Interview -
Algérie54
L’indépendance des médias français, est
une fiction
Jacob Cohen
Dimanche 31 mai 2020
Par Mehdi Messaoudi
Algérie54: Deux
reportages diffusés le 26 mai 2020 sur
France5 et LCP ont suscité l’indignation
des algériens et le rappel de
l’ambassadeur d’Alger à Paris, qu’en
pensez-vous de cette nouvelle escalade ?
Jacob Cohen: Le
rappel d’un ambassadeur est une décision
grave. Elle n’est pas prise à la légère.
Le pays qui la prend veut exprimer un
mécontentement voire un désaccord, et
soumet le retour à la normale à une
remise à plat. C’est dire si les
reportages diffusés le 26 mai sur 2
chaînes françaises ont été très mal
reçus en Algérie. Il est assez singulier
qu’un reportage provoque un tel séisme
diplomatique. On peut donc penser que
ces reportages, au-delà de leurs aspects
tendancieux, ont enflammé une situation
déjà critique, dont les fondements sont
anciens et profonds.
Algérie54: A
l’instar de la réaction du Quai d’Orsay
le 1 avril dernier, concernant la
convocation de l’ambassadeur de France à
Alger, suite à la diffusion d’un
reportage mensonger sur France24, le
Ministère français des affaires
étrangères, vient de réagir de la même
manière, en indiquant que les lignes
éditoriales des médias publics, sont
indépendantes ?
Jacob Cohen: C’est
la réponse rituelle des « démocraties »
occidentales qui se targuent d’avoir des
médias totalement indépendants, et
donnant la leçon aux autres pays. C’est
une fiction bien sûr. En France, France5
et LCP sont financés par les autorités
publiques, et comme pour France2 et
France 3, il est inimaginable que leur
direction ne reçoive pas l’aval du
gouvernement. Ce sont des hauts
fonctionnaires dont l’intérêt bien
compris est de répondre aux souhaits du
gouvernement. On l’a bien vu avec le
Covid19 et l’acharnement unanime contre
le professeur Raoult. Quant aux médias
privés, ils appartiennent à l’oligarchie
financière. Et tous les journaux, dont
Libération et l’Humanité, ne
survivraient pas quelques mois sans
l’injection de dizaines de millions
chaque année. Une telle dépendance crée
des servitudes et des arrangements.
Algérie54: Ceci
nous donne l’impression de dire que le
champ médiatique est libre, qu’en pense
Jacob Cohen ?
Jacob Cohen: Le
champ médiatique ne dispose que d’une
liberté relative, comme je l’ai précisé
dans la question précédente. Il y a
cependant une illusion de liberté dans
la mesure où on fait appelle à une
opposition contrôlée, admise, convenue,
qui ne remet pas en cause les fondements
du système. Par exemple sur Poutine, la
Syrie, l’Union européenne, Trump, le
vaccin financé par Bill Gates, etc. On
dit que « l’histoire est écrite par les
vainqueurs ». C’est exactement ce qui se
passe avec les médias. L’Occident a
aussi la haute main sur les
grandes agences de presse, sur les ONG,
les fédérations internationales, etc.
C’est lui qui donne le ton.
Algérie54: Le
déconfinement annoncé, à partir du 11
mai dernier, a révélé un régime
dictatorial français concernant certains
auteurs et artistes qui ne font pas
partie de la Mainstream, dont Dieudonné,
et même Didier Raoult ?
Jacob Cohen: Dans
un moment de crise, le système révèle sa
vraie nature, d’une façon presque
caricaturale et hystérique. Parce que
toute critique ou remise en cause risque
d’ébranler l’échafaudage. Et le plus
terrible, c’est le monde même de la
santé, qui en principe est là pour
sauver les gens, est étroitement
contrôlé, voire harcelé et terrifié,
pour répondre aux exigences de Big-Pharma.
L’étude de The Lancet, qualifiée par le
professeur Raoult de « foireuse » a été
reprise par tous les médias aux ordres,
et la chloroquine immédiatement
interdite. Je rappelle qu’il avait fallu
20 ans pour interdire le « médiator »
qui avait fait des milliers de morts.
Quant à Dieudonné, il montre par son
exemple les limites et l’hypocrisie du
système « libéral ». Les appels à son
lynchage sont tout à fait autorisés ;
ils ne doivent pas entrer dans les
critères de la loi Avia contre la
« haine ».
Algérie54: Un
député français, affilié au CRIF, en
confinement dans les territoires
palestiniens occupés, s’est attaqué au
chef de la diplomatie française
Jean-Yves Le Drian, suite à des
reportages diffusés par des médias
français, qu’en diriez-vous ?
Jacob Cohen:
Meyer Habib, député « français », est le
garde-chiourme du régime sioniste au
sein de l’Assemblée nationale française.
Il peut se permettre d’invectiver les
parlementaires pour toute critique
contre son vrai pays, Israël, et de
défendre publiquement les politiques
annexionnistes du régime sioniste. Mais
la classe politique est tellement
tétanisée de peur d’un dérapage
« antisémite ». On en est là
malheureusement en France. Mais après
tout, le gouvernement français l’a
voulu, dans la mesure où le BDS et
autres critiques contre le sionisme sont
interdits.
Algérie54: Certains auteurs arabes dont
des algériens, bien pris en charge à
Paris, s’activent ces derniers temps
pour normaliser avec l’entité sioniste,
dans le domaine culturel, quel est votre
avis ?
Jacob Cohen:
Il est vrai que, pour un auteur arabe
qui signe un manifeste pour la
normalisation avec Israël, manifeste
publié dans le magazine de BHL et sous
l’autorité de ce dernier, les portes de
l’édition s’ouvrent toutes grandes,
ainsi que les interviews dans les médias
et les prix littéraires. Les
intellectuels arabes en France sont déjà
globalement marginalisés. Pour rappel,
les débats sur l’islam dans les grands
médias opposent généralement Zemmour,
BHL, Finkelkraut, Elisabeth Lévy, que
des juifs sionistes. Alors les auteurs
arabes qui veulent percer doivent
montrer patte blanche, et si possible se
faire photographier, comme Boualem
Sansal, devant le mur des lamentations
dans Al-Quds occupée, avec une kippa sur
la tête.
Algérie54:
Benjamin Netanyahou s’apprête à annexer
totalement la Cisjordanie, est-ce que la
communauté internationale est capable
d’éviter ce scénario ?
Jacob Cohen: Netanyahou
ne veut annexer que la Cisjordanie
« utile » c’est-à-dire les grands blocs
juifs et la vallée du Jourdain, dont les
habitants arabes n’auront pas la
nationalité israélienne. Il n’aura fait
que concrétiser, juridiquement, la
mainmise sur des territoires qui, de
toutes les façons, ne reviendront jamais
aux Palestiniens. Je regrette que les
« dirigeants » palestiniens se soient
laissé enfermer depuis 27 ans dans cette
logique de dépossession et de servitude.
Et évidemment la communauté
internationale ne fera rien, à part
quelques gesticulations verbales.
Algérie54:L’Algérie revient fort sur la
scène internationale, notamment sur le
dossier libyen, et elle confrontée aux
profondes divergences des principaux
belligérants, qui ne sont pas
certainement les libyens ?
Jacob Cohen: La
Libye est devenue hélas le terrain de
confrontation entre diverses puissances,
dont la Turquie et la Russie dans des
camps opposés, avec leurs alliés
respectifs, et l’Algérie est aux
premières loges. Elle ne peut que s’y
intéresser pour préserver sa stabilité.
Entretien
réalisé par M.Messaoudi
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