ALOHANEWS
Salah Hamouri
s'exprime à propos de sa détention en
Israël
Mouâd
Salhi

Vendredi 15 février
2013 Salah
Hamouri était un étudiant
franco-palestinien en sociologie et
militant pour la cause palestinienne.
Une vie ordinaire qui basculera le 13
mars 2005. Il sera enfermé dans les
geôles israéliennes pendant plus de sept
ans. C’est le récit d’un homme devenu le
symbole de la jeunesse citoyenne
militante. Un entretien qui casse des
barrières. Salah Hamouri revient sur ses
conditions de détention, sur la
responsabilité des autorités françaises
sur sa libération, sur l’affaire
Florence Cassez et sur son combat.
Question :
"Pouvez-vous rappeler aux lecteurs,
quels ont été les chefs de votre
détention en Israël ?"
Salah Hamouri :
"J’ai été arrêté le 13 mars 2005 pour
avoir “l’intention d’assassiner” le
rabbin extrémiste Yossef Ovadia et
d’être membre du Front Populaire de
Libération de la Palestine. J’ai été
jugé par un tribunal militaire
d’occupation. Ce dernier m’a condamné à
sept années de prison."
-"Quel a été votre quotidien
durant les sept années de votre
emprisonnement ?"
"Les prisonniers palestiniens
connaissent le but de leur détention :
tuer l’être humain et détruire son
mental afin qu’une fois sorti, il soit
un poids pour sa famille et pour la
société palestinienne. Nous faisions
tout pour nous organiser, afin d’avoir
une vie normale. Nous organisions des
élections discrètes, pour élire nos
dirigeants. La vie quotidienne
s’organisait par plusieurs comités élus
qui s’occupaient de la culture, de
l’organisation et de la communication
avec les autres prisons. Par exemple,
nous devions lire minimum deux livres
par mois, et nous en débattions.
Par rapport aux visites, normalement,
le prisonnier politique palestinien a le
droit de recevoir une visite tous les
quinze jours. Cette visite s’effectue
derrière une vitre. Toutes les
conversations s’y effectuent par
téléphone et sont enregistrées. Israël a
divisé en trois catégories les visites,
une pour Gaza, une pour Jérusalem et une
pour la Cisjordanie. Les prisonniers
venant de Cisjordanie n’ont pas le droit
de recevoir des visites sans que leur
famille ait une autorisation militaire.
Néanmoins, cette autorisation demande
une contrepartie qui favorise la
colonisation. Par exemple, l’armée
israélienne demande à un enfant de
collaborer avec les renseignements
israéliens pour obtenir une autorisation
afin de voir sa mère ou son père. Entre
2006 et 2012, les prisonniers de la
bande de Gaza n’ont pu recevoir qu’une
seule visite de leurs proches. Suite à
cela, les prisonniers ont entamé une
grève de la faim, en 2012, qui a duré 28
jours. Suite à cette grève, quelques
prisonniers de Gaza ont pu recevoir des
visites. La grève de la faim est le
moyen le plus efficace pour les
prisonniers politiques pour faire valoir
leurs droits. À l’heure où je vous
parle, quatre prisonniers sont en grève
de la faim. Deux d’entre eux parce
qu’ils sont en détention administrative
(détention sans procès, sans preuve,
renouvelable tous les six mois sans
jugement), les deux autres parce qu’ils
ont été de nouveau arrêtés, alors qu’ils
avaient été libérés lors de l’échange de
prisonniers en 2011.
Il faut savoir qu’il y a des
prisonniers qui souffrent de maladies et
que l’occupation refuse de leur donner
des soins adaptés. Actuellement, onze
détenus sont atteints du cancer. Israël
refuse de les libérer alors qu’ils sont
en danger de mort.
Le plus dangereux, c’est qu’Israël se
sert des prisons comme centre de
recherche. Le gouvernement utilise des
prisonniers comme cobayes en testant
toute sorte de médicaments. Des médecins
internes viennent pratiquer des
opérations sur les détenus pour obtenir
leur diplôme.
Il faut savoir que depuis 1967, plus
de 300 prisonniers sont morts dans les
cellules. Certains corps n’ont pas été
rendus à la famille, tant que la peine
de l’incarcéré n’est pas terminée. À ce
jour, 111 prisonniers sont incarcérés
depuis plus de 20 ans. Israël refuse de
les libérer, malgré qu’ils aient été
emprisonnés avant l’accord d’Oslo."
-"Vous êtes devenu une icône
de la résistance palestinienne, malgré
vous, à l’image de Marouane Barghouti.
Est-il vrai que vous avez été incarcéré
avec lui ?"
"Oui, j’ai vécu avec lui quelques mois.
Je suis devenu une icône de la
résistance palestinienne malgré moi.
Mais il faut savoir qu’aujourd’hui, il
reste 4600 icônes de la résistance
palestinienne derrière les barreaux. Je
crois que ma liberté est seulement le
début d’un long chemin pour obtenir leur
libération."
-"Comment s’est négociée
votre libération par les autorités
françaises ?"
"Je crois que mon dossier n’était pas
soutenu par le gouvernement français et
qu’il était caché au fond d’un tiroir.
J’ai senti que je n’ai pas été traité
comme un citoyen français à part
entière. Nicolas Sarkozy a refusé
plusieurs fois de recevoir ma mère,
alors qu’il a reçu tous les parents des
autres français détenus dans le monde.
