|
Rapport
Evaluation stratégique: Horizons de la résistance en
Cisjordanie:
entre la coordination sécuritaire et l'impasse du règlement
Samedi 30 octobre 2010
http://www.alzaytouna.net/arabic
Résumé :
la résistance palestinienne en Cisjordanie vit actuellement une
terrible situation, où le déploiement de la résistance armée
contre l’occupation israélienne semble difficile. La présidence
de l’Autorité palestinienne et le gouvernement de Ramallah se
sont engagés, et de manière répétée, à refuser la résistance
armée et à poursuivre ses membres. Ils ont mis en action la
coordination sécuritaire avec « Israël » comme un des
engagements envers la Feuille de route. Alors que le mouvement
Fateh a accordé son soutien et sa couverture politique à
l’Autorité, celle-ci a démantelé et frappé, sinon neutralisé,
les cellules de la résistance dans le Fateh au cours de cette
période. Quant aux autres organisations de l’OLP, non seulement
elles subissent la poursuite par l’Autorité de leurs éléments,
mais leurs faibles capacités et leur situation politique
affaiblissent leur aptitude à l’initiative militaire. Bien que
les mouvements du Hamas et du Jihad islamique aient maintenu
leur liberté de décision politique et militaire, les mesures
sécuritaires mises en place par les appareils sécuritaires de
l’Autorité, par le biais de la coordination sécuritaire avec les
forces de l’occupation, leur rendent difficile la tâche de mener
une résistance efficace à l’intérieur de la Cisjordanie. Dans la
situation présente en Cisjordanie qui s’ajoute à l’impasse des
négociations, la scène palestinienne pourrait donner naissance à
la résistance, si Mahmoud Abbas se retirait, ou si la déception
augmentait en Cisjordanie, si on assistait à l’effondrement de
l’Autorité ou à la réalisation d’une réconciliation
palestinienne qui adopte la résistance comme alternative au
règlement.
Introduction : Etudier le thème des horizons de
la résistance en Cisjordanie nécessite obligatoirement la
recherche d’une décision politique.
Premièrement :
au niveau de la présidence de l’Autorité : le président Mahmoud
Abbas adopte une position stratégique avouée consistant à
refuser la résistance. Il considère que l’intifada a eu des
conséquences négatives profondes sur le peuple palestinien et sa
cause. Il est fermement décidé à adopter le choix des
négociations, rien que les négociations.
Deuxièmement :
au niveau du gouvernement à Ramallah : le premier minisre M.
Salam Fayyad affirme son respect de la Feuille de route et ses
exigences politiques et sécuritaires, y compris la répression de
la résistance et la coopération sécuritaire avec les Israéliens.
Tout comme il affirme vouloir proclamer l’Etat palestinien d’ici
deux ans, alors qu’un an est déjà passé. Le plan de Salam Fayyad
comprend deux points : former les appareils ministériels
palestiniens et exécuter un développement (projets) centrés sur
l’infrastructure, qui permettent de proclamer l’Etat.
Ce plan se déroule sous occupation israélienne
qui a imposé des réalités sur le terrain, la plus importante
étant les barrages dont le nombre dépasse les 600 barrages, et
les colonies installées en Cisjordanie, ainsi que les routes de
contournement spécifiques aux Israéliens, le mur de l’apartheid,
les denses programmes de judaïsation d’al-Qods, et la domination
administrative et sécuritaire israélienne sur la majeure partie
de la Cisjordanie (zone C). C’est pourquoi le processus de
développement et la préparation d’un tel type d’Etat palestinien
se fait sur la base d’une coopération stratégique avec
« Israël ». Cette situation mène au danger issu de l’approbation
du plan de la paix économique, que le chef de gouvernement
israélien Benyamin Netanyahu avait proposé. Il est évident que
le plan de la paix économique est une décision politique qui
s’oppose au principe de la résistance à l’occupation.
Troisièmement :
au niveau du mouvement Fateh : il faut d’abord préciser que le
mouvement dont il s’agit est le mouvement Fateh en Cisjordanie.
Cela a été entériné lors du 6ème congrès du mouvement
(Bethlehem). Le mouvement souffre d’un état de décrépitude et de
dislocation. Théoriquement, le mouvement Fateh en Cisjordanie
adopte le slogan du droit du peuple palestinien à exercer toutes
les formes de lutte, y compris la lutte armée, mais sur le plan
pratique, il n’encourage que la lutte pacifique (manifestations
et protestations). Même dans ce cadre, son rôle n’est ni actif
ni dirigeant. Mais il est possible de dire que le mouvement
Fateh, en Cisjordanie, n’est pas un mouvement de la résistance
armée à l’occupation, et sa structure actuelle ne peut
contribuer à une résistance de ce type.
