Lettre
ouverte à Madame l'Ambassadeur de l'UE
au Liban :
Angelina Eichhorst
« En matière de
terrorisme vous êtes les professeurs
et nous, vos élèves ! »
Hassan Hamadé
Angelina
Eichhorst
Samedi 3 août 2013
Votre Excellence Madame l’Ambassadeur,
Madame, vous savez que l’une des tâches
les plus difficiles pour un diplomate
civilisé et respectable ayant réellement
foi en la paix, tel que vous, est de se
trouver contraint dans l’exercice de ses
fonctions à défendre une décision inique
et agressive prise par sa hiérarchie
représentant un État ou une Organisation
d’États, comme c’est le cas de l’Union
européenne qui a décidé d’inscrire sur
sa liste des organisations terroristes
internationales ce qu’elle a qualifié
d’« aile militaire » du Hezbollah !
Ceci, soit dit en passant, alors que le
ministre bulgare des Affaires étrangères
M. Christian Viginin a officiellement
déclaré qu'il n’y avait aucune preuve
d'une relation quelconque entre le
Hezbollah et l’explosion du bus
transportant des passagers à Burgas en
Bulgarie, ce qui signifie que c’est en
toute connaissance de cause que l'Union
européenne a pris sa décision en
contradiction avec l’enquête menée par
ce pays ; et ceci, maintenant que le
voile se lève sur l’attentat du 18
juillet 1994 contre un immeuble d’une
institution juive à Buenos Aires,
attentat immédiatement attribué au
Hezbollah alors que les investigations
suivent toujours leur cours et que les
doigts accusateurs pointent M. Vladimir
Corach, ancien ministre argentin de
l’Intérieur connu pour ses étroites
relations avec la mafia et les Services
de sécurité israéliens.
Concernant cette dernière décision de
l’Union européenne, il est de mon devoir
de noter quelques observations que je
vous confie en espérant que vous voudrez
bien les transmettre à votre hiérarchie
pour la bonne raison que la définition
du terrorisme, adoptée par l'Union
elle-même, s'applique en premier lieu
aux gouvernements et aux décideurs qui
en font partie.
Madame, nul doute que vous savez que
l'Union européenne considère la prise en
otage de civils innocents comme un
« crime terroriste » ne souffrant
d’aucune prescription, crime équivalant
à un crime de guerre et à un crime
contre l’humanité que rien ne pourrait
justifier. Par conséquent, le moins que
l’on puisse dire est que l’Union
européenne adopte une position
officielle déraisonnable, inhumaine, et
conciliante avec les auteurs de ces
crimes quand il s’agit des otages
libanais enlevés à A’zaz, ou de
Monseigneur Paul al-Yazigi et de
Monseigneur Jean Ibrahim, tous deux
victimes syriennes incontestablement
pacifiques et innocentes.
Nul doute que vous savez ce qui est
désormais de notoriété publique
concernant l’impact direct et décisif du
gouvernement de M. Erdogan sur les
organisations terroristes armées ;
gouvernement d’un État membre de l’OTAN
regroupant nombre de gouvernements de
votre Union européenne, alliés et
complices dans la guerre dévastatrice
menée contre la Syrie.
Vous savez aussi que rien de tout cela
n’a empêché votre Union de poursuivre sa
collaboration sur le terrain avec le
gouvernement turc en soutenant, armant
et entrainant les terroristes qui
comptent pas moins de quarante mille
mercenaires étrangers à la Syrie, comme
l’a reconnu l’Émissaire international M.
Lakhdar Brahimi. C’est là une vérité qui
place votre Union dans le cercle des
accusés au premier degré et engage votre
responsabilité éthique et juridique,
avec tout ce que cela implique comme
poursuites judiciaires contre les
responsables aux commandes.
Il est absolument inadmissible de vous
voir couvrir ces crimes odieux, d’autant
plus que votre Union ne cesse de donner
des leçons à autrui insistant sur la
nécessité de combattre le terrorisme où
qu’il sévisse sans aucune concession et
sous aucun prétexte. Et si jamais il
vous fallait encore des preuves, il est
plus que probable que les vidéos
innombrables mises sur You Tube par les
terroristes criminels et nécrophages,
eux-mêmes, n’ont pu échapper à votre
vigilance !
Madame, pardonnez-moi de préciser que je
ne vous imagine pas ignorante du fait
que le détournement d’un avion civil
équivaut, à juste titre et selon vos
propres critères, à un crime classé dans
le registre du terrorisme international
et comparable aux enlèvements de
personnes et à leur détention ou à leur
assassinat avec ou sans documents
photographiques à l’appui, etc...
N’est-ce pas ce qui s’est passé il y a
quelques semaines lorsque certains
gouvernements de votre Union ont fermé
leur espace aérien à l'avion du
président bolivien Evo Morales en
provenance de Moscou ? N’a-t-il pas été
obligé à un atterrissage forcé en
Autriche ? N’a-t-il pas été bloqué
pendant des heures sous prétexte que
l’Américain Edward Snowdon qui a révélé
au monde que le gouvernement US « vous »
espionnait, pouvait se trouver à son
bord ? L’information n’est-elle pas
partie de l’Ambassade américaine à
Moscou ? Quel paradoxe !
Cet incident, qui
est donc pure agression contre un avion
civil transportant le président d'un
État indépendant et souverain, nous
rappelle la première opération de ce
genre qui a eu lieu le 22 Octobre 1956
lorsque des responsables français ont
jugé bon de détourner un avion civil
transportant des dirigeants du FLN de
Rabat vers Tunis [Ahmed Ben Bella,
Hocine Aït Ahmed, Mohammed
Khider,
Mohammed Boudiaf, Mostefa Lacheraf]...
