Opinion
Al-Qods subit un massacre de l'histoire
et de la géographie
Dr.
Ramadan Shallah
Dr. Ramadan Shallah
Mardi 6 mars 2012 Dans une interview accordée à deux
quotidiens, al-Qods (Palestine) et
al-Ra’y (Koweit), dr. Ramadan
Shallah, secrétaire général du
mouvement du Jihad islamique en
Palestine a décrit la frénésie
sioniste de judaïsation de la ville
sainte comme un « massacre de
l’histoire et de la géographie ». Ci-joint le texte intégral de
l’interview parue le dimanche 4
mars.
Q. Comment évaluez-vous la rencontre
de la structure dirigeanet
provisoire de l’OLP au Caire ? Qu’y
avez-vous proposé ?
Dr. Ramadan : Lors de la première
réunion, la présence du Hamas et du
Jihad et leur participation à cette
structure fut la réalisation la plus
notable, mais cela ne suffit pas et
nous sommes toujours à la recherche
de réponses aux nombreuses
questions, concernant l’OLP ou la
situation palestinienne plus
globalement. L’acquis est encore
modeste à mon avis et ne répond pas
à l’ampleur des défis et des
attentes.
Question : la division
interpalestinienne est toujours là
?!
Dr. Ramadan : la véritable cause de
la division entre le Fateh et le
Hamas revient à une différence de
programmes, d’intérêts et de calculs
entre les parties. Nous avons
essayé, nous et d’autres, de
rapprocher les points de vie, mais
la question est complexe. Parfois,
les divergences entre deux
organisations deviennent des
divergences à l’intérieur d’une même
organisation, sur différentes
questions.
Les accusations réciproques entre le
Fateh et le Hamas à propos du report
de la formation du gouvernement ne
résoud pas le problème, car toute
partie avance ses arguments pour
défendre ses positions, mais en fin
de compte, notre peuple palestinien
est le perdant quand la
réconciliation est annulée et quand
nous n’affrontons pas les défis de
l’occupation, notamment dans al-Qods
occupée.
Q. Est-ce que vous soutenez un
gouvernement palestinien sous la
direction de Abou Mazen ?
Dr. Ramadan : concernant la
direction du gouvernement, nous ne
participons pas au pouvoir ou au
gouvernement, c’est pour cela que
nous n’avons aucune réserve sur tout
accord entre le Hamas et le Fateh,
ou toute mesure concernant le
gouvernement, tant qu’il n’y a pas
remise en cause des constantes
palestiniennes.
Q. Quelles sont vos réserves sur le
gouvernement de Salam Fayyad et de
son rôle ? Quel est le nombre des
détenus du Jihad islamique dans les
prisons de l’Autorité, et
qu’avez-vous proposé au comité des
libertés ? Avez-vous senti un
progrès dans ce comité ?
Dr. Ramadan : Notre position envers
les institutions de l’Autorité n’est
pas une position envers des
individus, mais plutôt une position
envers le projet de l’Autorité et
des mécanismes de son action sous
occupation. N’est-il pas honteux que
la liberté soit revendiquée par le
Palestinien vis-à-vis de son frère
palestinien alors que nous sommes
tous sous occupation ?
Quant au nombre des détenus, il
change en fonction de la demande et
de l’incitation israéliennes. Il y a
actuellement sept détenus. La
pratique de l’Autorité est
curieusement paradoxale, alors que
les négociations avec « Israël »
sont stoppées, la coordination
sécuritaire se poursuit sans
relâche. C’est pourquoi nous tenons,
dans le comité des libertés, à
remettre en cause la base à partir
de laquelle se font les
arrestations. Si les causes sont
sécuritaires, cela veut dire que ce
sont des causes avancées par «
Israël » qui réclame de poursuivre
la confiscation des libertés d’un
nombre de plus en plus élevé de
Palestiniens, sans compter nos
prisonniers détenus par
l’occupation. Mais s’il s’agit de
causes politiques concernant les
appartenances ou les activités
organisationnelles de telle ou telle
organisation, ces pratiques auront
un effet amer et annulent la
réconciliation. Malheureusement, il
n’y a jusqu’à présent aucune avancée
réelle dans le travail du comité des
libertés.
Q. Comment voyez-vous le
développement de l’OLP et comment
considérez-vous le travail dans le
comité de l’OLP ? Quel est le but de
votre participation à l’OLP après
cette longue période et au moment où
elle est marginalisée ?
Dr. Ramadan : Le point le plus
important sur lequel nous avons
insisté dans la structure dirigeante
de l’OLP est de définir le but du
processus de reconstruction de
l’OLP, car le but de toute
organisation influe sur sa
structure. Quelle OLP voulons-nous ?
Est-ce l’OLP exprime le mouvement de
libération nationale, ou l’Autorité,
ou l’Etat, ou quoi ? Sans une
réponse claire et précise à cette
question, nous aurons un grand
problème, à cause de la confusion et
des équivoques des visions et des
positions.
