Interview
Syrie: Nous
n'avons aucun problème avec le « respect
mutuel » !
Bachar al-Assad
Photo:
Sana
Jeudi 19 septembre 2013
Le 19 Septembre
2013, le Président Bachar al-Assad a
accordé un entretien à deux journalistes
de Fox News [USA] rendus à Damas. Voici
la traduction de la deuxième partie.
Fox News :
Monsieur le Président, permettez-moi de
vous poser des questions d’ordre
diplomatique. Quelles sont les
initiatives que vous seriez prêt à mener
pour rétablir la confiance et avancer
vers la paix dans votre pays ?
Président Al-Assad :
Toute initiative diplomatique menée sans
avoir ramené la stabilité et débarrassé
le pays des terroristes ne sera
qu’illusion ! C’est pourquoi, toute
initiative diplomatique doit commencer
par stopper l’afflux des terroristes,
leur soutien logistique ainsi que leur
soutien en armes et en argent. Pour la
suite, nous disposons d’un plan global
qui permettra aux Syriens de s’asseoir
autour d’une même table pour discuter
ensemble de l’avenir de la Syrie, de son
régime politique, de sa constitution, et
de tout le reste.
Fox News: Est-ce
que cet avenir inclut des négociations
avec l'opposition syrienne ?
Président Al-Assad :
Parfaitement... mais ceci ne signifie
pas négocier avec les terroristes.
Fox News: Je
comprends. Mais est-ce que cela signifie
que vous êtes prêt pour, disons, un
programme de réconciliation avec vos
opposants ? Êtes-vous prêt à cela ?
Président Al-Assad :
Certainement. Nous l’avons même annoncé
tout au début de cette année. Nous avons
dit que nous étions prêts à discuter
avec n’importe quel parti politique en
Syrie ou à l’extérieur de la Syrie.
Fox News : Parlons
de l’avenir et de l’année qui vient...
Seriez-vous prêt à offrir l'amnistie à
tous les Syriens qui se sont opposés à
votre gouvernement ?
Président Al-Assad :
Ils n’ont pas enfreint la loi. Par
conséquent, si ce sont des opposants au
gouvernement, ils n’ont pas besoin
d’amnistie pour venir en Syrie.
L’amnistie n’est envisageable que pour
des personnes qui ont violé ou enfreint
la loi syrienne. S’opposer au
gouvernement n'est pas un crime.
Fox News :
Considérez-vous l’amnistie comme une
voie pouvant mener vers la paix ?
Président Al-Assad :
Cela dépend... S’il s’agit de personnes
qui ont fait couler le sang syrien, il
est possible de l’envisager dans le
cadre d'une réconciliation nationale.
Fox News: Y
compris des réparations aux familles de
ceux qui ont été tués ?
Président Al-Assad :
Ce n'est pas au président de définir
tous ces détails. Je pense que c’est
l’ensemble de toutes les factions ou
parties qui le feront.
Fox News : Puisque
vous allez vers un processus de paix,
que diriez-vous, Monsieur le Président,
à ces millions de Syriens devenus des
réfugiés ? Que pourriez-vous faire pour
les inviter à revenir chez eux ?
Président Al-Assad :
Bien sûr que nous voulons qu'ils
reviennent dans leurs villages, leurs
villes et leurs foyers. Nous le voulons.
Mais nous devons les aider à se
débarrasser des terroristes, parce que
la majorité de ces réfugiés ont quitté à
cause d’eux et non à cause du
gouvernement. En réalité, nous avons des
réfugiés à l’intérieur même de la Syrie
et ils sont aidés par le gouvernement.
Fox News :
Permettez-moi de vous demander si vous
avez parlé avec le président Obama?
Président Al-Assad :
Jamais.
Fox News : Lui
avez-vous parlé à un moment ou à un
autre ?
Président Al-Assad :
Non... jamais.
Fox News : Cela
vous intéressait-il de parler avec notre
président?
Président Al-Assad :
Cela dépend du contenu... il ne s’agit
pas de bavarder !
Fox News : Si, en
ce moment précis, vous aviez l’intention
de lui adresser un message, que lui
diriez-vous ?