Le détournement des avions, Madame, est
malheureusement une invention européenne
tout comme, par exemple, le nazisme même
s’il n’est pas d’inspiration
exclusivement européenne... Nous en
resterons donc là et nous nous
contenterons de vous rappeler que les
gouvernements européens classent les
détournements d’avions dans le registre
du terrorisme international !
Madame, la crise tragique qui a frappé
la Syrie a fait tomber plus d’un masque
et a révélé l’étendue de vos mensonges ;
le premier de ces mensonges étant votre
décision de mettre Al-Qaïda et ses
dérivées au sommet des organisations
terroristes internationales, parce que
la plus dangereuse. Et voilà que la
scène syrienne nous révèle les
mécanismes de coordination, sur le
terrain, entre votre organisation
européenne et celle d’Al-Qaïda ;
coordination déjà flagrante et
publiquement rodée en Libye avant de se
traduire avec éclat sur le territoire
syrien comme en témoignent les
nombreuses déclarations de responsables
européens.
Je me limiterai à deux de ces éminents
responsables : le ministre français des
Affaires étrangères, M. Laurent Fabius,
qui a clairement dit l’année dernière à
Marrakech lors d’une Conférence des
prétendus amis de la Syrie que les
terroristes de Jabhat al-Nosra faisaient
du « bon boulot » avant que les USA ne
les placardent sur la liste des
terroristes ; et le prolixe ministre
britannique des Affaires étrangères,
encore plus brutal et sadique, qui a
carrément déclaré que les membres d’
Al-Qaïda et dérivées ne devaient pas
rentrer de Syrie car ils étaient une
menace pour vos pays civilisés !
Je me limiterai donc, et ne m’étendrai
pas sur le flot continu d’armes et de
munitions introduites en Syrie à travers
des « portes européennes » que nous
connaissons et que vous connaissez fort
bien vous-même.
En revanche, je
vous dirai que l'Union européenne qui
n’a cessé de prétendre se soucier des
chrétiens du Moyen-Orient a constamment
et systématiquement persécuté le
christianisme et les fidèles adeptes de
cette religion céleste née de notre
terre et donc « fille de l’Orient ».
Disant cela, je n’exagère ni ne triche,
témoin en est Sa Sainteté le Pape Benoît
XVI. Philosophe et très grand
théologien, il a tenu à avertir de cette
persécution permanente dans son message
célébrant la « Journée mondiale de la
Paix » début 2011. Je vous le livre, mot
pour mot, tel qu’il est rédigé en fin du
paragraphe 14 :
« J’exprime aussi le souhait qu’en
Occident, spécialement en Europe,
cessent l’hostilité et les préjugés à
l’encontre des chrétiens qui veulent
donner à leur vie une orientation
cohérente avec les valeurs et les
principes exprimés dans l’Evangile. Que
l’Europe apprenne plutôt à se
réconcilier avec ses propres racines
chrétiennes : elles sont essentielles
pour comprendre le rôle qu’elle a eu,
qu’elle a et veut avoir dans
l’histoire ; elle saura ainsi faire
l’expérience de la justice, de la
concorde et de la paix, en cultivant un
dialogue sincère avec tous les peuples »
.
Madame, vous savez comme je sais que ces
vérités sont pratiquement ignorées de
vos peuples car ils vivent derrière un
nouveau rideau de fer, encore plus
opaque, plus rusé et plus insidieux que
le rideau de fer plus primitif qui se
dressait autour du Bloc de l’Est, et qui
est toujours debout autour des
dictatures arabes et non arabes. Votre
rideau à vous est invisible, mais le
plus effrayant est qu’il se manifeste
par la soumission de vos gouvernements à
une double occupation ; d’une part,
l'occupation militaire, sécuritaire et
économique américaine ; d’autre part,
l'occupation sécuritaire et culturelle
israélienne.
C’est la vérité, Madame, quoi que nous
fassions pour l’ignorer. Et la récente
décision de l'Union européenne ne fait
que confirmer la réalité de cette double
occupation de vos pays, occupation dont
nous souhaiterions que vous vous
libériez un de ces jours. Nous savons
que c’est difficile, car la plus tenace
des occupations est celle qui se saisit
des esprits au moyen d’un « terrorisme
culturel » incessant exercé par vos
différents médias presque totalement
sous la domination des sionistes.
Madame, nous vivons tous, vous comme
nous, une période de changement social
où la vraie confrontation est entre la
liberté et l'esclavage. Mais si la
liberté ne se fonde que sur une seule
norme et sur une seule mesure, les
critères de l’esclavage sont multiples.
Veuillez m’excuser si j’ai été trop
long, mais l'horreur du tsunami de
mensonges exige que nous mettions
quelques points sur les « i ». Soyez
assurée que je suis convaincu de votre
sincérité et de la noblesse de vos
objectifs contrairement à ce que je
pense de l’Union européenne que vous
représentez.
L’Europe, Madame, n’est pas dans une
situation juridique et éthique qui lui
permette de nous donner des leçons sur
l’humanité et l’humanisme.
Hassan Hamadé
01/08/2013
Texte original : As-Safir
http://assafir.com/Article.aspx?EditionId=2529&ChannelId=61034&ArticleId=12&Author=%D8%AD%D8%B3%D9%86+%D8%AD%D9%85%D8%A7%D8%AF%D8%A9#.UfrW3m3-R6N
Texte traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Monsieur
Hassan Hamadé est libanais.
Écrivain, journaliste et analyste
politique ; il est membre du Conseil
National de l’Audiovisuel [CNA-Liban].
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