Palestine
Norman Finkelstein : la Cour
Pénale Internationale
doit inculper Israël pour ses crimes de
guerre à Gaza
Mercredi 6 mars 2019
Interview de
Norman Finkelstein sur
Democracy Now,
le 4 mars 2019, au sujet de la
publication d'un rapport du Conseil des
droits de l'homme de l'ONU accusant
Israël de crimes de guerre et crimes
contre l'humanité à Gaza.
Source :
normanfinkelstein.com/2019/03/04/norman-finkelstein-on-dn-it-is-time-to-indict-israel
Traduction :
sayed7asan.blogspot.fr
Transcription
:
Amy Goodman
: Une enquête des Nations Unies a établi
qu'Israël a probablement commis des
crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité en ciblant intentionnellement
des enfants non armés, des journalistes
et des handicapés à Gaza. Le rapport
publié par le Conseil des droits de
l'homme de l'ONU jeudi (28 février) a
enquêté sur la réponse israélienne
sanglante aux manifestations
hebdomadaires de la Grande Marche du
Retour lancées par les Palestiniens à
Gaza il y a près d'un an, visant la
barrière de séparation fortement
militarisée d'Israël.
Le rapport a établi
que les forces israéliennes ont tué 183
Palestiniens, presque tous par balles
réelles. Parmi les morts, on compte 35
enfants. 23 000 personnes ont été
blessées, dont plus de 6000 par des tirs
de balles réelles. Ecoutons Santiago
Canton, le Président de la Commission
des droits de l'homme.
Santiago Canton
: La Commission conclut qu'il y a des
motifs raisonnables de croire que les
forces de sécurité israéliennes ont
commis de graves violations des droits
de l'homme et du droit international
humanitaire. Ces violations justifient
clairement des enquêtes criminelles et
des poursuites pénales. Nous appelons
Israël à mener des enquêtes sérieuses
sur ces violations graves et à assurer
justice et réparation aux victimes,
qu'il s'agisse des morts ou des blessés.
Amy Goodman
: Un autre membre de cette Commission
indépendante de l'ONU, Sara Hussein, a
décrit la manière dont les forces
israéliennes ont délibérément ciblé les
civils et les journalistes à Gaza.
Sara Hussein
: Nous affirmons qu'ils ont
intentionnellement tiré sur des enfants.
Ils ont intentionnellement tiré sur des
personnes handicapées. Ils ont
intentionnellement tiré sur des
journalistes. Ils savaient parfaitement
qu'il s'agissait d'enfants, de personnes
handicapées et de journalistes. Tous les
enfants n'étaient pas clairement des
enfants, mais la plupart l'étaient.
Comme mon collègue vient de le dire,
tous les journalistes (tués) portaient
des gilets par balle indiquant
clairement qu'ils étaient journalistes.
Et les handicapés étaient visiblement
des handicapés : un amputé des deux
jambes en chaise roulante, une personne
en béquilles, etc. Ils étaient
clairement handicapés. Ils se sont fait
tirer dessus par des snipers, qui
disposaient également de guetteurs et de
hautes technologies très sophistiquées
pour déterminer qui était présent sur le
terrain.
Amy Goodman
: Le rapport de l'ONU a appelé tous les
pays à « arrêter les personnes suspectes
d'avoir commis ou d'avoir ordonné ces
crimes de guerre (relevant de la Cour
Pénale) Internationale, ou à chercher à
obtenir leur extradition. » L'ONU a
également exigé qu'Israël lève
immédiatement le blocus contre Gaza.
Le Ministre des
Affaires Etrangères israélien par
intérim a rejeté ce rapport, le
considérant comme un « théâtre de
l'absurde ». Cependant, les Palestiniens
en deuil ont favorablement accueilli ce
rapport, à l'exemple de Raeda Ayoub,
dont le fils Mohammad, adolescent, a été
tué durant les manifestations à Gaza.