Quatrièmement :
au niveau des organisations armées : les organisations armées
présentes en Cisjordanie vivent une étrange situation,
puisqu’elles sont une extension des organisations présentes à
l’extérieur, à Damas précisément, filiales ou dissidentes.
Celles qui sont à Damas critiquent l’Autorité et affirment
l’option de la résistance, alors que celles qui sont présentes
en Cisjordanie ne dépassent pas le cadre général imposé par
l’Autorité, ou jouent parfois le rôle consistant à lui assurer
une couverture politique, relative notamment à la question des
négociations.
A l’origine de cette situation se trouve le
financement, car le financement des organisations provient de
Mahmoud Abbas, en tant que président du comité exécutif de l’OLP
qui est chargé depuis 1979 (sommet arabe après Camp David) de
financer les organisations de la résistance, à partir de sommes
que se sont engagés à payer les Etats arabes, pendant dix ans
(50 millions de dollars annuellement). Lorsque l’engagement
arabe a pris fin, la présidence de l’OLP (Arafat) a poursuivi le
financement. C’est à cause de ce financement que les filiales
présentes en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza sont
contrainte de s’aligner sur la ligne politique de Abbas,
craignant sa suppression, alors que les filiales se trouvant à
l’extérieur penchent parfois vers d’autres positions.
Ce financement a débuté arabe, mais dépend
aujourd’hui dans une grande mesure des Etats donateurs. Même le
président Abbas ne possède pas un financement spécifique pour
l’OLP ou le mouvement Fateh. Lorsqu’il a besoin d’argent, il le
demande à Salam Fayyad et au ministère des finances. A son tour,
Abbas en donne une partie aux organisations qui l’entourent pour
gérer leurs affaires (salaires des permanents, bureaux et
déplacements). Il est difficile pour les organisations
palestiniennes, avec ces données, de quitter l’administration
politique du président Abbas et du gouvernement de Fayyad,
d’autant plus que la répression sécuritaire les attend.
Cinquièmement :
l’Organisation de libération de la Palestine : l’OLP n’est plus
une institution présente sur le terrain. Historiquement, elle
fut la direction politique du peuple palestinien, mais à
présent, elle est une institution sans véritable contenu. Ses
institutions officielles (conseil national) ne s’est pas réuni
depuis environ vingt ans, et il ne reste que le comité exécutif
qui a perdu son quota légal, dont les nouveaux membres ont été
choisis en août 2009, en violation de son règlement intérieur,
qui impose de choisir ses membres au cours d’une réunion
officielle du conseil national. C’est plutôt l’article d’urgence
qui a été adopté pour convoquer à une réunion et désigner parmi
les présents. Depuis l’accord d’Oslo jusqu’à présent, cette
institution n’a eu que des rôles marginaux ; elle se réunit
chaque fois que le président de l’Autorité souhaite prendre une
nouvelle décision, afin de l’approuver (à l’exception de la
récente position de quelques organisations lors de la discussion
sur les négociations directes). Malgré cette dernière position,
le comité s’est réuni et a pris la décision de participer aux
négociations, avec l’approbation de cinq membres sur neuf, qui
ont assisté à la réunion. Le nombre total de ses membres est
cependant 18, ce qui montre encore une fois la faible
représentativité de l’OLP et sa place pour l’Autorité et sa
présidence.
De plus, les autres institutions de l’OLP ont été
démantelées et certaines ont été rattachées (le fonds national)
à l’Autorité palestinienne et au ministère des finances. Quant
au département politique, il assume le rôle d’ambassadeurs de
l’Autorité et non de l’OLP, indépendante de l’Autorité. Par
conséquent, l’OLP n’est plus l’institution apte à prendre des
décisions politiques palestiniennes, et ne peut jouer un rôle
pour concevoir une nouvelle politique de résistance à
l’occupation, même lorsque l’échec des négociations est reconnu
par les parties négociatrices.
Sixièmement :
les appareils sécuritaires de l’Autorité
Les Etats-Unis qui avaient adopté la Feuille de
route, au temps du président Bush, ont pris l’initiative de
nommer un gouverneur (le général Keith Dayton) pour définir les
horizons d’une relation stratégique israélo-palestinienne. Ce
général a entrepris, avec l’accord des deux parties, de mettre
un plan de formation d’un nouvel appareil sécuritaire
palestinien, où les jeunes entre 18 et 25 furent choisis parmi
ceux qui ne vivent pas dans les milieux de la résistance armée à
l’occupation. Il s’est engagé à les former selon un nouvel
horizon politique, où ils constituent un appareil sécuritaire
malléable, pouvant mettre fin à l’action de la résistance
palestinienne sous le prétexte de protéger la sécurité et
l’autorité unique. Pour arriver à cette nouvelle personnalité de
l’homme sécuritaire, il fut donné à ces jeunes un solgan
patriotique satisfaisant leur conscience et consistant à dire :
l’intifada palestinienne a semé le désordre et l’insécurité,
empêchant ainsi l’établissement d’un Etat palestinien, votre
rôle donc est d’imposer l’ordre et la sécurité et de supprimer
« les fauteurs de troubles », pour instaurer l’Etat palestinien.
