Opinion
Lettre ouverte aux
parents des jeunes belges
qui se battent en Syrie
Bahar
Kimyongür
Mercredi 27 mars 2013 Chers parents, Vous êtes sans doute les premiers à
savoir que vos enfants sont partis
combattre en Syrie au nom d’une foi
déshumanisante, nihiliste,
monstrueuse, dont la mission
première est de détruire la vie,
l’avenir, la dignité et la liberté
d’autrui. La plupart des Syriens souffrent
hélas de voir vos enfants servir de
soldats pour le compte de potentats
haineux qui se moquent autant du
bonheur du peuple syrien que de
celui de vos enfants.
L’attentat terroriste de la semaine
dernière qui a tué plus de 50
fidèles de la mosquée Al Imane dont
le célèbre cheikh Mohammed Saïd
Ramazan Al Bouti montre une fois
encore que les criminels qui
manipulent vos enfants se moquent
même de la religion et du dieu
qu’ils prétendent servir.
Si je m’oppose avec force aux idées
fanatiques qui ont incité vos
enfants à partir combattre dans un
pays dont ils ne connaissent ni
l’histoire, ni le mode de vie, ni la
complexité, je ne suis pas pour
autant indifférent à votre désarroi.
Surtout depuis que j’ai vu les
larmes de M. Kevin Calluy couler
pour son fils Jejoen Bontinck devenu
instrument puis otage des
terroristes syriens.
En tant qu’activiste pour la paix
turco-syrien originaire d’Antioche,
la ville par où vos enfants sont
sans doute passés, je souhaiterais
vous aider à les retrouver, à la
fois pour votre bien et pour celui
du peuple syrien.
Mais vous aider, c’est d’abord vous
renseigner sur l’attitude crapuleuse
du gouvernement belge qui, depuis le
début de la tragédie syrienne,
contribue avec ses alliés français,
britanniques, étasuniens,
israéliens, turcs et wahhabites, à
encourager le terrorisme et la
confrontation en Syrie.
En créant une « Task Force Syrie »,
la ministre de l’intérieur veut
aujourd’hui vous faire croire
qu’elle se soucie du sort de vos
enfants et de la sécurité de la
Belgique.
Si Mme Milquet se préoccupe tant de
votre malheur et de notre bien-être,
il serait sans doute utile de lui
demander pourquoi son gouvernement
fournit des armes aux rebelles
syriens et à fortiori, à vos propres
enfants.
Vous savez sans doute que la
Belgique
exporte des armes vers l'Arabie
saoudite qui, à son tour, fournit
des armes belges aux terroristes
syriens.
Alors que notre pays a imposé un
embargo contre la jamahiriya
libyenne et le régime de Damas, il
n’a pas hésité à augmenter ses
ventes d’armes vers l’Arabie
saoudite, un Etat terroriste et
barbare qui compte pas moins de
30.000 prisonniers politiques dont
les moins fortunés finissent
décapités et dont les plus chanceux
peuvent sauver leur peau s’ils vont
mener le djihad en Syrie. (cf.
article de Silvia Cattori :
http://www.silviacattori.net/article4033.html
)
Avec l’appui politique, financier et
moral de notre gouvernement, le
régime de Riyad approvisionne ainsi
le front syrien tant en canons qu’en
chair à canon.
Si Mme Milquet pense tant à vos
enfants, pourquoi ne s’oppose-t-elle
pas à la stratégie terroriste mise
en place par l’Arabie saoudite
contre la Syrie ?
M. Thomas Baum, directeur de
l’Institut flamand pour la paix et
la prévention de la violence nous
offre une explication courte et
précise à ce sujet :
«
On peut s’interroger sur la
pertinence de livrer des armes à un
régime pareil vu la situation des
droits de l’homme. Mais il y a
l’argent du pétrole et le pays est
aussi un grand marché. L’Occident
voit ce pays comme un allié
important et un barrage face à
l’Iran. De ce point de vue, armer un
tel pays est intéressant
». (Annelien
De Greef, De Standaard, 26
mars 2013, p. 21)
Savez-vous que le Royaume des Saoud
avec lequel notre pays fricote a
pour chef du renseignement, un
terroriste de haut vol dénommé
Bandar Ben Sultan. Ce criminel est
cité dans une affaire de
détournement de fonds qui ont servi
à financer une série de groupes
terroristes dont les djihadistes
syriens basés au Liban.
Lorsque la justice britannique
voulut enquêter sur ce scandale des
rétro-commissions qui porte le nom «
Al Yamamah », le prince Bandar
menaça l’Angleterre par « another
7/7 », c’est-à-dire un autre
attentat comme celui de Londres le 7
juillet 2005 ! Suite à ces menaces
terroristes, Tony Blair fit
immédiatement cesser l’enquête
diligentée par la Serious Fraud
Office.
Ce scandale à dimension planétaire
n’a suscité aucun émoi parmi les
décideurs politiques de notre pays.
Comment Mme Milquet peut-elle dès
lors prétendre vouloir endiguer un
terrorisme qu’elle laisse prospérer
voire qu’elle dope dans les zones
les plus sensibles de notre planète
?
Demandez aussi à Mme Milquet comment
elle compte s’y prendre pour
empêcher nos jeunes d’aller semer le
chaos en Syrie alors que son allié
Erdogan a gracieusement offert une
autoroute de 822 km de large pour
tous les criminels qui désirent se
recycler dans le djihadisme
anti-syrien.