Raeda Ayoub
: Nous sommes heureux de voir qu'il se
trouve des gens pour soutenir les
enfants de Gaza et nous aider à défendre
les enfants et la jeunesse de Gaza face
aux crimes perpétrés par l'occupation.
Amy Goodman
: Le rapport de l'ONU a été publié
jeudi. Le même jour, le Procureur
Général d'Israël a annoncé que le
Premier Ministre Benjamin Netanyahou
serait inculpé pour corruption, fraude
et abus de confiance. [...]
Nous recevons
Norman Finkelstein, auteur de plusieurs
livres, dont Gaza : une enquête sur
son martyre. Nous allons d'abord
écouter le ministre israélien des
Affaires étrangères par intérim, Yisrael
Katz, réagissant au rapport du Conseil
des droits de l'homme des Nations Unies.
Yisrael Katz
: Ce rapport est un autre chapitre du
théâtre de l'absurde que joue de temps à
autre le Conseil des droits de l'homme
des Nations Unies, un autre rapport
hostile, mensonger et partisan contre
l'État d'Israël. Il s’agit d’un rapport
basé sur des informations déformées,
dans lequel les faits n’ont pas du tout
été vérifiés, et dont le seul but est de
calomnier la seule démocratie du
Moyen-Orient et de porter atteinte à
notre droit à la légitime défense face
au terrorisme d’une organisation
meurtrière. L’État d’Israël rejette
catégoriquement ce rapport.
Amy Goodman
: Norman Finkelstein, comment
interprétez-vous ce rejet du rapport par
Israël ?
Norman
Finkelstein : Eh bien, Israël a
toujours rejeté les rapports, qu'ils
proviennent des Nations Unies ou, le
plus souvent, d'organisations réputées
de défense des droits de l'homme, telles
qu'Amnesty International et
Human Rights Watch ou de
l'organisation israélienne de défense
des droits de l'homme B'Tselem.
Donc, ce n’est pas comme si… Pour
reprendre les mots de la personne qu’on
vient d’entendre, ce n’est pas comme
s’il s’agissait d’un reportage
typiquement mensonger. C’est un rapport
qui correspond aux conclusions de toutes
les organisations de défense des droits
de l’homme réputées.
Amy Goodman
: Qu'est-ce qui vous a le plus frappé
dans ce rapport ?
Norman
Finkelstein : Ce qui m'a le plus
frappé dans le rapport, c'est qu'il
était remarquablement honnête. Il était
très direct dans ses conclusions. Et il
n’a pas simulé ce genre d’équilibre que
la plupart des organisations de défense
des droits de l’homme, même de bonne
réputation, tentent de créer entre
Israël et [le côté Palestinien]. Pour
citer quelques exemples, ce rapport a
clairement déclaré qu'Israël ciblait
intentionnellement les enfants au cours
de ces manifestations ; qu’Israël cible
les journalistes ; qu’Israël cible le
personnel médical. Et ce franc-parler
est inhabituel.
Permettez-moi
seulement de donner deux exemples [de
disculpation odieuse d’Israël] que vous
connaissez. Lors de l'opération
Bordure Protectrice, concernant
l'assassinat des quatre enfants qui
jouaient à cache-cache (sur la plage)...
Amy Goodman
: C'était en 2014.
Norman
Finkelstein : En 2014, oui.
Récemment, The Intercept [média
fondé par Glenn Greenwald, le
journaliste qui a publié les révélations
de Snowden] a publié
un article sur ces quatre enfants
assassinés, prétendant qu’ils n’avaient
pas été tués intentionnellement, que
c’était un accident, que c’était une
erreur. Et même chose avec le New
York Times quand il a raconté
son histoire sur Razan al-Najjar,
qui a été reprise partout. L’essentiel
de cette fable était qu’une balle de
sniper israélien avait touché le sol,
ricoché puis accidentellement touché
trois membres du personnel médical
palestinien. C'était une balle magique,
car il y avait une foule immense de
personnes, mais cette balle magique n'a
touché que trois membres du personnel
médical.
