Lettre ouverte
Tournant...
ou
Le salut viendra-t-il d'Allemagne ?
Le Lieutenant-colonel à la retraite de
l’Armée de l’Air allemande, Jochen
Scholz
Lundi 21 avril 2014
Au soir de la
bataille de Valmy, Goethe, qui était
présent, a écrit : « De ce lieu et de
ce jour date une nouvelle époque de
l'histoire du monde ».
Un
lieutenant-colonel à la retraite de
l’Armée de l’Air allemande et plus de
300 intellectuels d’Outre-Rhin viennent
d’adresser une lettre ouverte au
président Poutine.
Dans le silence
himalayen des merdias atterrés.
Un internaute,
lecteur du Saker, la lui a traduite en
anglais. Nous ne pouvions faire moins
que vous la traduire à notre tour en
français.
Peut-être
prenons-nous nos désirs pour des
réalités, mais qui sait si on ne dira
pas un jour : « De ce lieu et de cette
lettre date une nouvelle époque de
l’histoire d’Europe » ?
Oberstleutnant Jochen Scholz a. D.
à Vladimir Poutine
Président de la
Fédération de Russie
Cher Monsieur le
Président,
Dans votre discours
devant la Douma, vous avez demandé au
peuple allemand de vous comprendre. Nous
sommes des citoyens allemands qui avons,
pour la plupart, vécu l’époque
d’après-guerre dans la moitié ouest de
l’Allemagne. En 1990, quand la guerre
froide a pris fin et que notre pays a
été réunifié, le monde a poussé un
soupir de soulagement, parce que le
danger toujours menaçant d’un conflit
nucléaire qui aurait affecté la terre
entière semblait écarté. Dans un tel
conflit, l’Allemagne aurait disparu.
L’Union Soviétique
a joué un rôle décisif dans la
libération de l’Europe du nazisme, au
prix d’un nombre incomparable de
victimes. Néanmoins, elle a été, en
1990, d’accord pour soutenir la
réunification de l’Allemagne, pour
dissoudre le Pacte de Varsovie et même
pour admettre l’entrée de l’Allemagne
réunifiée dans l’OTAN. L’Occident ne lui
en a su aucun gré.
L’ancien
ambassadeur des États-Unis à Moscou (de
1987 à 1991) Jack Matlock, a confirmé il
y a quelques jours dans le Washington
Post que le président Bush Sr avait
formellement promis de ne pas tirer
abusivement parti de la générosité du
président Gorbatchev.
L’expansion de
l’OTAN jusque dans les anciennes
républiques soviétiques, l’implantation
de bases militaires dans les pays qui
avaient jadis signé le Pacte de Varsovie
et la construction d’un « Bouclier Anti
Missiles » en Europe de l’Est,
coïncidant avec le désengagement
unilatéral des États-Unis du traité ABM
(pour Anti-Ballistic Missile,
signé à Moscou le 26 mai 1972 dans le
cadre des négociations pour la
limitation des armes stratégiques. NdT),
sont autant de ruptures d’engagements
criantes. Ces mesures, nous les prenons
pour ce qu’elles sont : une claire et
nette volonté de puissance hégémonique
de la part des gouvernements
occidentaux, dirigée contre la
consolidation économique de votre pays,
que vous poursuivez depuis votre
accession à la présidence en 2000.
En outre, Keir A.
Lieber et Daryl G. Press avaient déjà
reconnu sans ambages, dans un article de
2006 intitulé « L’essor de la primauté
nucléaire des États-Unis », que le
Bouclier (« de défense ») Anti-Missiles
n’avait d’autre but que de permettre une
première frappe destinée à
neutraliser la Russie.
Ce contexte est,
sous forme condensée, celui dans lequel
nous évaluons les événements qui se
déroulent en Ukraine depuis novembre
2013. Il est abondamment prouvé que les
États-Unis ont exploité les
revendications légitimes des Ukrainiens
à leurs propres fins. D’autres pays nous
ont, de manière répétitive, familiarisés
avec ce schéma : la Serbie, la Géorgie,
l’Ukraine en 2004, l’Égypte, la Syrie,
la Libye, le Venezuela…
L’ingérence de
l’Union Européenne et de l’OSCE s’est
déployée avec célérité dans les douze
heures qui ont suivi le rejet de
l’accord pris par les ministres des
Affaires Étrangères en vue d’un
règlement pacifique ; avec le concours
de forces fascistes.
Le site web de la
Fondation Ukraine Ouverte du
Premier ministre en exercice montre qui
est derrière le gouvernement de coup
d’état actuellement au pouvoir à Kiev.
Des questions de
lois nationales et internationales sont
diversement en cours d’interprétation à
propos de la sécession de la Crimée.
Nous voulons les évaluer ici non pas
légalement mais d’un point de vue
politique.
