Regards sur la crise syrienne
Interview de
Gilles Munier et d'Alain Chevalérias
Gilles Munier
Samedi 8 septembre
2012
Revue de presse : Que Faire
(Interviews – septembre 2012)
Gilles Munier :
« Le régime syrien est un "monstre
froid" »
(propos recueillis le 23/8/12)
Alain Chevalérias :
« Le régime des Assad était :
tyrannique, clanique, policier, violent
»
(Propos recueillis le 7/9/12)
QUE FAIRE : Avant le
déclenchement de la contestation et des
violences comment qualiferiez-vous le
régime de Bachar El-Assad ?
Gilles Munier
:
Bachar al-Assad a hérité d’un régime de
type démocratie populaire, comme il y en
avait en Europe de l’Est à l’époque de
l’URSS. La Syrie est dirigée, depuis le
putsch militaire qui a renversé les
fondateurs du parti Baas en 1966, par
des militaires alaouites – Salah Jedid,
puis Hafez al-Assad – c'est-à-dire
appartenant à une secte dite chiite,
mais respectant peu les préceptes du
Coran.
Michel Aflak, exclu du parti qu’il a
fondé, est mort en exil. Salah Bitar,
co-fondateur, qui a osé conseiller à
Hafez al-Assad de démocratiser la vie
politique en Syrie, a été assassiné. Les
baasistes d’opposition – c'est-à-dire
fidèles à la ligne originelle du parti -
ont été emprisonnés ou tués. Le Druze
Chebli al-Ayssami, 87 ans, autre
fondateur historique du parti Baas, a
été enlevé au Liban en mai 2011 par un
des services secrets de Bachar al-Assad.
Depuis, on est sans nouvelles de lui…
En Syrie, la confrérie des Frères
Musulmans, principale force
d’opposition, est interdite. Ses membres
encourent la peine de mort. Le massacre
de Hama de 1982 – 20 000 victimes
sunnites, ou plus – commis sous le règne
sans partage de Hafez al-Assad, est
perçu comme un « crime alaouite ». En
arrivant au pouvoir, Bachar aurait dû
s’adresser aux habitants de la ville
martyre et présenter ses excuses. Il
aurait dû engager des discussions avec
les Frères Musulmans, comme ces derniers
le lui proposaient. Il n’a fait ni l’un
ni l’autre, sans doute parce ce que le
clan qui l’a porté à la présidence de la
République, a participé au massacre
A son arrivée au pouvoir, voulant
marquer sa différence avec son père,
Bachar al-Assad a promis des réformes,
mais elles n’ont pas vu le jour. Il en
paie, depuis 17 mois, les conséquences.
En août 2011, le couteau sous la gorge,
il a cherché à rattraper le temps perdu
en proposant une nouvelle constitution,
des élections législatives, la liberté
de la presse… Trop peu, trop tard ; des
changements effectués pour amuser la
galerie.
L’Etat syrien est un « monstre froid »,
comme dirait Nietzsche, doublé d’une
dictature militaro-civile bornée. Sa
caste dirigeante est réfractaire à tout
changement. Elle craint qu’en lâchant
quelques libertés, le régime implose.
Bachar ne mérite pas qu’on le soutienne
au nom d’un anti-impérialiste et d’un
anti-sionisme qu’il instrumentalise,
comme son père l’a fait pour se
maintenir indéfiniment au pouvoir.
Alain Chevalérias
:
Le régime des Assad était : tyrannique,
clanique, policier, violent, de fait
soumis à un parti unique et
économiquement spoliateur.
Tyrannique, dans le sens où tous les
pouvoirs étaient concentrés dans les
mains d’un petit groupe, une famille en
fait, à la tête duquel un Président
inamovible trônait.
Clanique, car une catégorie
ethno-religieuse, les alaouites,
occupait le sommet de la hiérarchie et
un grand nombre de positions
intermédiaires au sein du système
politique, de l’armée, des
renseignements et de la machine
économique.
Policier, en raison de la surveillance
exercée sur la population pour interdire
tout courant politique contestataire,
jusqu’à l’incarcération des personnes
considérées comme déviantes.
Violent, parce qu’il n’hésitait pas à
recourir à une force disproportionnée et
aveugle, pratiquant la punition
collective, comme on l’a vu au début des
années 80, lors du soulèvement des
islamistes et du bombardement de Hama
(plusieurs milliers de morts) ou de la
répression contre des manifestants
désarmés, à partir de mars 2011, avant
et après l’apparition de combattants.
