plusieurs années.
Simultanément, des règlements exigeant des Palestiniens qui
ont le statut de résident à Jérusalem soit d’y résider,
soit de risquer de perdre leur statut , ont forcé des milliers
de Palestiniens à revenir de Cisjordanie à Jérusalem ce qui a
aggravé le manque de logements. Le résultat en est que la
plupart des nouveaux logements palestiniens se font sans permis
et sont par conséquent illégaux aux yeux des autorités israéliennes
(bien que selon la 4ème Convention de Genève la puissance
occupante ne soit pas autorisée à étendre sa juridiction au
territoire occupé). Restrictions et démolitions ont pour conséquence
que des terrains à l’abandon (mais de propriété
palestinienne) soient disponibles pour de nouvelles colonies ou
l’extension de colonies existantes.
18 En 2004, au moins 152 bâtiments, la plupart
résidentiels, ont été démolis à Jérusalem Est, une
augmentation importante par rapport aux années précédentes
(66 en 2003, 36 en 2002, 32 en 2001 et 9 en 2000). En mai 2005,
la municipalité de Jérusalem a fait connaître son intention
de faire démolir 88 maisons dans le « quartier » de
Silwan. Suite aux réactions des médias et aux pressions
internationales, ces démolitions ont été suspendues, mais
l’avenir de Silwan reste incertain, et les ordres de démolition
sont toujours en suspens. Entre temps, ailleurs dans les
quartiers palestiniens, des maisons sont démolies régulièrement.
D’après le Comité israélien contre les Démolitions de
Maisons, 52 bâtiments (y compris un immeuble de 7 étages et 8
stations service) ont été démolis à Jérusalem Est cette année.
Le budget de la municipalité pour les démolitions (approuvé
fin mars) est de 4 M NIS (environ 800 000 euros), un chiffre en
légère augmentation par rapport à l’an dernier. Nos
contacts estiment que cela va permettre à la municipalité de détruire
150-170 bâtiments cette année. Dans les cas où il est jugé
que la municipalité n’a pas rempli son devoir de démolition
des bâtiments illégaux, (soit par manque de fonds, soit par
contraintes budgétaires), le Ministère de l’Intérieur peut
et fait effectivement procéder aux démolitions (14 en 2004, 6
jusqu’ici pour 2005). Les démolitions de maisons sont illégales
selon la loi internationale (voir ci-dessus), ne servent aucun
objectif apparent de sécurité (mais sont clairement reliées
à l’expansion des colonies), elles ont des conséquences
humanitaires catastrophiques et alimentent amertume et extrémisme.
Des Palestiniens continuent de bâtir illégalement parce
qu’ils n’ont pas d’autre choix et parce que la Municipalité
et le Ministère de l’Intérieur peuvent seulement détruire
une fraction des (approximativement) 12 000 maisons « illégales »
existantes. Les Palestiniens appellent cela une « loterie ».
CARTES D’IDENTITÉ ET STATUT DE RÉSIDENT(E)
19 Certains Palestiniens ont des cartes
d’identité israéliennes bleues, qui leur donnent le « droit »
de vivre en Israël (en pratique à Jérusalem Est), mais pas de
voter aux élections nationales israéliennes ni d’avoir un
passeport israélien. Le renouvellement annuel de ces cartes
d’identité bleues est long, pesant parfois humiliant et se
fait au Bureau du Ministère de l’Intérieur à Jérusalem
Est. Les autres ont des cartes d’identité vertes
(Cisjordanie) ou orange (Gaza) et doivent demander un permis
pour se rendre à Jérusalem Est. Même les Palestiniens de
Cisjordanie ou de Gaza qui ont un emploi régulier à Jérusalem
Est doivent faire renouveler ces permis tous les trois mois.
Entre 1996 et 1999 Israël a mis en place une procédure intitulée
« centre de vie » ce qui signifie que ceux qui détiennent
une carte d’identité bleue et dont le domicile ou le travail
se trouve en dehors de Jérusalem Est, par exemple à Ramallah,
perdent leur carte d’identité. Une vague de détenteurs de
ces cartes s’est pour cette raison repliée sur Jérusalem
Est. La résidence de centaines de Palestiniens qui ont vécu
pour une période prolongée en dehors d’Israël et des
Territoires Occupés a été révoquée, et cette politique
dure. L’application renouvelée de cette règle et la
construction de la barrière autour de Jérusalem ont conduit à
une seconde vague « d’immigration » des détenteurs
de cartes d’identité bleue vers la ville. Israël a également
fait savoir son intention d’instaurer une carte d’identité
biométrique lisible par des machines. Les Palestiniens en sont
très inquiets car cela permettrait aux Israéliens de savoir si
des détenteurs de cartes bleues vivent et travaillent vraiment
à Jérusalem et sinon à en expulser davantage.