Président Al-Assad :
Écoutez votre peuple. Suivez le « sens
commun » [1]
de votre peuple. Ça suffira.
Fox News : Le Pape
François a invité la communauté
internationale à abandonner la
vaine
poursuite d’une solution militaire.
Croyez-vous que ses conseils
s’appliquent à vous et à votre
gouvernement autant qu’à d'autres pays ?
Président Al-Assad :
Certainement ! Nous avons invité chaque
milicien en Syrie à déposer ses armes,
en conséquence de quoi nous lui avons
offert l'amnistie et la possibilité de
reprendre le cours normal de sa vie de
citoyen. Bien sûr que nous le croyons !
Fox News : Je vous
remercie. Avant de passer la parole à
mon collègue, j’aimerai vous poser une
question qui me tracasse autant qu’elle
tracasse d’autres Américains. Tous ceux
qui, regardent cette interview, à
travers le monde, ne savent pas que vous
êtes Docteur en Médecine et que vous
avez pratiqué ce métier avant de devenir
Président. Comme vous le savez, les
médecins font le serment d'Hippocrate
par lequel il s’engage à ne jamais nuire
à personne. Est-ce qu'un médecin
abandonne cet engagement à partir du
moment où il accède à des fonctions
politiques ?
Président Al-Assad :
Tout d'abord, Tous les médecins
prennent la bonne décision pour protéger
la vie du patient mais vous ne pouvez
pas dire qu'ils ne font jamais souffrir
physiquement, puisqu’il leur faut
parfois extirper le membre malade qui
risque de le tuer. Il peut devoir
extraire un œil... amputer une jambe...
vous ne diriez pas que c'est un mauvais
médecin et il n’en demeurerait pas moins
que, quoi qu’il fasse, cela reste un
travail humanitaire. Il en est de même
pour les politiciens, mais à plus grande
échelle. Un médecin traite un seul
patient à la fois, alors que le
politicien doit traiter avec le peuple
et donc des millions, voire des dizaines
de millions de personnes...
Dès lors, la question
est de savoir si votre décision devrait,
ou non, aider la vie des Syriens dans la
situation où ils se trouvent. Personne
n'aime la violence. Nous sommes contre
la violence. Mais que feriez-vous si les
terroristes attaquaient votre pays et
tuaient votre peuple ? Diriez-vous que
vous êtes contre la violence ou bien
vous défendriez-vous ? Vous disposez
d’une armée et d’une police qui doivent
faire leur travail. C'est la
constitution et c'est le rôle de tout
gouvernement. Dans les années 90,
qu'avez-vous fait à Los Angeles lorsque
vous avez été confrontés à des rebelles
? N'avez-vous pas envoyé votre armée ?
Vous l'avez fait ! C’est donc la
mission du gouvernement.
Le plus important
lorsque vous prenez une décision, est
qu’elle doit aider la majorité de la
population, qu’elle nuise ou pas. Il est
préférable que vous preniez la décision
qui aiderait toute la population, mais
parfois...dans certaines
circonstances... des circonstances
difficiles... vous ne le pouvez pas.
Alors, vous devez prendre la décision la
moins nuisible.
Fox News : Merci
Monsieur le Président. Greg !
Fox News :
Monsieur le Président, notre temps est
limité, mais je voudrais brièvement
revenir en arrière. J'étais ici en 2000
pour les funérailles de votre père,
avant que vous n’accédiez à la
présidence. À l’époque, vous aviez
suscité un réel espoir chez certains,
qui voyaient en vous un « réformateur »
capable de changer les choses et
d'apporter plus de démocratie dans ce
pays. Mais aujourd’hui, les critiques et
les analystes disent que vous avez
reculé au point d’être qualifié de
« dictateur » et pire encore... Que
ressentez-vous quand vous entendez dire
que vous avez perdu du terrain, ou perdu
la trace que vous auriez dû suivre ; et
qui aurait pu vous épargner ce qui est
arrivé ?