De fait soumis à un parti unique, vu que
le Baath contrôlait le Parlement quand
les militants des formations alliées,
comme le parti communiste, étaient
emprisonnés à la moindre manifestation
d’indépendance.
Economiquement spoliateur parce que,
nationalisées dans un premier temps, les
grandes entreprises avaient été
récupérées, dans un deuxième temps, par
les séides du régime, principalement
aujourd’hui, Rami Makhlouf, cousin
maternel de Bachar.
Certes, la Syrie n’est pas le seul pays
du Moyen-Orient répondant aux
caractéristiques dénoncées plus haut.
Mais il est le seul à l’avoir amené à ce
point de « perfection », si l’on
peut dire, et à mettre l’Etat au service
d’un seul clan.
QUE FAIRE : Très vite les
puissances occidentales ont exigé la fin
du régime. Pourquoi? Hafez el-Assad ne
fut-il pas un allié des USA contre
l’Irak en 1991 et Bachar un partenaire
de Sarkozy ?
Gilles Munier :
Les puissances occidentales étaient bien
placées pour exiger le départ de Bachar
al-Assad, car elles participent à
l’opération organisée pour le renverser.
Les Occidentaux se sont servi du régime
tant que les avantages qu’ils en
tiraient étaient supérieurs aux
inconvénients. Si le mot « complot »
n’avait pas une connotation péjorative,
il faudrait l’employer pour décrire le
processus enclenché depuis le
soulèvement de Deraa, en mars 2011. On
assiste à un remake des tentatives de
coups d’Etat soutenues par la CIA dans
les années 50, et des révoltes de la fin
des années 70.
Mais « complot ourdi par les Etats-Unis,
Israël… etc… »… ou pas, cela ne donne
pas le droit à Bachar de reprocher à ses
opposants leurs relations avec des
services secrets étrangers. C’est
exactement ce qu’il a fait en mettant
des prisons secrètes à la disposition de
la CIA pour torturer en Syrie des
militants islamiques enlevés en
Afghanistan ou ailleurs. En participant
à la Première guerre du Golfe, son père
Hafez a « comploté » avec les Etats-Unis
le renversement de Saddam Hussein.
Bachar al-Assad pensait qu’un
soulèvement populaire, comme celui de la
Tunisie, ne pouvait pas se produire en
Syrie où tout était verrouillé, sous
contrôle. Il n’a pas compris que les
temps avaient changé et que si Nicolas
Sarkozy s’intéressait à lui, c’était
surtout pour faire la nique à l’équipe
Chirac- Villepin qui, de concert avec
Rafic Hariri, avait projeté de le
remplacer.
C’est au peuple syrien de décider du
sort de Bachar al-Assad, mais c’est à
lui de faire son examen de conscience et
de tirer les conséquences de ses actes.
Les Occidentaux qui chouchoutent les
Frères Musulmans – nouveaux amis de 20
ans – veulent qu’il s’en aille. Ils n’en
démordront pas. Lakhdar Brahimi,
médiateur international en Syrie, est
bien placé pour savoir que sa mission ne
sert à rien. Il est là pour donner bonne
conscience à la « communauté
internationale ». On l’a vu à l’œuvre en
Afghanistan et en Irak, l’échec de ses
missions était programmé. Les
Etats-Unis, les pays de l’OTAN, Israël
attaqueront « l’arc chiite » quand ils
seront prêts. Une nouvelle fois, ceux
qui - comme moi - restent attachés au
principe du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, condamneront l’agression.
Alain Chevalérias :
Depuis 1970, et la prise de pouvoir par
Hafez El Assad, la Syrie a choisi le
camp de l’Union Soviétique. Pendant la
Guerre froide, il s’est servi de la
protection de son parrain soviétique
pour exercer en toute impunité sa
tyrannie sur son peuple, soutenir le
terrorisme international, comme dans le
cas de Carlos, et satisfaire ses vues
expansionnistes sur le Liban.
Avec l’effondrement de l’Union
Soviétique, Hafez a pris la mesure de
son isolement. Moscou exigeant
dorénavant le paiement immédiat des
armes indispensables au régime, Hafez a
entamé un rapprochement avec l’Occident.
La guerre contre l’Irak, baathiste lui
aussi mais par ailleurs un adversaire de
la Syrie, a été l’occasion pour Hafez de
donner des gages.
Il a ensuite compris les faiblesses
occidentales et joué de celles-ci pour
se maintenir au Liban. Avec habilité, au
Pays du Cèdre, Hafez a joué du souhait
consensuel de la communauté
internationale d’un retour à la paix
pour se faire accepter comme seul acteur
capable de l’instaurer. Il a rempli la
fonction du pyromane converti en pompier
mais en reprenant les méthodes
policières et la terreur utilisées dans
son pays.
