Etudiants de l’ESJ, ne
vous vendez pas au CRIF avant même
d’être journalistes !
Nous, militants de la solidarité
avec le peuple palestinien, vous
adjurons de ne pas compromettre
votre honneur et votre futur métier
en participant à une opération
flagrante de propagande organisée
par le CRIF. C’est par un article du
site Rue89 que nous avons pris
connaissance du projet de voyage
organisé par la direction de l’école
en Israël, en collaboration avec le
CRIF.
Pour ceux qui l’ignoreraient, le
CRIF (« Conseil Représentatif des
Institutions Juives de France ») a
cessé depuis longtemps de
représenter les intérêts de la
population juive française, pour
devenir une simple courroie de
transmission, assumée d’ailleurs, de
la politique du gouvernement
d’extrême-droite dirigé par Benyamin
Netanyahou et Avigdor Lieberman.
Ceux qui en douteraient n’ont qu’à
consulter le site web de cette
agence
http://www.crif.org, et deux
minutes leur suffiront pour être
convaincus sur ce point.
Il n’est pas besoin non plus
d’être grand clerc pour observer que
si le CRIF finance la plus grosse
partie (« billet d’avion + une
partie du logement » selon Rue89) du
voyage de soixante d’entre vous
pendant 9 jours, c’est qu’il y
trouve son intérêt : vous emmener là
où il veut, rencontrer qui il veut,
pour y débiter sa propagande
habituelle, loin, le plus loin
possible, des millions de
Palestiniens enfermés et parqués
derrière les murailles de
l’occupation.
La direction de votre
établissement, qui n’avait pas jugé
bon de communiquer sur ce voyage
avant la parution de l’article de
Rue89, a publié mercredi soir un
texte sur le site de l’école.
Contrairement à vous qui pouvez
poser les bonnes questions à la
direction de l’école, nous n’avons
pas les moyens d’évaluer les
contradictions flagrantes entre le
programme tel que conçu par le CRIF
et celui affirmé par l’école sur son
site, qui prévoit effectivement une
série de déplacements dans les
territoires palestiniens occupés.
Mais une chose saute aux yeux
dans le communiqué de l’ESJ : c’est
que le rôle du CRIF dans l’aventure
y est carrément zappé. Alors, gêne,
incompétence ou ingratitude du
rédacteur ?
Nous penchons pour la première
hypothèse, car les déclarations du
directeur des études Pierre Savary à
Rue89 (que l’intéressé n’a pas
démenties) sont elles-mêmes
empreintes d’un parti-pris n’ayant
rien à envier au discours officiel
israélien.
Pour Pierre Savary, les colonies
juives de Cisjordanie, définies
comme telles par l’ONU et les
gouvernements du monde entier à
l’exception d’Israël, et dont le
caractère illégal est tout aussi
unanimement établi, ne sont pas
nécessairement des colonies. Selon
lui, on « doit se poser la question
» d’écrire que ce sont des «
implantations », autrement dit
reprendre à leur égard le terme soft
et indolore utilisé par la seule
propagande israélienne et ceux qui
la servent.
Idem pour ses déclarations sur la
ville palestinienne d’Hébron, où
quelques centaines de colons
fanatiques, protégés par des
milliers de soldats israéliens,
interdisent toute vie un tant soit
peu normale aux 200.000 habitants
palestiniens de la cité.
« Où mettre le curseur historique
quand on raconte l’histoire
d’Hébron. La question doit se poser
», écrit Pierre Savary, bien dans la
ligne de Netanyahou et consorts, qui
répètent matin et soir que même dans
le cadre d’un accord avec l’Autorité
Palestinienne, Israël conservera son
contrôle de la ville. Pour ceux qui
l’ignorent, Hébron est au milieu de
la déjà toute petite Cisjordanie, et
fait partie avec elle des
territoires occupés illégalement par
Israël depuis 1967.
Etudiants de l’ESJ, nous ne
doutons pas qu’un déplacement au
Proche-Orient, d’une dizaine de
jours qui plus est, soit a priori
attrayant. Mais nous pensons qu’en
l’effectuant dans de telles
conditions, vous prendriez un
mauvais chemin professionnel, en
plus de cautionner l’occupation
criminelle de tout un peuple.
Le groupe de Lille de CAPJPO-EuroPalestine
et Génération Palestine Lille
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Lettre ouverte a Pierre
Savary – Ecole Supérieure de
Journalisme de Lille
Cher collègue,
Par des collègues journalistes,
nous avons eu connaissance du voyage
d’étude en Israel qui s’organise,
sous le patronage – et le
financement – du CRIF. Sans faire de
fausses analogies, un tel projet
nous rappelle les invitations de
journalistes en Afrique du Sud
organisés et payes par le régime de
Pretoria, a l’époque de l’apartheid.
Que des étudiants en journalisme
se rendent sur le terrain, en
particulier dans des régions de
conflits, est tout a leur honneur,
mais qu’ils acceptent d’être pris en
charge par une organisation qui sert
d’agence de propagande pour la
politique du gouvernement d’extrême
droite israélien n’est pas seulement
surprenant, mais aussi désolant.
Le fait d’"equilibrer" ce voyage
par un détour à Ramallah ou par une
rencontre avec nos amis de Breaking
the Silence, ne change pas
grand-chose au caractère
propagandiste de cette initiative.
Pour exemple : dans la visite du
Golan, y aura-t-il une rencontre
avec des représentants de la
population syrienne qui y vit sous
occupation ? J’en doute.
Le Centre d’Information
Alternative dont je suis le
co-President organise souvent le
programme de journalistes, de
délégations et de missions
professionnelles en Israel ET dans
les territoires palestiniens
occupes. Le fait d’être une
organisation mixte,
palestino-israélienne, nous permet
d’avoir un regard précis et une
connaissance intime des deux
réalites qui caractérisent cette
région.
Nous comprenons qu’il n’a plus
moyen de faire marche arrière. Du
moins, pouvons essayer non pas
d’"équilibrer" – il ne saurait y
avoir d’équilibre entre occupants et
occupés, colonisateurs et colonisés
– mais au moins de permettre aux
étudiants-journalistes de sortir du
cadre propagandiste de cette
initiative.
Nous sommes a votre disposition
pour une réorganisation du
programme, de telle sorte qu’il
devienne une rencontre avec la
réalite, telle qu’elle est des deux
côtés du mur : entre autres un tour
de la colonisation et du mur autour
de Jérusalem, rencontre avec des
femmes et des femmes qui
représentent la societé civile
palestinienne, ainsi que des
militant/es d’organisations
anti-colonialistes israéliennes ;
rencontre avec des Syriens du Golan
occupé.
Cordialement,
Michel Warschawski
President/Centre d’Information
Alternative
Jerusalem/Beit-Sahour
CAPJPO-EuroPalestine