Quant à notre participation à ces
séances, elle ne signifie pas que
nous avons rejoint l’OLP
actuellement, nous sommes encore à
l’étape de la recherche et des
débats. Ce qui se déroule entre les
différentes composantes du peuple
palestinien qui y participent, c’est
poser les questions et attendre les
réponses, nous sommes une
organisation essentielle sur la
scène palestinienne, il faut que
nous soyons partie prenante de ce
dialogue. Nous participons en posant
les questions et contribuons à
rechercher les réponses… Quant à la
décision finale de notre adhésion ou
non à l’OLP, cela dépendra en fin de
compte du résultat de ces séances de
dialogue, nous évaluerons les
résultats et prendrons la décision
définitive.
Q. Est-ce que votre non
participation à l’Autorité est-elle
la cause de votre demande consistant
à séparer les élections législatives
des élections du conseil national ?
Dr. Ramadan : Il ne s’agit pas
seulement de notre avis, mais celui
des autres organisations, y compris
le Fateh et le Hamas. Nous pensons
qu’il y a une nécessité nationale à
ce que soient séparées l’Autorité de
l’OLP, car l’Autorité est un projet
passager qui a échoué, et son
devenir est incertain, alors que
l’OLP doit être conservée pour être
un cadre rassembleur et porteur de
la cause dans toutes ses étapes et
circonstances… A présent, il y a de
nouveaux changements dans la région,
dans le cadre des révolutions
arabes, qui peuvent donner à nouveau
à la cause de la Palestine la
profondeur et l’environnement arabes
et islamiques. Il faut donc une OLP
qui ne soit pas entravée par les
chaînes de l’Autorité, pour agir
dans cette situation.. Tout comme la
fusion de l’OLP et de l’Autorité
dans le cadre du jeu du règlement
signifie insérer l’OLP dans
l’Autorité et non le contraire, ce
qui veut dire que l’Autorité avale
l’OLP, et ceci n’est pas dans
l’intérêt de la cause.
Q. Est-ce que vous comptez
participer aux élections des
conseils national et législatif ?
Dr. Ramadan : Nous annoncerons notre
position envers les élections
générales lorsque le processus des
élections se mettra en place ou que
nous soyions sûrs qu’elles auront
bien lieu.
Q. Ce qui veut dire que vous pensez
qu’il n’y aura pas d’élections ?
Dr. Ramadan : Nous pensons qu’il y a
des entraves qui, même si elles
n’empêcheront pas les élections, les
reporteront, et elles n’auront pas
lieu aussi rapidement ou aux dates
prévues.
Q. Qu’en est-il des discussions
entre vous et les dirigeants du
mouvement Hamas en vue d’unifier les
deux mouvements ?
Dr. Ramadan : Le sujet de l’unité
entre le Hamas et le Jihad est un
sujet ancien et nouveau. Le désir et
la volonté d’unité existent au sein
des deux parties, sur le principe,
mais la forme de l’unité et le
moment sont toujours objets de
recherche et de discussions entre
les deux mouvements, et à
l’intérieur de chacun des
mouvements. Nous espérons que les
résultats seront positifs et
satisfaisants, si Dieu le veut.
Q. Comment décrivez-vous les
relations entre le Jihad et le
mouvement Hamas, à l’extérieur (avec
Khaled Mechaal) et dans le cadre du
gouvernement Hamas dans la bande de
Gaza ? Quand est-ce votre
participation au gouvernement
palestinien sera possible ? Hamas a
récemment renouvelé sa vision de la
solution avec l’ennemi, en acceptant
un Etat palestinien avec al-Qods
pour capitale, dans les frontières
de 1967. Quelle est votre position
vis-à-vis des projets de règlement
qui sont proposés ? Est-ce que vous
pensez que les Etats-Unis ou le
Quartet dont des intermédiaires
honnêtes ?
Dr. Ramadan : C’est une question à
cinq facettes. Je vais essayer d’y
répondre en quelques mots. Notre
relation avec Abu Walid (Khaled
Mechaal) et avec Hamas à Gaza est au
mieux. Nous participerons au
gouvernement palestinien, par
croyance, lorsque Dieu le voudra, et
politiquement, lorsque nous aurons
la souveraineté. Nous n’acceptons
aucune solution ou règlement qui
abandonne une parcelle de la terre
de Palestine. Les Etats-Unis et le
Quartet ne sont pas des
intermédiaires, honnêtes ou
malhonnêtes, ils ne sont que la
couverture et la protection
internationale pour le maintien de
l’occupation de la Palestine et la
violation des droits du peuple
palestinien et son humiliation.
Q. Que pensez-vous de la situation
sur le terrain dans la bande de
Gaza, au moment où le gouvernement
israélien menace d’une nouvelle
guerre contre Gaza ? Quelle est la
réalité de l’accalmie ?
Dr. Ramadan : l’accalmie à Gaza est
fragile.. Dans le cadre de la
situation régionale qui exerce des
pressions sur l’ennemi, une guerre
contre Gaza n’est pas à écarter.
Q. Est-ce que vous êtes prêts pour
une guerre contre Gaza ?