Devenus des partenaires incontournables,
Hafez, puis Bachar se sont ainsi assuré
de la neutralité bienveillante de
l’Occident.
De plus, le clan au pouvoir était
l’interlocuteur de fait, sinon légitime,
du moins légal pour qui voulait avoir
des relations avec la Syrie.
A cela s’ajoutaient les manoeuvres des
Assad destinées à se ménager des amitiés
intéressées dans les pays occidentaux.
Comme l’offre d’un achat de scanner à
l’hôpital de Sarlat (Dordogne), en mars
1993 par la famille Tlass *, pour
soutenir la candidature à la députation
de Roland Dumas.
Mises à part ces tentatives proches de
la corruption d’hommes au pouvoir à
l’étranger, on ne peut jeter le
discrédit sur les responsables
politiques occidentaux qui ont entretenu
des relations avec la Syrie. Si l’on se
refusait à parler avec les représentants
de tous les gouvernements tyranniques,
on réduirait en effet nos relations
diplomatiques à quelques pays seulement.
De plus, Hafez, en dépit de son régime,
était un homme habile et avait su se
donner le rôle de l’homme indispensable.
Il fallait parler avec lui pour éviter
le pire.
Néanmoins, comme dans le cas de Mouammar
Kadhafi, les chefs d’Etats occidentaux
ont « avalé des couleuvres » sous
le régime des Assad. L’affaiblissement
de celui-ci est apparu comme une
occasion à saisir pour lui rendre la
monnaie de sa pièce sous le prétexte des
droits de l’homme et des valeurs
démocratiques.
Enfin, il faut tenir compte du nouveau
contexte international. La Syrie
apparaît comme un allié de poids de
l’Iran que, pour des raisons
différentes, l’Occident, mais aussi les
pays arabes, voudraient isoler.
Nous assistons à une partie d’échecs
dans laquelle chacun joue pour défendre
ses intérêts. Les notions de bien et de
mal, aux yeux des acteurs, n’ayant
qu’une signification secondaire.
QUE FAIRE : Quel rôle joue
Israël ? Les sionistes ont-ils intérêt à
la chute d’un régime hostile mais plutôt
inoffensif ? Un chaos ingérable ne
serait-il pas pire ?
Gilles Munier :
Quand une guerre approche, les
Israéliens se font silencieux. Depuis
quelques mois, on les entend assez peu
au sujet de la situation en Syrie.
Israël ne va tout de même pas dire
qu’elle préfère le régime Assad ! On dit
que le Mossad jouerait dans l’ombre la
carte du coup d’Etat interne. Mais, en
menaçant régulièrement de bombarder
l’Iran, Benyamin Netanyahou et Ehud
Barak jettent de l’huile sur le feu. Si
cela devait arriver, le chaos qui en
résulterait, ajouté à la guerre civile
en Syrie… et au Liban serait, lui,
difficilement gérable. On sauterait dans
l’inconnu.
Alain Chevalérias:
Les Israéliens sont dans une position
ambiguë. D’un côté, ils considéraient le
régime des Assad comme hostile. De
l’autre, ils savaient les Assad, en
particulier Hafez, conscients des
rapports de forces et des limites à ne
pas franchir. Cela faisait d’eux et de
la Syrie des adversaires fiables avec
lesquelles des accords étaient
possibles.
Pour preuve, quand Israël attaquait le
Liban occupé par l’armée syrienne, cette
dernière se repliait et évitait tout
conflit direct avec les Israéliens.
D’autre part, aucune attaque
palestinienne n’est partie du territoire
syrien et la Syrie n’a jamais lancé, ou
téléguidé, d’attaques contre Israël, y
compris dans la région du Golan occupée
par Israël.
En bref, un modus vivendi s’était
imposé entre Israël et la Syrie, allant
jusqu’à des rencontres secrètes au
niveau des services de renseignement.
De ce point de vue, Israël n’a aucune
raison de souhaiter la chute du régime
des Assad. Au contraire, car il craint
l’émergence d’un pouvoir, au pire
contrôlé par les islamistes, qui lui
serait hostile jusqu’à l’agression.
En revanche, impossible pour les
Israéliens de soutenir les Assad dont le
régime est de plus, ils en sont
persuadés, condamné. Ils sont même
obligés de se dire favorable à la «
Révolution » au nom de la démocratie
dont ils se prétendent les seuls
représentants dans la région.