C’est ce qui explique la sauvagerie de cet appareil sécuritaire
dans les poursuites, les arrestations, les interrogatoires et la
torture.
Cette politique fut accompagnée d’un vaste
programme pour se débarrasser de la génération de la réssitance
ou de toute personne ayant vécu la période de la résistance, par
le biais des organisations ou sur le terrain, par les moyens
suivants : proclamer l’abandon de la résistance et obtenir une
promesse de non –poursuite par la sécurité israélienne, et la
retraite dans les ministères, les départements et les anciens
appareils sécuritaires pour tous ceux qui ont atteint l’âge de
60 ans, sans nommer d’autres à leur place, sauf s’il s’agit
d’institutions prévues dans le plan de reconstruction, selon la
nouvelle vision. L’application du système de retraite, dans les
appareils sécuritaires, selon une règle plus vaste et plus
globable, à partir de 45 ans, par la séduction de plusieurs
personnalités par un échelon plus élevé et un salaire plus
important si elle acceptait de prendre sa retraite plus tôt.
L’éloignement de la génération de la résistance
aux confins de la vie militante et politique, et même salariale,
et la formation de nouveaux appareils sécuritaires et
administratifs, d’après les conceptions du général Dayton, ont
imposé, dans les faits, une nouvelle réalité palestinienne
encadrant l’action de la présidence, de l’Autorité et des
ministères, puis ont instauré une politique répressive organisée
et permanente contre toute opposition à cette nouvelle
politique.
A partir de là, une coopération sécuritaire entre
l’Autorité palestinienne et les appareils sécuritaires
israéliens a été instaurée, avec un échange d’informations et
une participation commune à la répression, et où toute
information sur l’activité contre l’occupation est transmise.
L’Autorité informe Israël pour que ce dernier procède aux
arrestations et Israël informe l’Autorité pour que celle-ci
agisse de même.
Parmi les premières victimes de l’appareil
sécuritaire formé par Dayton figure l’organisation de la
résistance dans le mouvement Fateh qui a été entièrement
liquidée, puis a eu lieu la tentative de mettre la main sur la
bande de Gaza, qui a échoué, et ensuite furent ciblées les
autres organisations de la résistance agissant en Cisjordanie.
Septièmement :
au niveau du mouvement Hamas
Contrairement à l’ensemble des organisations de
lutte et notamment celles qui se trouvent dans l’OLP, le
mouvement Hamas possède ses propres ressources financières qui
lui permettent de jouir d’une décision politique et militaire
plus indépendante des engagements et des politiques de
l’Autorité palestinienne. C’est pourquoi, malgré l’arrestation
par le gouvernement de Fayyad de milliers de cadres du Hamas et
l’assassinat de plusieurs résistants des Brigades d’al-Qassam,
et malgré les milliers de raids et de destructions et le
démantèlement de l’infrastructure de l’aile militaire du Hamas
en Cisjordanie, plusieurs dirigeants et porte-paroles du
mouvement continuent à affirmer leur refus des politiques de
l’Autorité et à dénoncer les pratiques des appareils
sécuritaires qui en dépendent, et promettent des actes de
revanche contre l’armée de l’occupation.
Les Brigades d’al-Qassam n’ont exécuté que
quelques opérations militaires au cours des cinq dernières
années (depuis l’arrêt de l’intifada al-Aqsa), ce qui prouve la
difficulté de mener des actions de résistance dans les
conditions actuelles. Il est difficile de prévoir la capacité de
l’Autorité à poursuivre l’interdiction de la résistance armée,
surtout après l’arrêt des négociations, l’impasse à laquelle est
arrivé le règlement et la montée de la colère populaire envers
les excès des appareils sécuritaires de l’Autorité, les
violations de l’ennemi des lieux saints, de la terre et des
propriétés, la chute du slogan affirmant que la protection de la
sécurité de l’occupation serait un prélude à l’instauration de
l’Etat palestinien. Ce qui concerne le Hamas, les poursuites,
les difficultés et l’encerclement sécuritaire s’applique
également au mouvement du Jihad islamique.