Il faut rappeler qu’il s’était promis de
chercher les Français détenus dans le
monde entier. Je crois aussi que la
France à l’époque a traité mon dossier
en fonction de ses alliances politiques.
La première fois que j’ai reçu la
visite de Christophe Bigot, ambassadeur
de France à Tel-Aviv, c’était juste
après la libération du soldat
franco-israélien, Gilad Shalit. Il m’a
dit que la France allait négocier pour
que mon nom soit mis sur la liste des
prisonniers libérés lors de la deuxième
vague d’échange de prisonniers lors de
la libération du soldat Gilad Shalit.
Dix jours plus tard, j’ai reçu une
deuxième visite de l’ambassadeur,
m’annonçant qu’il a participé à
plusieurs réunions avec 14 ministres
israéliens, mais qu’il n’avait pas
encore de réponse quant à ma libération.
Un jour après, j’ai été surpris
d’apprendre que Christophe Bigot avait
été rencontrer le rabbin Yossef Ovadia
pour lui demander son avis sur ma
libération. Le jeudi 15 décembre, j’ai
appris que j’allais être libéré le 18
décembre 2011. Depuis le début de ma
détention, j’ai pu compter sur la
mobilisation citoyenne, bien plus que
sur la mobilisation du gouvernement. Je
remercie toutes les personnes qui ont
pris part à cette mobilisation."
-"Cela fait maintenant plus
d’un an que vous avez été libéré,
comment arrive-t-on à vivre normalement
après un tel traumatisme ?"
"Je ne crois pas que je pourrai un jour
reprendre une vie normale en faisant
comme si l’étape de la prison n’avait
pas existé. La prison m’a volé sept ans
de ma vie. Néanmoins, il y a des choses
que je n’aurais jamais pu apprendre si
je n’y avais pas été. Malgré la
souffrance de l’incarcération, j’ai
appris beaucoup de choses qui me
resteront gravées : la solidarité, avoir
des principes, cultiver l’espoir et
surtout toujours garder le sourire et le
moral même dans les moments les plus
difficiles. Cette épreuve a forgé mon
caractère. Depuis ma sortie, j’essaie de
rattraper le temps volé par mon
emprisonnement."
-"Vous avez pu suivre au
journal télévisé, la sortie de la
ressortissante française Florence Cassez
en détention au Mexique. Jugez-vous
avoir été soutenu de la même manière ?"
"La France avait moins de problèmes à
créer une crise diplomatique avec le
Mexique, qu’avec un état d’occupation.
Les médias ont également beaucoup parlé
d’elle pendant sa détention et l’ont
reçu sur leurs plateaux après sa
libération. En ce qui me concerne, seul
le journal militant l’Humanité a
réellement relayé mon affaire et à ma
sortie, peu de médias français étaient
présents. À l’inverse de Florence
Cassez, je n’ai pas été reçu ni par le
Président de la République ni par des
ministres. Nous sommes face à un réel
“deux poids, deux mesures” aussi bien au
niveau de la classe politique qu’au
niveau des médias. Dès que l’on touche
aux alliés politiques de la France, les
droits des citoyens français semblent
oubliés. Tout cela confirme l’importance
d’une mobilisation citoyenne forte
envers la Palestine."
-"Comment qualifiez-vous le
refus de la libération du résistant
libanais Georges Abdallah par l’état
français, bien qu’il a purgé l’entièreté
de sa peine ?"
"Tout d’abord, je veux saluer ce grand
combattant de la liberté, à qui
j’accorde un grand respect parce que sa
volonté et ses principes n’ont pas été
brisés par les barreaux des prisons.
Comme beaucoup de personnes, je demande
la libération immédiate et sans
condition de Georges Ibrahim Abdallah.
Aujourd’hui plus qu’avant, cette
libération doit avoir lieu compte tenu
de la décision prise par le tribunal.
Malheureusement, le gouvernement
français bloque cette libération, et
préfère se soumettre à la pression
américano-israélienne, au lieu de
défendre sa souveraineté nationale."
-"Vous soutenez une opération
"J’écris ton nom : Je parraine un
prisonnier" en appui aux prisonniers
politiques palestiniens. Quel est le but
de cette initiative ?"
"Il s’agit d’une démarche simple, mais
politiquement très forte. Chaque parrain
s’engage à envoyer une lettre par mois à
son filleul (en anglais ou en arabe),
tout en sachant que les prisonniers ne
peuvent pas y répondre. Le parrainage
permet de faire comprendre aux
prisonniers qu’ils ne sont pas seuls et
de prouver à cette occupation qu’il y a
des milliers de citoyens en France et
partout dans le monde qui soutiennent la
lutte et les droits des prisonniers.
C’est aussi une sorte de protection pour
ces détenus. Cette mission simple est
une part de la mobilisation et de la
solidarité entre tous les femmes et les
hommes libres du monde. Pour y
participer, il suffit de s’inscrire sur
http://www.france-palestine.org/Par...
-"Quel est votre combat,
aujourd’hui ?"
"Je milite pour le droit des prisonniers
politiques palestiniens. En Palestine,
en France ou dans mes conférences à
travers le monde, je m’efforce de faire
connaître la situation des prisonniers
palestiniens pour mobiliser le plus de
monde afin d’obtenir leur libération."
Propos recueillis par Mouâd SALHI
Le dossier Salah Hamouri
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