9 mars 2004
Monsieur le Président,
hier à l'occasion de la journée internationale des femmes, des
femmes palestiniennes étaient reçues ici même à l'initiative de
mon groupe. Elles nous ont dit leur lassitude, leur combat quotidien
pour survivre dans les camps de réfugiés, leur courage aussi, leur
volonté de paix, toujours intacte et digne. Surtout, elles nous ont
dit leur attente vis-à-vis de l'Union européenne.
Vous le savez, les
derniers jours ont été particulièrement meurtriers dans la bande
de Gaza: quatorze palestiniens tués dont trois enfants, des
dizaines de blessés, des soldats israéliens victimes également,
comme si l'évacuation annoncée de la zone devait être précédée
de destructions aux séquelles toujours plus indélébiles. Demain,
vous êtes invités à venir rencontrer des pacifistes israéliens,
des refuzniks, qui eux aussi, courageusement, refusent la poursuite
de l'occupation qui est à la base de l'engrenage meurtrier que
subissent les peuples palestinien et israélien.
Bien sûr, le
sujet qui nous occupe aujourd'hui concerne en particulier la
violation par Israël des règles d'origine dans le cadre de
l'accord d'association. Mais comment ne pas penser, dans le même
temps, aux autres violations manifestes commises quotidiennement
dans les territoires occupés palestiniens, violations qui sont,
elles aussi, en contradiction totale avec l'esprit initial de
partenariat que la signature de cet accord traduisait. C'est
pourquoi, pour tous ceux qui veulent croire en une paix juste, les débats
sur l'application, correcte ou non, de cet accord sont révélateurs
de ce qui est reconnu malheureusement comme beaucoup trop de
frilosité coupable de la part de l'Union. Car force est de
constater qu'Israël fait fi des rappels à l'ordre européens
concernant aussi bien les violations de l'article 2 relatif au
respect des droits fondamentaux que concernant le respect des règles
d'origine. Parlons en effet des règles d'origine.
Depuis 1976, Israël
a déterminé l'origine des produits qu'il exporte, sans faire
aucune distinction entre les produits provenant de l'intérieur de
son territoire, de ceux provenant des territoires occupés depuis
1967, c'est-à-dire les produits des colonies. Israël a ainsi, de
manière permanente, délivré des certificats d'origine à des
produits qui ne sont pas éligibles à un traitement préférentiel
selon le droit communautaire. Une telle violation aurait sans doute
entraîné de vives mesures de rétorsion envers tout autre pays.
Or, en raison des pratiques douanières israéliennes, les États
membres n'ont pas été capables, jusqu'à aujourd'hui, d'empêcher
ces importations préférentielles ou d'imposer des taxes. La
Commission n'a pas non plus, dans un premier temps, proposé de
mesures adéquates pour faire face à ces pratiques. Par la suite,
elle a annoncé s'atteler à la tâche pour coordonner les actions
inefficaces des États membres. Ainsi, le 10 mai 2001, la position
de la Commission, définie ici même par le commissaire Patten, était
claire et respectueuse de la légalité lorsqu'il affirmait, je
cite, que: "l'accès préférentiel au marché communautaire
pour les exportations provenant des colonies israéliennes, de
Cisjordanie et de la bande de Gaza constitue une violation des
accords commerciaux CE-Israël". Mais les mesures prises n'ont
toujours pas mis un terme à cette illégalité. On pourrait ajouter
d'ailleurs que l'édification en cours du mur de la honte ne peut
que renforcer cet état de fait. Des oliviers, des arbres fruitiers
arrachés sous les yeux des villageois, des terres cultivées
rendues inaccessibles à leurs paysans par milliers, cette nouvelle
annexion illégale se traduira-t-elle demain par de nouvelles
exportations de produits issus de ces terres?
En novembre
dernier, devant le conseil d'association UE-Israël, l'Union a
insisté sur l'importance de résoudre le problème des règles
d'origine avant de modifier le protocole sur ces mêmes règles.
Depuis, la Commission a indiqué avoir poursuivi la discussion avec
Israël. Mais la question reste entière aujourd'hui et je vous la
repose, Monsieur le Commissaire: la Commission va-t-elle accepter
une solution qui n'exige pas d'Israël qu'il cesse de délivrer des
certificats d'origine aux produits provenant des colonies dans le
cadre de l'accord d'association? Va-t-elle faire appel aux
instruments de droit à sa disposition? L'éventualité d'amender
l'accord est aujourd'hui avancée, mais si nous acceptions ce
principe, alors qu'Israël persiste dans sa violation assumée de
l'accord, l'Union pourrait perdre tous ses droits de suspendre
l'application de n'importe quelle partie de l'accord pour mettre un
terme à cette violation, ce qui serait inacceptable. Le droit
international serait ainsi délibérément bafoué, en reconnaissant
Israël comme puissance occupante dans les territoires palestiniens
et ses pratiques d'annexion et de colonisation de territoires. Quoi
qu'il en soit, je veux réaffirmer ici, qu'avant d'entreprendre
toute modification de l'accord, la consultation du Parlement européen
est une nécessité absolue. La Commission y est-elle résolue?
Enfin, pour
conclure, d'une façon générale, l'Union européenne ne peut
continuer à être complice de la persistance du gouvernement Sharon
à occuper ces terres palestiniennes, à voler les produits de cette
terre, à en confisquer le bénéfice, à interdire tout moyen
d'existence, de survie même, de la population. Sur le fond, la
naissance de l'accord en 1995, dans la foulée du processus engagé
à Oslo, voulait s'inscrire comme contribution à la construction de
la paix. La situation est radicalement différente aujourd'hui. De
quel type de coopération peut-il s'agir?
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