Compte tenu des
développements survenus en Europe depuis
1990, du déploiement de quelque 1.000
bases militaires U.S. dans le monde, du
contrôle exercé par les États-Unis sur
tous les détroits et des dangers que
font courir les auteurs du crime de
Maïdan à la flotte russe de la Mer
Noire, nous voyons, dans la sécession de
la Crimée, une mesure défensive assortie
d’un message : jusqu’ici et pas plus
loin !
La différence
cruciale entre cet événement et la
déclaration d’indépendance du Kosovo
réside dans le fait que cette dernière
n’a été rendue possible que par les
bombardements massifs illégaux de
l’OTAN, avec, malheureusement, la
participation de l’Allemagne, qui ont
créé les conditions de l’indépendance.
Cher Monsieur le
Président, il y a près de quatre ans que
vous en appelez à une communauté
économique de Lisbonne à Vladivostok.
Cette communauté pourrait être la base
économique d’une « maison européenne
commune ».
L’Ukraine pourrait
remplir la fonction de pont idéal pour
cette future coopération entre l’Union
Eurasienne dirigée par vous et l’Union
Européenne, dont l’aspect culturel ne
devrait surtout pas être absent. Nous
sommes persuadés que la tentative de
prise de contrôle par les États-Unis n’a
pas d’autre but que d’empêcher l’Ukraine
de jouer ce rôle.
Les forces qui ont
prévalu au sein de la Commission
Européenne soutiennent la politique des
États-Unis contre la Russie. Le discours
du secrétaire général exécutif du
Service européen pour l'action
extérieure, Pierre Vimont, le 14
mars dernier est si unique (EurActiv :
« L’Union Européenne écartée de la
rencontre USA-Russie sur l’Ukraine »).
Cher Monsieur le
Président, nous sommes sûrs que votre
discours historique de 2001 continuera à
constituer la base de vos actions à
l’égard de l’Union Européenne et de
l’Allemagne. Les derniers sondages
montrent que la majorité des Allemands
ne veut pas d’une confrontation avec la
Fédération de Russie et, au contraire,
comprend parfaitement l’action de la
Russie à l’égard de l’Ukraine.
Nous ne
sous-estimons pas les difficultés
auxquelles doit faire face la République
Fédérale d’Allemagne, en tant que membre
de l’Union Européenne et de l’OTAN, dans
ses rapports avec la Russie. Vous ne les
ignorez pas non plus. Cependant, nous
comptons que le Gouvernement Fédéral ne
fera pas fi du vieux principe de droit
romain audiatur et altera pars
(« toujours écouter aussi l’autre
partie »). Ce principe a été ignoré par
la politique extérieure de l’Union
Européenne, dans l’affaire ukrainienne.
Même pendant la
guerre froide, la Russie ne s’est jamais
prévalue du fait que 27 millions de ses
citoyens étaient morts pendant la IIe
Guerre Mondiale, pour en tirer un
avantage politique contre l’Allemagne.
Ce chiffre seul donne une qualité
spéciale aux relations entre nos deux
pays.
Le peuple allemand
en a vivement conscience. Ainsi, quand
les troupes d’occupation soviétiques en
Allemagne se sont retirées, en 1994,
leur Corps de Musique a participé à une
cérémonie qui s’est déroulée sur la
place du Bundeskunsthalle, à Bonn. Elle
a donné lieu à des scènes d’émotion
communes entre les musiciens et les
spectateurs.
Sachant tout cela,
les informations et les commentaires des
médias allemands nous dégoûtent
profondément.
Cher Monsieur le
Président, avec nos modestes moyens de
simples citoyens, nous avons l’intention
de faire tout notre possible pour que la
division programmée de l’Europe n’ait
pas lieu, et pour qu’au contraire, les
idées de Gottfried Wilhelm Leibniz
retrouvent une vie et une vigueur
nouvelles.
Nous en sommes
convaincus : si seulement les états et
les peuples du double continent eurasien
pouvaient régler leurs affaires en paix
les uns avec les autres,
respectueusement, coopérativement, sur
la base du droit et sans ingérence
extérieure, leur entente ne pourrait que
se communiquer au reste de la planète.
Nous voyons en vous, de ce point de vue,
un allié. Pour votre mandat présent et,
nous l’espérons, pour le suivant, nous
vous souhaitons force, endurance et
sagesse.
Avec notre profond
respect,
Jochen Scholz
Oberstleutnant a.
D.
Volker Bräutigan,
journaliste
Neue Rheinischer
Zeitung
Et
co-signataires
Lettre originale,
liste des signataires et liste des
personnalités auxquelles copie de la
lettre a été envoyée :
http://www.nrhz.de/flyer/beitrag.php?id=20163&css=print
Traduction C.L. pour Les Grosses
Orchades
Le
dossier Russie
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