En effet, actuellement, quelques
aventuriers, une poignée
d’idéalistes mais aussi et surtout
des voyous, des violeurs, des
trafiquants de drogue, des repris de
justice de Turquie et d’ailleurs se
découvrent une âme de djihadistes et
se rendent massivement en Syrie pour
combattre l’armée gouvernementale
syrienne ainsi que les villes, les
quartiers et les villages
loyalistes.
Si Mme Milquet tient vraiment à
sauver vos enfants, ne devrait-elle
pas commencer par convaincre ses
partenaires turcs de sécuriser sa
frontière avec la Syrie ?
Naturellement, il ne suffit pas de
dresser des barbelés et des
miradors. Le gouvernement turc
devrait entre autres cesser
d’accueillir le terrorisme
international qui arrive des quatre
coins du monde par mer, terre et
air.
Si Mme Milquet veut être cohérente
et conséquente, ne devrait-elle pas
rappeler à ses homologues turcs, les
clauses de la convention
belgo-turque de coopération en
matière de police signées le 22
janvier dernier à Bruxelles et au
besoin, rendre celle-ci caduque ?
D’autant que, pour l’heure, la seule
« utilité » de cette convention
consiste à aider le régime d’Ankara
à mater ses opposants politiques et
syndicaux et à faciliter
l’extradition des exilés politiques
vers la Turquie.
Vu que le gouvernement AKP s’est
juré d’assassiner le président
syrien et de réduire la Syrie à
l’état de province ottomane,
l’espoir de voir le flot de
terroristes se tarir semble donc
bien maigre comme en témoigne
l’historien belge Pierre Piccinin
qui est récemment passé par
Antioche, la porte de la Syrie.
Dans les lignes suivantes, vous
découvrirez la liberté totale de
mouvement dont jouissent en Turquie,
les volontaires qui vont se battre
en Syrie: « À l’aéroport
international d’Istanbul déjà,
j’avais sans trop le savoir
rendez-vous avec la révolution.
En transit depuis Beyrouth en
direction d'Hatay (Antakia,
l’antique Antioche), à la frontière
syrienne, je me suis dirigé
vers le petit terminal des vols
intérieurs.
Une dizaine de jeunes gens, huit au
total, portant tous la barbe, la
moustache rasée, attendaient
l’embarquement. Visibles comme le
nez au milieu de la figure, ils
n’étaient ni étonnés, ni même
embarrassés ou fâchés que je les
dévisageasse ostensiblement, dans le
but de provoquer le contact. Au
contraire, même, ils étaient tout
souriant que je les abordasse ainsi
sans haine, ni révulsion.
Je leur ai donc demandé s’ils
allaient se battre en Syrie. C’était
bien le cas. J’ai voulu savoir d’où
ils venaient. Six d’entre eux
étaient d’Égypte. Les deux autres
étaient britanniques, Kazam et
Peter, d’origine pakistanaise ;
Peter se fait maintenant appeler
Abou Faysal. (…)
À notre arrivée à Hatay, une
camionnette immatriculée en Syrie
attend les djihadistes égyptiens, un
tas de ferraille conduit par Abou
Ahmed, de son nom de guerre, très
courant dans la révolution syrienne.
Les deux
djihadistes anglo-pakistanais sont
autorisés à embarquer avec eux ; ils
rejoindront Jabhet al-Nosra. Je peux
aussi monter dans le véhicule : Abou
Ahmed doit charger un de ses hommes,
qui l’attend à Hatay.
» (P. Piccinin, Quand les « Fous
de Dieu » s’emparent de la
révolution, dans Les dossiers
de Grotius International, 2
février 2013)
Il faudrait sans doute que Mme
Milquet lise cet extrait avant de
vous expliquer sa stratégie de "containment"
antiterroriste visant à empêcher nos
jeunes de se rendre en Syrie au
moment où l’Etat turc organise
littéralement l’import-export de
terroristes internationaux.
Certes, M. Milquet, Sharia4Belgium,
l’Arabie saoudite et l’Etat turc ne
sont pas les seuls responsables du
départ de vos enfants.
Outre la possession de 200 euros
nécessaires pour atterrir sur le
front syrien, le candidat terroriste
doit recevoir une injection
quotidienne de 2 mg de propagande
anti-gouvernementale.
Le rôle des médias dominants dans
l’incitation au terrorisme dont vos
enfants ont été victimes n’est donc
certainement pas à sous-estimer.
En effet, aucun mouvement terroriste
au monde n’a bénéficié d’un capital
sympathie aussi élevé que la
rébellion anti-syrienne.
Jamais nos médias n’ont versé dans
un « romantisme révolutionnaire »
aussi béat et aveugle.
Aucune guerre médiatique n’a été
menée avec une intensité aussi forte
que celle aujourd’hui orchestrée par
la chaîne qatarie Al Jazira, la
chaîne saoudienne Al Arabiya, la
chaîne turque Samanyolu TV et leurs
sœurs françaises, britanniques et
étasuniennes.
La complicité de la grande presse
dans l’enrôlement de vos enfants est
utile à savoir si par malheur, un
magistrat belge décidait de les
poursuivre en vertu de la loi
antiterroriste après leur retour en
Belgique.
En attendant, je souhaite de tout
cœur que vos enfants échappent à la
guerre et à la tentation terroriste
et qu’ils rentrent sains et saufs à
la maison.
Je reste à votre entière disposition
pour retrouver et si possible,
rapatrier vos enfants.
Recevez, chers parents, mes
salutations les plus respectueuses.
Bahar Kimyongür
Le
dossier Syrie
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