Syrie
Lettre ouverte à Laurent
Delahousse :
Votre émission sur « La Syrie de Bachar
El-Assad » !
Jean Claude Antakli
Mardi 16 janvier 2018
Votre émission sur « La Syrie de Bachar
El-Assad » !
Lettre ouverte
à Mr Laurent Delahousse journaliste à
France2
suite à l’émission sur la Syrie de
Bachar El-Assad
Monsieur,
Nous sommes rentrés
le 10 Novembre dernier, mon épouse et
moi, d’Alep ma ville natale. Alep, cette
magnifique Métropole du Nord,
aujourd’hui dévastée, que les sanctions,
les embargos, les pillages, les
incendies et les bombardements enfin,
n’ont pas réussi à asphyxier.
Alep vit, Alep
revit et revivra. C’est assez dire que
votre émission sur la Syrie de Bachar
El-Assad, pouvait nous intéresser !
De ces sept longues
années terribles, qu’aviez-vous appris
et retenu, vous journaliste ? D’autant
que dans tous ces conflits orientaux
dévastateurs nous avons été, nous la
France , « ses élites » veux-je dire, le
fer de lance de l’intrusion, au mépris
de toutes les bases de la légalité
internationale, bafouant la souveraineté
d’un peuple, son droit à choisir et
maintenir son régime politique hors de
toute ingérence étrangère.
Rappeler la Charte
de l’ONU eut clarifié votre émission. Ne
pas la rappeler me direz-vous, a étayé
vos foudres journalistiques.
Avouez !...de Syrie, des Syriens, il en
a été peu question !
Votre réquisitoire (on ne peut le nommer
autrement) visait uniquement la personne
du Président Bachar. A charge bien
entendu.
De cet ami
d’enfance qui ne lui voulait que du
bien, auquel vous apportiez dans votre
commentaire votre éclairage
psychopédagogique, on retiendra « la
main sur la bouche et le corps avachi »
de cet adolescent, futur maître de la
Syrie, et des analyses pertinentes de
Monsieur Christian Malard journaliste
patenté, transformé en Sherlock Holmes
des Services Secrets, la paranoïa qui
l’amène à débusquer les Moukhabarats,
parce qu’ils sont justement invisibles !
Elémentaire...
Sur l’historique
des événements de 2000 à 2017, je
retiens le tri sélectif qui justifie le
fil rouge de votre démonstration.
Que le Président Bachar ait été, vu sa
jeunesse, son inexpérience, adoubé par
le Président Chirac puis par le
Président Sarkozy, au même titre durant
cette décennie, que Mohamed VI, ou Saïd
Hariri, personne n’en doute. Mais vos
silences sont plus explicites que vos
preuves.
Quid de
l’assassinat de Rafic Hariri (feu
Premier Ministre Libanais) auquel vous
faites allusion, du TSL (Tribunal
Spécial des Nations Unies pour le Liban)
dont le mandat a été de poursuivre les
responsables et qui a désavoué le
rapport Mehlis qui impliquait des
Libanais et des Syriens. Pourquoi dans
un souci d’objectivité, ne pas souligner
cette ingérence internationale et qui
plus est reconnaître que la « Syrie de
Bachar » a été lavée de tout soupçon ?
Vous vous en gardez
bien.
Pourquoi encore laisser croire que la
réhabilitation du jeune Bachar sur « la
scène internationale » passait par sa
romance sur les quais de Seine et les
restaurants de la Capitale. C’est
inutilement méprisant Monsieur, d’autant
que vous êtes très discret sur la
pression, voire le forcing que Hamed ben
Jassem Al-Thani l’Emir du Qatar, a
exercé sur notre Président à nous...pour
convoquer à Paris, le 14 Juillet 2008,
celui qui pouvait tellement faciliter le
passage des gazoducs qataris, en vendant
son pays la Syrie, aux appétits des
ogres de la péninsule arabique !
Deux ans plus tard
les prémices des « Printemps arabes »
soufflaient sur la Tunisie, et vous
étiez sûrement dans les premiers à
saluer ces alizées. Mais quelle
discrétion dans votre émission, sur ceux
de Libye et d’Egypte. Les tornades et
leur désastre vous effraient-ils ?
En mars 2011 nous
étions à Damas lors de la 1ère
manifestation de soutien au Président
Bachar. France2 et toutes les autres
chaînes d’information ont pudiquement
détourné les yeux, des 2 jours et une
nuit de protestation populaire, contre
l’ingérence étrangère à Deraa. Un, voire
deux millions de gens dans la rue pour
soutenir leur gouvernement. Même chose à
Alep quelques semaines plus tard, oui
Monsieur, nous y étions, pas vous, ni
France2, ni « Le Monde », ni personne,
ou ceux qui y étaient ont été priés de
se taire comme notre Ambassadeur en
Syrie Éric Chevalier.
Honte sur l’information en France, ce
merveilleux pays de liberté.