Résumé
Une résistance à l’occupation à partir de
l’intérieur des appareils sécuritaires, ou de l’intérieur des
centres du pouvoir présent en Cisjordanie n’est pas
envisageable.
Nous faisons face, à présent, à une situation
quelque peu étrange, qui n’a jamais eu lieu dans l’histoire des
révolutions, où la direction actuelle, issue de la révolution
palestinienne, a fini par adopter des politiques sécuritaires
interdisant la résistance, sous prétexte de respecter un projet
de règlement pacifique, et s’appuie, dans une large mesure,
financièrement et politiquement, sur le soutien des Etats-Unis
et des Etats donateurs qui ont publiquement agi pour la
détruire, changer sa structure et modifier ses objectifs, car il
n’est pas possible que les Etats donateurs acceptent de financer
des institutions et des organisations qui agissent contre
l’occupation israélienne.
L’un des défis qu’affrontent la situation
palestinienne en Cisjordanie est qu’elle est infiltrée par un
ensemble de pouvoirs, présents dans le gouvernement de Ramallah,
dans le comité exécutif de l’OLP, dans le mouvement Fateh et
dans les appareils sécuritaires, qui sont prêts à écarter Abbas
ou d’autres si jamais ces derniers envisagent d’adopter la
position du président Arafat lorsque le processus de
négociations a été stoppé et qu’il a recouru à l’intifada armée.
Ces forces influentes vont essayer de poursuivre les
négociations, et même finalement accepter ce que proposerait
Israël.
Les scénarios possibles :
1 – Abou Mazen refuse les propositions
israéliennes et américaines et exprime son refus en s’isolant
chez lui, comme il l’a souvent répèté. Il faut alors rechercher
la personne qui peut le remplacer.
2 – Abou Mazen accepte les pressions et signe la
proposition américano-israélienne, qui serait un accord-cadre
pour être exécuté sur dix ans.
3 – Mahmoud Abbas annule l’Autorité, ce qui
nécessite de revoir plusieurs échéances et de prendre les
positions adéquates, comme les accords d’Oslo, les messages de
reconnaissance et la modification de la charte.
4 – La possibilité d’émergence d’une nouvelle
position arabe, qui décide d’abandonner (la stratégie de la
paix) pour entamer une période de pression politique et
économique sur les Etats-Unis et l’Occident en général, dans
l’espoir d’obtenir une nouvelle position de leur part envers
l’occupation israélienne, tout en remarquant que si une telle
voie est adoptée, même sur le long terme, elle peut entraîner
une nouvelle confrontation militaire arabo-israélienne.
5 – L’intensification des efforts pour ordonner
l’intérieur palestinien et trouver une direction politique
(référence) du peuple palestinien. Pendant de longues années,
l’OLP fut, avec sa charte et sa stratégie, la direction, mais
celle-ci a périclité parce qu’elle a été marginalisée et
démantelée, ce qui a entraîné l’émergence de la demande de
reconstruction de l’OLP. Cette demande peut être réalisée par
deux moyens : l’entente de tous sur la reconstruction, mais si
cela semble difficile, la reconstruction de l’OLP par l’entente
entre quelques parties seulement.
6 – Possibilité de la reprise de la résistance
palestinienne à l’intérieur de la Cisjordanie, à cause de l’état
de frustration et d’impasse du projet de règlement. Nous
assistons, dès à présent, à certains de ses balbutiements,
malgré la gravité du plan opposé dont nous avons vu les
éléments.
Propositions
1 – Reconsidérer (sur le plan national) le choix
de la résistance et la cessation par l’Autorité de décrire les
résistants par « terrorisme » et la résistance par « violence ».
2 – La cessation par le gouvernement de Ramallah
des mesures d’interdiction des branches de la résistance et la
cessation de leur poursuite et des mesures prises pour briser
l’infrastructure de la résistance, l’abandon du programme de
coordination sécuritaire qui nuit, à la fois, à la résistance et
à l’unité nationale.
3 – Les organisations de l’OLP ne doivent pas se
plier aux conditions politiques et sécuritaires de l’Autorité en
contrepartie du soutien financier, et doivent tenter d’ordonner
la situation interne palestinienne. Elles peuvent adopter les
pas suivants :
A – déclarer leur retrait du comité exécutif de
l’OLP ou à la rigueur, geler leur participation, ce qui menace
la légitimité de sa direction et de ses décisions.
B – Mener un processus de réforme de l’OLP et
l’activer sur les bases de la déclaration du Caire en 2005.
(Le centre al-Zaytuna remercie M. Bilal Hassan
dont le texte original a servi de trame pour ce rapport).
Partager
Les analyses et traductions de Rim al-Khatib
Dernières mises à
jour
|