Chronique syrienne
Interview d'un
Syrien de France : 1ère partie
Laurent Brayard
Photo: EPA
Mardi 7 août 2012
La Voix de la Russie
vous offre de suivre une interview
en plusieurs parties d’un syrien
actuellement habitant en France mais
dont toute la famille réside en
Syrie notamment dans la ville
d’Alep.
Cet homme courageux
a déjà donné son avis sur un autre
média anglo-saxon mais après avoir
reçu des menaces de mort et
l’arrivée de harcèlements
téléphoniques il avait préféré se
retirer, fermer ses comptes sur les
réseaux sociaux et annuler son
abonnement internet. Après plusieurs
mois, les événements récents le
pousse à s’exprimer à nouveau, pour
La
Voix de la Russie, dans un
anonymat bien compréhensible :
Laurent Brayard, La Voix de la
Russie : Bonjour Monsieur et
merci de tout cœur d'avoir accepté
malgré les risques de répondre à nos
questions, vous êtes né en Syrie,
vous résidez en France et votre
famille, toute votre famille vie en
Syrie notamment dans la ville
d'Alep. Vous avez désiré avec
justesse rester anonyme mais nous
saluons votre courage de vous
exprimer, je crois savoir que vous
avez beaucoup de choses à nous dire.
Ma première question portera donc
justement sur Alep, vous téléphonez
tous les jours à votre famille, que
pouvez-vous nous dire sur la
situation à Alep en ce moment ?
Monsieur A : Dans ma petite
ville je les ai vu sortir en
manifestation de la mosquée à 100
mètres de chez mes parents. J’ai
compté entre 75 à 100 personnes avec
pour moitié des enfants. Les
commerçants de notre rue
confirmaient que la plupart des
manifestants n’étaient pas de notre
ville. Au milieu de cette manif,
j’ai vu un seul homme cagoulé
habillé en blanc de la tête aux
pieds, les slogans et les insultes
contre le président étaient du plus
bas niveau intellectuel mélangé avec
des slogans islamistes. L’armée a
essayé de Contrôler les entrées de
la ville avec des barrages équipés
des blindés à certains endroits.
Mais ces barrages ont essuyés des
attaques et des tirs nocturnes
chaque nuit, alors que la journée
était calme. Les enfants jouaient
avec les soldats et montaient sur
les chars dont mes deux petits
garçons c’était la situation en
juillet 2011 ou nous étions en
vacances. En novembre 2011, je suis
retourné pour superviser les soins
de mon père très malade. Nous
l’avons hospitalisé à Alep qui était
toujours calme vivant normalement.
Non loin de là ma petite ville était
contrôlée par des bandes
d’activistes souvent armés car à ce
moment-là l’armée s’est retirée des
villes à la demande de la ligue
arabe. Donc ces groupes armés
faisaient la loi, ils demandaient de
grosses sommes d’argent aux
commerçants comme à mon cousin qui
était contraint à payer à la
Révolution 15 000 euros soit 1
million de L.S. les commerçants qui
ont refusé de payer ont vu leurs
commerces dévastés par une bombe ou
par l’incendie. Ils ont kidnappé le
fils unique d’un riche commerçant et
demandé 2 millions L.S comme rançon.
Pendant cette période les voitures
passant dans notre département
immatriculé « ALEP » subissaient des
actes de violence et de vengeances.
Parce qu’Alep n’a pas participé à la
Révolution.
La
Voix de la Russie : A vous
écouter ou vous lire, une question
naturelle se pose, pensez-vous
vraiment qu'en Syrie « une guerre
civile » est à l’œuvre, ou ne
s'agirait-il pas en fait plus d'une
menace étrangère ?
Monsieur A : Concernant la
guerre civile, la vérité est que ce
n’était pas une guerre civile au
moins jusqu'à maintenant et j’espère
qu’elle n’arrivera pas pour les
raisons suivantes :
Premièrement les
ethnies et les religions cohabitent
ensembles ici depuis 1 500 ans et
l’islam en Syrie est un islam
tolérant. A noter les saoudiens ont
déversé abondamment de l’argent en
Syrie et au Liban pour convertir et
recruter des nouveaux adeptes de
l’islam wahhabite radical et
actuellement ces sont les
combattants islamistes d’origine
syrienne qui sont payés 2 000
dollars par mois pour continuer à se
battre pour arriver au but final de
ce complot c’est-à-dire la guerre
civile.
Secondement, la
culture socioreligieuse laïque est
prédominante et cela depuis
l’indépendance en 1946. Cela
explique l’intensité de l’opposition
du parti des frères musulman et leur
tentative de renverser le régime
laïc, comme en 1980 et actuellement,
mais leur popularité reste limitée à
cause de leurs actes violents, par
exemple en 1980 le massacre de 150
élèves officiers de la communauté
Alaouite à l’école militaire d’ALEP
et bien d’autres actes. En
particulier leur réputation d’être
sous commande des services secrets
Britanniques initialement et des
Saoudiens qui sont liés directement
à la CIA.
Enfin troisièmement,
les groupes armés ont toujours
essayé de tuer des citoyens des
autres minorités alaouites et
chrétiens et druses et kurdes pour
déclencher une guerre des
communautés. Mais leur plan a échoué
car les citoyens des minorités n’ont
pas riposté et ils ont évité le
piège de ce complot. Comme vous
l’avez remarqué les terroristes
n’ont pas épargné les citoyens
sunnites comme hier lors des
exécutions sommaires à Alep qui ont
été bien médiatisés ce qui leur a
fait perdre de la popularité et de
la confiance. Les actes de
vandalisme et les vols à mains armée
afin de chasser les gens de leurs
maisons pour s’y installer, imposer
des rançons et des impôts à payer
pour la Révolution, tuer les civils
non armés parce qu’ils sont avec le
régime, tout cela éloigne le conflit
actuel d’une vraie guerre civile
proprement dite.
La
Voix de la Russie : Merci à
vous de ces premières réponses, nous
nous retrouverons demain pour la
suite de votre interview sur le site
de
La Voix de la Russie ! /L
© 2005-2012 La Voix de la Russie
Publié le 9 août 2012 avec l'aimable
autorisation de La Voix de la
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