C’est le Président
syrien selon vous, qui en ouvrant les
portes des prisons syriennes, a libéré
en hordes sauvages 80.000 aspirants
Djihadistes ? Des Tchéchènes, des
Pakistanais, des Afghans, des Ouïghours,
des Japonais, des Européens...et des
Français.
Mais que
faisaient-ils tous à Damas ? Dans les
prisons d’Etat.
En reprenant mot à mot les communiqués
et les comptes rendus du représentant de
l’ODSH, cet organisme fumeux financé par
les Frères musulmans qui a alimenté
toute l’information, celle de l’agence
Reuters comme celle de l’AFP et la vôtre
donc, depuis le début du conflit, vous
n’éclairez en rien le débat.
Affirmer que « Bachar
a tué 300.000 civils et qui plus est, a
gazé son peuple », n’est pas digne du
journaliste que vous êtes. C’est du
matraquage médiatique.
Relayer à longueur
de temps des mensonges, n’en fera jamais
des vérités, même si les vérités se
déplacent à la vitesse des escargots.
L’expérience des petites fioles de Colin
Powell Secrétaire d’Etat, agitées sous
le nez des diplomates de l’ONU le 5
Février 2003, devrait vous inciter à la
prudence. Prendre pour parole d’Evangile
aujourd’hui, l’indignation de Nikki
Haley l’Ambassadrice des E.U. à l’ONU,
devant des photos d’enfants morts dans
une attaque chimique à Khan Cheikhoun en
2017, me laisse rêveur et accablé.
On nous a déjà fait
le coup de « la Ghouta » et de « Khan
El-Assal » en 2013, mais comme je vous
le disais, la vérité avance lentement
mais sûrement.
Depuis 4 ans, votre œil aigu de
journaliste a dû parcourir les rapports
sans ambiguïté du MIT (Massachusetts
Institute of Technology) qui
confirmaient ceux de Mme Carla Del Ponte
procureur du Tribunal pénal
international, que nous ne pouvons ni
l’un ni l’autre accuser d’intelligence
avec « Le Régime », comme vous appelez
sans nuance, le gouvernement et l’armée
nationale syrienne.
Ces deux références
internationales en rejoignent une
troisième : « the Defence Science and
Technology laboratory », l’un des
établissements gouvernementaux les plus
sensibles et secrets du Royaume-Uni pour
la recherche militaire, situé à Porton
Down.
Tous les trois, ont curieusement été
amenés aux mêmes conclusions : le
gouvernement syrien est dégagé de toute
responsabilité, dans les attaques au
gaz.
Mais la vérité n’est pas encore arrivée
dans les sphères parisiennes que vous
fréquentez et je vous invite
impartialement à la vérifier et à la
rétablir.
Pour ce qui est de
Khan Cheikhoun, les gesticulations de
Monsieur le Président Trump n’y
changeront rien.
Vous avez sûrement entendu parler de
Mr KT. Mc. Farland, vice- conseiller
à la Sécurité nationale à Washington,
champion paraît-il de la théorie de « l’homme
fou et imprévisible » en politique ?
J’avais tenté de la développer dans mes
derniers livres (Syrie, une guerre sans
nom ! et Syriapocalypse). J’observe
qu’il a pu la mettre en pratique dès le
début du mandat de Mr Trump : 59
missiles Tomawaks lancés de la
Méditerranée sur l’aéroport syrien de
Shayran, 39 disparus en vol... Et
l’aéroport est intact !
La fameuse et
fumeuse théorie de l’homme fou en
politique, n’a pas atteint par contre,
Damas...ni le « Régime ». Pensez-vous un
instant que le Président Bachar qui
était en phase de gagner militairement
et diplomatiquement la guerre aussi bien
en 2013, qu’en 2017, eut commis cette
imprudence ?
Non, Mr Delahousse,
ce n’est pas sérieux ! Vous feignez d’y
croire.
Votre raisonnement est léger, et le
choix des intervenants que vous avez
invités pour le soutenir, soulève le
doute. Pas une voix discordante, sur ce
monstre perfide que vous vous plaisez à
décrire. Il eut été pourtant intéressant
d’inviter quelques responsables ou
géopoliticiens crédibles que vous
connaissez, j’en suis sûr.
Mr Roland Dumas
ancien Ministre des Affaires Etrangères
par exemple, qui vous aurait révélé
comment il fut appelé à une consultation
dès 2009 à Londres, pour donner son avis
sur un projet de plan de déstabilisation
de l’Etat Syrien ?
L’interview de
Mr Fabius eut été plus percutante si
vous lui aviez rappelé qu’entre Mai 2012
et Février 2016, alors Ministre des
Affaires Etrangères, il est suspecté
d’avoir donné l’aval des autorités
françaises au groupe Lafarge, pour
financer l’EI, en achetant leur pétrole
et en monnayant des laisser-passer pour
des camions et des salariés. Tout cela
dans la Syrie de Bachar El Assad.
Un témoignage
accablant du Directeur Général-adjoint
de Lafarge, laisse penser que nous
financions Daech que nous prétendions
combattre, en vue de participer à la
reconstruction de la Syrie que nous
écrasions. Machiavélique.