Il existe pourtant une raison, pour les
Israéliens, de se réjouir de la chute du
régime en place en Syrie. Allié de
l’Iran, sa fin signifiera la perte d’un
allié pour Téhéran. Or, le lien entre
les ayatollahs et la Syrie passe par les
alaouites au pouvoir qui, non sans une
certaine dose d’hypocrisie, se déclarent
chiites pour conforter leur alliance.
Or, quel qu’il soit, le régime à venir
sera dominé par les sunnites, les plus
nombreux et par principe hostile à
Téhéran qui en sera affaibli.
Dans ce contexte, Israël fait le dos
rond, attendant la suite des événements,
espérant qu’ils ne lui soient pas trop
néfastes et s’apprêtant à prendre
langue, pour l’amadouer, avec le nouveau
pouvoir.
QUE FAIRE : Qui pilote l’ «
Armée syrienne libre » ? Des opposants
sincères ? Des agents du Golfe ?
Gilles Munier :
Jean-Pierre Chevènement qui sait, par
expérience, de quoi il parle, a dit, il
y a quelques jours, que la guerre civile
en Syrie est « inspirée et alimentée de
l’extérieur» par des « professionnels de
l’ingérence ». Cela ne veut pas dire que
les Occidentaux pilotent l’Armée
syrienne libre, qu’elle n’a pas
d’autonomie de manœuvre. Les services
des pays de l’OTAN n’ont guère de prise
sur les réalités de terrain. Ils doivent
s’attendre, à mon avis, à des
déconvenues.
L’Armée syrienne libre est composée
d’opposants sincères, de membres
d’organisations islamiques combattantes,
d’agents du Golfe, d’Arabie et…
d’espions du régime Assad. Les Frères
Musulmans y sont nombreux. Des
opportunistes la rejoignent, signe que
le jeu en vaut peut-être la chandelle.
Pour épouvanter l’opinion publique, le
nombre des djihadistes étrangers
augmente de jour en jour dans les
médias. Ils seraient 5 000, 10 000…
L’OTAN en dénombre 1 600, environ. Leur
ardeur au combat dynamise les
combattants peu aguerris engagés dans
l’Armée syrienne libre. Cela dit, face à
l’Armée nationale syrienne, armée en
grande partie de conscription, les
katibas de l’Armée syrienne libre sont
loin de faire le poids et il on voit mal
comment elles pourraient l’emporter.
Alain Chevalérias :
« L’armée syrienne libre » est,
d’abord et avant tout, un amalgame
désordonné sur lequel plusieurs hommes
et plusieurs tendances cherchent à
s’imposer. En outre, certains groupes
armés agissent hors de son contrôle.
Nul doute, cependant, que tous ses
membres cherchent honnêtement à
s’affranchir de la tyrannie des Assad.
Compte ce que va devenir cette entité.
Ou bien les Frères musulmans parviennent
à en prendre le contrôle avec l’aide de
l’argent des pays du Golfe et
principalement des Qataris. Ou bien, les
Syriens trouvent en eux-mêmes
suffisamment de sagesse pour échapper
aux sirènes intégristes. Comme on le
voit en Libye, plus encore en Tunisie, à
la suite des élections, si le poids des
islamistes et leur capacité de nuisance
sont réels, ils ne parviennent pas
systématiquement à dominer le paysage
politique, au contraire de l’Egypte. Un
autre conflit, voire des guerres civiles
se profilent dans l’univers arabe entre
« modernistes » et islamistes,
dont le dénouement dépend de la capacité
d’entendement du reste
QUE FAIRE : Si le régime chute,
le risque n’est-il pas à un éclatement à
l’irakienne ? Il y a aussi en Syrie des
minorités kurdes, chrétiennes ; des
chiites, des sunnites, des groupes
armés…
Gilles Munier :
Le 17 août dernier, sur la radio
militaire israélienne, Danny Ayalon -
vice- ministre des Affaires étrangères,
membre du parti d’extrême droite Israël
Beytenou - a prédit la fragmentation de
la Syrie, puis celle du Liban. Le monde
arabe, a-t-il ajouté, va retrouver la
configuration qui était la sienne à la
veille de la Première guerre mondiale.