20 La motivation principale d’Israël est très
certainement d’ordre démographique -réduire la population
palestinienne de Jérusalem, conjointement aux efforts réalisés
pour augmenter la population de juifs israéliens vivant dans la
ville - à l’est comme à l’ouest. Le plan directeur de Jérusalem
a pour but explicite de garder la proportion de Jérusalémites
palestiniens à 30% maximum du total. Mais cette politique a de
sévères conséquences humanitaires - les couples dans lesquels
un des époux a une carte d’identité bleue et l’autre une
verte seront forcés de quitter Jérusalem (Israël autorise en
théorie le transfert de cartes d’identité bleues au conjoint
et aux enfants, mais très rarement en pratique). Les
Palestiniens qui ont une carte d’identité israélienne vivent
déjà dans une identité fantôme - ni Arabes israéliens, ni
liés à l’Autorité palestinienne - avec ces mesures leur
situation ne peut qu’empirer. La séparation de Jérusalem Est
avec le reste de la Palestine handicape économiquement les deux
zones , et le retour des détenteurs de cartes d’identité
bleues exacerbe la crise du logement - les prix d’achat et de
location montent en flèche.
POLITIQUES MUNICIPALES 21 La municipalité de Jérusalem
est responsable de la majorité des démolitions de maisons
entreprises à Jérusalem Est (voir ci-dessus). Elle contribue
aussi à la stagnation économique et sociale de Jérusalem Est
à travers d’autres politiques. Le Comité israélien contre
les Démolitions de Maisons affirme que les Palestiniens
contribuent pour 33% des taxes municipales mais ne reçoivent en
retour que 8% du budget municipal.Leschiffres exacts sont
difficiles à estimer néanmoins la discrimination dans les dépenses
est évidente. Les zones palestiniennes de la ville se caractérisent
par des routes en mauvais état, peu ou pas de nettoyage des
rues, et une absence d’espaces publics bien entretenus, en
contraste manifeste avec les endroits où vivent les Israéliens
(à Jérusalem Ouest ou dans les colonies de Jérusalem Est ). Même
les quartiers ultra orthodoxes (qui contribuent très faiblement
aux impôts, pour diverses raisons) sont bien mieux entretenus
par la municipalité. La fourniture de services publics dans ce
qui est selon Israël une seule municipalité est par conséquent
soumise à des pratiques discriminatoires. Les Palestiniens
considèrent les taxes municipales comme une taxe sur leur droit
de résidence plutôt que comme un rendu pour les services
municipaux.
Le haut niveau de fiscalité (étant donné que
les revenus des Palestiniens sont notoirement plus faibles) et
l’application discriminatoire de la loi qui semble cibler les
Palestiniens pour leur infliger des amendes pour toute une série
de délits (circulation, stationnement, défaut de licence TV)
aggravent encore la situation économique des Palestiniens. Cela
rend plus difficile qu’ils continuent à résider dans la
ville et cela les rend plus vulnérables aux offres des groupes
de colons ou de Palestiniens qui collaborent, qui leur proposent
un bon prix pour leurs propriétés ou leurs terres.
CONSÉQUENCES HUMANITAIRES ET POLITIQUES
22 Rupture du lien entre Jérusalem Est et la
Cisjordanie : Jérusalem Est, palestinienne, est
traditionnellement le centre des activités politiques,
commerciales, religieuses et culturelles pour la Cisjordanie,
les Palestiniens fonctionnant comme un tout social et économique.
La séparation d’avec le reste de la Cisjordanie affecte l’économie
et affaiblit le tissu social. Depuis l’occupation israélienne
de Jérusalem Est en 1967, l’accès des Palestiniens à Jérusalem
depuis la Cisjordanie a été progressivement restreint. Durant
le processus de Oslo, en 1993, le gouvernement israélien a
interdit aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza d’entrer
sans permis. Les colonies et les routes de contournement ont
encore restreint l’accès à Jérusalem. Et la barrière a
aggravé la situation.