Mais ce rapport du
Conseil des droits de l’homme est très
franc. Il dit qu’Israël a
intentionnellement ciblé les enfants,
intentionnellement ciblé même les
personnes handicapées. Et cela, pour
moi, leur donne du crédit, car ils n’ont
pas essayé de présenter de faux
équilibre [entre les crimes israéliens
réels et les pseudo-crimes
palestiniens]. Si vous regardez les
proportions, quand il est question des
dégâts causés à la population de Gaza,
ils y consacrent 10 pages complètes. Et
il y a une section intitulée « Impact
sur Israël », qui fait seulement trois
paragraphes. Et c’est exactement ce que
montre la réalité : dans l’ensemble, en
fait, presque entièrement, tous les
actes de mort et de destruction infligés
l’ont été au côté palestinien. Pendant
la période couverte par ce rapport, il
n'y a pas eu de morts (israéliens)
durant les manifestations, et quatre
soldats israéliens ont été légèrement
blessés.
Ce sont des
massacres. Ce ne sont pas des conflits.
Ce ne sont pas des combats. Ce sont
clairement des massacres de manifestants
massivement non armés et non-violents.
Amy Goodman
: Ce rapport est publié alors que le
Procureur Général d’Israël affirme qu’il
va mettre en examen le Premier ministre,
Benjamin Netanyahu. Comment
l’interprétez-vous ?
Norman
Finkelstein : Eh bien, les
Israéliens ont toujours ignoré ces
rapports. Donc, dans ce contexte, ce
n’est pas significatif. Cependant, il y
a une signification critique. À savoir
que la Cour Pénale Internationale a à ce
jour été saisie de deux affaires
concernant la situation des
Palestiniens. Un cas concerne le Mavi
Marmara, la flottille de 2010
attaquée par Israël. Et le deuxième cas
concerne les crimes de guerre israéliens
commis en Cisjordanie, principalement
dans les colonies de peuplement, et
l’opération Bordure Protectrice à
Gaza.
Le Chef
d’état-major israélien de l'opération
Bordure Protectrice en juillet-août
2014 était Gantz – je crois que son
prénom est Benny, mais je peux me
tromper – Benny Gantz. Et le fait est
que si Netanyahu est mis hors course,
Gantz sera probablement le Premier
Ministre, et il risquera d'être mis en
accusation par la Cour Pénale
Internationale.
Le Procureur
Général de la CPI, Fatou Bensouda, tente
désespérément de ne pas enquêter sur les
crimes de guerre israéliens. Mais au
sein de la Cour Pénale Internationale,
il y a eu un sursaut sans précédent. Il
y a un grand nombre de membres – un
grand nombre de membres de la CPI qui
disent qu'il est temps d'inculper
Israël. Et à cause de ce rapport, la
pression exercée sur Bensouda, Procureur
Général, va être énorme. Il est temps
d’inculper Israël.
Amy Goodman
: Et juste pour être clair, le Premier
Ministre Benjamin Netanyahu, s'il est
inculpé (par la justice israélienne),
comme le Procureur Général le dit, ne
sera pas inculpé pour ces crimes contre
les Palestiniens, mais pour corruption.
Norman
Finkelstein : C’est exact. C’est un
peu, comme je l’ai dit, un peu comme Al
Capone inculpé pour fraude fiscale. Dans
l’ensemble, c’était le moindre des
crimes de Capone. Mais c’est ainsi que
fonctionne le système judiciaire.
Amy Goodman
: Les États-Unis ont-ils réagi à ce
rapport ?
Norman
Finkelstein : À ma connaissance, les
États-Unis n’ont pas réagi. Il s’agit
d’un rapport préliminaire. Le rapport
complet paraîtra le 18 mars, me
semble-t-il. C'est donc en quelque sorte
le… ce qu'ils appellent un résumé.
Il fait 22 pages. J'imagine que le
rapport complet sera beaucoup plus
volumineux.
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