Quel dommage aussi
que vous n’ayez pas demandé à Mr Le
Drian, pourquoi à Raqqa, sans aucun
mandat de l’ONU, la Coalition dirigée
par les U.S.A. a facilité l’exode des
terroristes de Daech, avec armes et
bagages ? Après 4 mois de combats
acharnés, un accord secret des USA et
des Britanniques acceptait la mise à
l’abri des combattants de la Capitale
autoproclamée du Califat, par mise à
disposition d’autobus et de camions qui
à la file indienne, en convois,
évacuaient la zone dévastée. Pour aller
où ? Il eut été intéressant de nous
l’apprendre.
Ce plan à l’insu de
notre diplomatie peut-être, a fait
l’objet d’une étude détaillée dans un
article de la BBC, « Raqqa Dirty
Secret » en Novembre 2017. Vous
appréciez le qualificatif.
La Syrie de Bachar
s’en inquiétait alors, peut-être même la
France de Macron, le soir de votre
émission. Une sale histoire sans aucun
doute.
Nous étions à Alep à ce moment-là
et...il se disait que le cadre de
l’opération « Détermination absolue » de
James Mattis le Secrétaire US à la
Défense qui visait à soi-disant
exterminer sur place ces combattants,
avait volé en éclats. Pourquoi ? Tout
simplement parce que Daech est une
excroissance des Services Secrets
Américains et que leur objectif tacite a
été rempli, à savoir tuer le plus
possible de Syriens et Irakiens et
détruire toute l’infrastructure de ces
deux pays.
La mission est
accomplie vous en conviendrez : et la
gratification suit...
Il se disait aussi qu’à l’inverse des « Casques
blancs » que toute la Presse
officielle française aux ordres, a porté
imprudemment aux nues, pour découvrir
ensuite leur turpitude et les précipiter
dans l’oubli, un jour, un jour prochain,
Monsieur, celui que vous avez
méthodiquement vilipendé et trainé dans
l’opprobre, redeviendrait fréquentable.
La perversion des faits et la
manipulation de l’opinion ne résistent
pas aux Puissances de l’argent. Vous le
savez aussi bien que moi.
Je vous ai vu
enfin, suspendu aux lèvres de notre
Ministre des Affaires étrangères, dont
les éléments de langage un peu éculés
semblaient vous satisfaire. Il est
toujours difficile d’admettre pour lui,
que d’autres ont réussi ce qu’il
s’obstinait à décrire comme impensable
donc impossible. D’où l’ironie de Mr Le
Drian, je suppose, sur les vainqueurs.
Mais à qui veut-il faire croire que la
Coalition internationale a gagné la
guerre ?
Vous ne connaissez
pas Monsieur, la Syrie, j’en jurerais.
Ni même la Syrie dont les historiens
disent que « tout homme civilisé
devrait l’avoir, avec la sienne, pour
patrie ». Dans le regard
bouleversant de mes compatriotes
épuisés, je n’ai vu ni rancune, ni
haine. Comme le Président Macron le
disait hier soir à l’Elysée devant
vous... cette haine, ils nous la
laissent.
Au-delà de nos
ressentis et de vos analyses, ce peuple
syrien dont vous avez si peu parlé est
magnifique, son armée héroïque, et son
Président fidèle aux alliances qui ne
lui ont pas fait défaut.
Il y a en eux une
foi inébranlable ; après tant et tant
d’invasions, il leur reste une nouvelle
fois à gagner La Paix, comme le dit si
bien S.E. Michel Raimbaud, ancien
Ambassadeur de France dont je vous
recommande les livres. Et si « on leur
fiche la paix », ils La feront eux, je
n’en doute pas un instant.
Vous avez annoncé
avec d’autres qui ont hanté vos
plateaux, et notamment les « Amis
autoproclamés de la Syrie » réfugiés
prudemment à Saint Germain des Près, des
mantras, mois après mois, semestre après
semestre, année après année. Peut-être
même avez-vous fini par y croire. Avec
la conviction que donne l’ignorance.
Votre dernière
estocade politiquement si correcte, à
une heure de grande écoute, n’était
guère risquée. Le « false flag » se
voulait efficace.
Mais la partie est finie, Monsieur
Delahousse, et comme le disait Corneille
que nous avons quelque peu fréquenté,
vous et moi : « A vaincre sans péril, on
triomphe sans gloire » !
Merci de m’avoir
suivi, Monsieur, peut-être jusqu’au
bout.
PS : l’histoire de
la guerre est celle du mensonge et des
vilénies. J’ai écouté le cœur brisé « le
cri étouffé » qui suivait votre
émission. J’ai entendu cela à Alep où on
dénonce haut et fort, les exactions
d’une soldatesque dépravée. Rien ni
personne ne doit les excuser.
Jean Claude
Antakli. Ecrivain-biologiste.
Ex-Correspondant de l’Est-Républicain.
06160 Cap d’Antibes.
Une copie adressée
à Mme Delphine Ernotte Présidente de
France Télévision.
Mise en ligne CV :
13 janvier 2018
Le
dossier Syrie
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