Selon lui, les Arabes seront pendant 10
à 15 ans dans l’incapacité de s’entendre
contre Israël et finiront par réaliser
l’importance de coopérer avec l’Etat
hébreu. Et, ce qu’il espère sans le dire
: étouffer définitivement la résistance
palestinienne…
Les sionistes rêvent depuis toujours de
partitionner les pays arabes en entités
confessionnelles ou ethniques. Ils en
font une question de vie ou de mort pour
l’Etat dont ils ont obtenu la création
artificielle en mai 1948. David Ben
Gourion, fondateur d’Israël, en parlait
dans sa « théorie des alliés
périphériques ». En 1982, Oded Yinon,
fonctionnaire du ministère israélien des
Affaires étrangères, a décrit le projet
dans une revue de l’Organisation
sioniste mondiale. Les Israéliens
parviendront-ils à leurs fins ? Ils se
font en tout cas des illusions en
croyant qu’un ordre islamique ne
réclamerait pas la libération de la
Palestine et de Jérusalem, ainsi que la
restitution du plateau du Golan.
Alain Chevalérias :
Chaque pays jouit de son originalité, de
son histoire propre et de sa culture.
Les modèles ne sont pas transposables de
l’un à l’autre, même si le pire n’est
pas impossible.
Néanmoins, la Syrie est un pays de
vieille civilisation, le premier au
monde à avoir bâti un empire, au IIIème
millénaire avant J.C. De l’histoire, les
Syriens ont hérité une culture citadine,
faite de consensus entre les différentes
communautés religieuses, chrétiennes et
musulmanes principalement, même si avec
des hauts et des bas.
Ce qui n’est pas sans signification, à
l’étranger, les Syriens se retrouvent en
fonction de leur ville d’origine (Damas,
Homs, Alep, Hama etc...) et pas
seulement de leur religion. Ces villes,
du reste, ont été une référence
identitaire de base des Syriens sous le
califat arabe et encore sous l’empire
turc.
A la différence de l’Irak, où trois
grands groupes, sunnites, chiites et
kurdes ont chacun leur histoire et leur
territoire, en Syrie, dans l’espace
citadin, il y a cohabitation entre
sunnites, chiites et chrétiens.
Restent des composantes ethniques et/ou
religieuses, moins citadines et plus
centrées sur des régions montagneuses.
C’est le cas des Alaouites, des Druzes
et des Kurdes. Par peur des représailles
ou par ethnocentrisme, c’est chez ces
minorités que peut surgir le plus
facilement des pulsions irrédentistes.
Les Alaouites sont les plus susceptibles
d’y succomber. Sous le régime des Assad,
accumulation de richesses et
aménagements de structures ont préparé
leur région, centrée sur Lattaquié, à
une certaine autosuffisance. De plus, le
Jebel Alaouite (la montagne alaouite),
comme on l’appelle, dispose d’une façade
maritime évitant l’enclavement.
Les Kurdes, pour leur part, concentrés
dans le nord-est du pays, peuvent
aisément effectuer une liaison avec
leurs frères de Turquie et d’Irak et
trouver chez eux un soutien qui leur
permette de se couper de la Syrie.
Les Druzes, en revanche, sont très
isolés, enclavés dans les montagnes à la
frontière d’Israël et de la Jordanie et
ne représentent que 3 % de la
population. Un poids démographique qui
ne leur laisse pas l’espoir de
constituer une entité économiquement
fiable, sauf à s’allier avec Israël et à
s’aliéner le monde arabe.
Néanmoins, les Alaouites ne représentent
que 11 % de la population et les Kurdes,
15 %. Voilà pourquoi, s’il y a risque
d’éclatement de la Syrie, il ne
concernerait, croyons-nous, que la
périphérie, le Jebel Alaouite, le
nord-est kurde, voire l’extrême sud
druze.
De la sagesse de l’autorité qui se
mettra en place dépendra l’intégrité du
pays. Ou il s’appuie sur l’islam arabe
et sunnite, comme risque de le faire les
Frères musulmans, poussant à la fracture
de la Syrie, ou il tire un trait sur le
régime des Assad et joue la
réconciliation, favorisant la
reconstruction de la nation syrienne.
* Le général Mustapha Tlass, sunnite et
longtemps ministre de la Défense de
Hafez El Assad, est le père de Nahed
Ojjeh, belle et richissime veuve du
milliardaire saoudien Akram Ojjeh.
Celle-ci vit à Paris et a été la
maîtresse du journaliste Frantz-Olivier
Giesberg et de Roland Dumas. Mustapha
Tlass est le principal ordonnateur des
massacres de Hama en 1982. Il s’est
réfugié à Paris depuis un an et a été
rejoint par son fils, Manaf, lui-même
général, en juillet dernier.
Source :
http://quefaire.e-monsite.com/pages/interviews/regards-sur-la-crise-syrienne-sept-2012.html
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 8 septembre avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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