Dr. Ramadan : Nous connaissons nos
capacités en tant que peuple
palestinien, mais si la guerre nous
est imposée, nous sommes confiants
qu’elle ne sera pas comme celle de
2009, et il y aura beaucoup de
surprises au profit de la
résistance, avec la permission de
Dieu.
Q. Certains vous reprochent votre
rapprochement de l’Iran. Comment
décrivez-vous cette relation alors
que l’Occident et « Israël »
insistent sur la capacité nucléaire
iranienne et évoquent une frappe
imminente contre ces capacités ?
Dans le cadre d’une crainte du Golfe
de la force iranienne et ses
répercussions sur son avenir ?
Dr. Ramadan : Premièrement, la
critique de notre relation avec
l’Iran, notamment par ceux qui
tournent le dos à la question de la
Palestine et de son peuple, est une
chose étrange et étonnante. Je
comprend qu’un Iranien critique par
exemple son gouvernement, lui
reprochant l’aide qu’il accorde aux
Palestiniens. Mais qu’un Arabe
critique les Palestiniens leur
reprochant d’accepter l’aide de
l’Iran et son soutien, alors que les
Arabes et le monde en entier ont
abandonné les Palestiniens, est-ce
possible ?
Quant aux menaces israéliennes
contre l’Iran, c’est la politique de
Netanyahu qui a réussi à faire de la
prétendue menace iranienne le
premier sujet dans l’agenda
politique, que ce soit pour l’entité
israélienne ou pour les
préoccupations internationales au
Moyen-Orient. Il n’y a plus rien qui
s’appelle la Palestine.. La question
palestinienne n’a plus de place chez
les « Israéliens » en ce moment.
Ceci s’ajoute au fait que les Arabes
sont occupés et bloqués par les
événements et les révolutions dans
les pays arabes.
Q. Comment lisez-vous la situation
palestinienne en Syrie ? Quelle est
votre position envers ce qui s’y
passe ?
Dr. Ramadan : En tant que
palestiniens, nous nous écartons de
toute intervention dans les affaires
internes de tout Etat arabe et ceci
s’applique à la Syrie et à d’autres.
Ce qui se passe en Syrie est
malheureusement triste et dangereux
à la fois, et cela peut avoir de
graves et immenses répercussions sur
l’avenir de la Syrie et de la
région. Nous souhaitons que le
peuple syrien, dans toutes ses
composantes, puisse trouver une
solution pacifique syrienne qui
évite les bains de sang, qui protège
l’unité de la Syrie et réalise les
ambitions de son peuple, et se
dirige vers une situation meilleure
qui corresponde à la Syrie et à sa
place et son rôle dans la nation.
Q. Quelles sont les répercussions de
la division sur la cause
palestinienne et sur al-Qods qui est
en cours de judaïsation et sur la
mosquée bénie d’al-Aqsa qui subit
quotidiennement des attaques et des
incursions et qui est menacée par
les appels à sa destruction et à la
construction du prétendu temple ?
Quel est votre rôle et quelle est
votre vision ?
Dr. Ramadan : Il est très
regrettable que nous, les
Palestiniens, avions perdu des
années, au cours desquelles nous
étions occupés par nous-mêmes, alors
« qu’Israël » modifie les traits de
la terre, de l’histoire et de la
géographie, et de la démographie, à
chaque instant, pour en finir avec
la cause palestinienne et tirer les
rideaux sur toute chose concernant
la Palestine, et même pour nous
couper la route dans l’avenir.
Quant à l’Autorité, aucune attitude
négative de sa part envers al-Qods
ne m’étonne, car elle a été conçue
comme projet pour liquider l’essence
de la cause, et al-Qods est au cœur
de cette essence. Ce qui se passe
dans al-Qods est un massacre réel de
l’histoire, de la géographie, de ce
qui est sacré dans notre vie, et
cela n’atteint pas seulement les
Palestiniens, mais tout arabe et
tout musulman. Mais où sont les
Arabes et les musulmans quant à ce
massacre ?
J’espère que nous ne resterons pas
trop longtemps préoccupés par
nous-mêmes, et s’il y a vraiment
quelque chose que nous pouvons
appeler « le printemps arabe », nous
espérons que le « printemps »
palestinien ne tarde pas. Il n’est
pas possible que les peuples se
réveillent pendant que s’endorme le
peuple palestinien, alors que la
profondeur de nos blessures et de
notre tragédie nous interpelle et
dit : le printemps palestinien est
inévitable.
Q. Que pensez-vous du ferme combat
du dirigeant dans le mouvement du
Jihad, Khodr Adnane, et de sa grève
de la faim pendant 65 jours ?
Dr. Ramadan : La grève de la faim du
sheikh Khodr Adnane et sa victoire
ont constitué une plus-value
qualitative dans l’histoire de la
lutte palestinienne. Et l’attitude
de notre peuple, toutes catégories
et forces, qui ont soutenu sa cause,
notamment notre peuple et nos frères
dans l’intérieur palestinien, les
terres occupées en 48, tout cela a
démontré que le sang palestinien ne
peut « se transformer en eau » comme
on dit, nous sommes toujours
capables de nous unir et de
remporter des victoires.
Traduction: Rim al-Khatib
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