23 Menaces sur le statut de résident : les
détenteurs de cartes d’identité bleues qui se trouvent en
dehors de la barrière sont de plus en plus dans l’incapacité
d’accéder à Jérusalem Est, ce qui les oblige à dépendre
des services médicaux, religieux et d’éducation du reste de
la Cisjordanie. Cela menace leur droit à résidence à Jérusalem,
selon la règle israélienne du « centre de vie »..
24 Impact sur le secteur de l’éducation et
des soins : Les habitants de Cisjordanie connaissent des
difficultés grandissantes à accéder aux principaux centres de
santé et d’éducation de Jérusalem Est. Les écoles de Jérusalem
Est qui dépendent de personnel vivant en Cisjordanie courent le
risque de devoir fermer. La même chose s’applique aux hôpitaux :
s’ajoutant à la diminution du nombre des patients de
Cisjordanie à cause des problèmes d’accès, certaines
compagnies d’assurance israéliennes exigent que le personnel
dispose des qualifications professionnelles et de
l’immatriculation israéliennes. Selon le ministre des
Affaires de Jérusalem de l’Autorité palestinienne, environ
68% du personnel médical des hôpitaux de Jérusalem Est résident
en dehors des limites municipales. Le manque de malades et de
personnel aura pour conséquence une diminution en quantité et
en spécialités des soins offerts, soins qui souvent ne sont
pas disponibles en Cisjordanie.
25 Restriction de la liberté religieuse :
Les chrétiens et les musulmans qui vivent à l’est de la
barrière ont déjà un accès réduit à leurs lieux saints.
Les habitants de Cisjordanie sont confrontés à des difficultés
croissantes pour accéder à l’esplanade du Haram al Sharif/Mont
du Temple à cause du système de permis pour entrer à Jérusalem
et à cause de la barrière. Aucun homme de moins de 45 ans
n’est autorisé sur l’esplanade. Le directeur du Awqaf, qui
contrôle les mosquées s’est plaint tout particulièrement de
l’augmentation des mesures israéliennes pour dominer et contrôler
l’esplanade. La police patrouille régulièrement sur
l’esplanade depuis un an. Les Israéliens disent que c’est
pour assurer la bonne conduite des colons , mais l’effet en
est que cela intimide les fidèles. Les Israéliens ont aussi
introduit de nouvelles mesures ces semaines passées - des caméras
ont été placées à chaque porte, en dehors de l’esplanade
mais pointées vers elle. Ainsi chaque porte est étroitement
surveillée. Les Israéliens ont aussi commencé à dresser des
clôtures sur les bâtiments qui entourent l’esplanade. Les
inquiétudes des Palestiniens en ce qui concerne l’accès (et
les menaces) aux mosquées de l’esplanade ont des implications
à la fois politiques et de sécurité. Ce qui est perçu comme
des « menaces » sur les mosquées par les groupes
juifs et le refus d’accès aux musulmans sert régulièrement
d’étincelle aux confrontations et motive les extrémistes
palestiniens.
26 Les conséquences politiques plus larges, des
mesures détaillées ci-dessus sont encore plus inquiétantes.
Comme souligné ci-dessus, les perspectives d’une solution
avec deux états et Jérusalem comme capitale de la Palestine
s’éloignent. Plus l’activité de colonisation
s’intensifie dans et autour de Jérusalem Est plus difficile
il sera de dire ce qui est palestinien et de le relier avec le
reste de la Cisjordanie. L ‘activité israélienne à E1 et la
clôture d’une large zone autour de Ma’ale Adumim sont
particulièrement préoccupantes à cet égard. Les règlements
israéliens à Jérusalem Est rendent plus difficiles à réaliser
les propositions de résolution du conflit comme celle développée
par l’initiative de Genève en 2003, une initiative de la société
civile accueillie favorablement par l’UE.
27 Les dispositions prises pour faciliter l’élection
présidentielle palestinienne à Jérusalem Est en janvier 2005
n’étaient pas satisfaisantes - Israël a fermé les centres
d’inscriptions sur les listes électorales, les candidats
n’ont pas pu mener campagne librement, et des restrictions sur
le nombre des bureaux de vote ont conduit au chaos le jour de
l’élection. Le rapport de la commission européenne
d’observation de l’élection conduite par l’ancien Premier
ministre Rocard pose clairement les problèmes ainsi que les
recommandations pour les améliorations préalables aux élections
au Conseil Législatif palestinien prévues le 25 janvier 2006.
21 novembre 2005 - document présenté lors de
la réunion à Londres des ministres des affaires étrangères
de l’UE Traduction : D.Vincent - AFPS