Président Al-Assad :
Tout d'abord, si vous parlez d’espoir,
je voudrais dire que je suis l’espoir
des Syriens. Peu importe que je sois
l'espoir de n’importe quelle
personnalité étrangère, officielle ou
non. Par conséquent, tous les termes
utilisés dans votre question doivent
être soumis aux Syriens pour savoir
s’ils sont ou non d’accord là-dessus. Au
final, ce qui compte c’est le contenu,
non les mots. Peu importe qu’ils parlent
de dictateur ou de réformateur.
Aujourd’hui, vous avez la propagande !
Ont-ils usé de ces mêmes mots envers
leurs alliés des pays du Golfe ?
Parlent-ils de dictature lorsqu’il
s’agit des États du Golfe ?
Fox News : Nous
parlons de la Syrie.
Président Al-Assad :
Oui, je sais, mais j'ai le droit de
parler d’autres États qui sont très loin
d’être démocrates par rapport à l'État
syrien. Pour en revenir à votre
question, la réforme d’un pays ne relève
pas de la responsabilité d'une personne
en particulier ; qu’il s’agisse du
président, du gouvernement, ou du
peuple. Le Président et le gouvernement
peuvent conduire la réforme, mais la
réforme est un processus social
influencé par de nombreuses questions de
nature différente, dont des facteurs
externes.
Y’a-t-il guerre ? Y’a-t-il stabilité ?
Y’a-t-il de bonnes conditions
économiques ?
Y’a-t-il de très mauvaises
idéologies venues de l'étranger ?
Donc, pour revenir à
la réforme que j’ai annoncée à mes tous
débuts : je crois toujours au même
concept, aux mêmes valeurs et principes.
Notre démocratie devrait être le reflet
de nos propres traditions. Le but est
d’arriver à la prospérité et d’atteindre
une démocratie basée sur l'acceptation
de l'autre. Quand vous avez une
idéologie hermétique et de nombreux
tabous qui vous empêchent d'accepter
l’autre, vous retournez en arrière. Peu
importe ce qu’entreprend le Président
contre cela. Ni la constitution, ni la
loi, ni aucun autre processus ne peuvent
aboutir à une vraie et réelle démocratie
dans un tel environnement. Vous pouvez
parler de démocratie dans le seul cas où
elle est l’œuvre de la société. C'est
donc une culture.
Je suis toujours un
réformateur. Je crois toujours aux mêmes
valeurs. Mais si vous vous remémoriez
l’Histoire des dernières décennies, vous
constateriez que notre région a vécu les
situations les plus complexes... C’est
l’une des raisons qui font que partout,
sauf en Syrie, la démocratie y est allée
à reculons et que nous nous en éloignons
plutôt que de nous en rapprocher.
Fox News : Encore
une fois, parlons de votre pays, et
revenons aux événements récents d’il y a
deux ans et demi, date de la première
manifestation... Certains ont dit que
c’était un signe de mécontentement de la
population... Là je parle des Syriens
mécontents de votre transition vers la
démocratie, et qui disent que c’était la
seule chose qu’ils réclamaient. Plus de
démocratie et plus de réformes ! À
l’époque ils ne vous demandaient pas de
quitter le pouvoir. Ceux qui vous
critiquent disent que vous avez réagi
vite et avec brutalité, avec les chars
qui ont ciblé les manifestants, les
tortures, etc. Alors, une fois de plus
vous avez raté votre chance. Que
ressentez-vous deux ans et demi plus
tard ?
Président Al-Assad :
Posons-nous une simple question. Si nous
avions voulu opprimer ces gens, parce
que nous refusions d’accéder à leurs
demandes, pourquoi aurais-je déclaré
lors d’un discours officiel, et donc en
tant que Président, qu’ils avaient des
revendications légitimes ? Ensuite, si
nous voulions procéder par la force,
pourquoi avons-nous modifié la
Constitution ? Pourquoi avons-nous
modifié la loi ? Pourquoi sommes-nous
rendus à plus de 15 nouveaux partis
politiques en Syrie ? Pourquoi
avons-nous changé tant de lois qu'ils
n’avaient même pas réclamées ?
Pourquoi ? Parce que
la situation n’avait rien à voir avec la
démocratie. Si tel était le cas, comment
se fait-il qu’ils aient tué des
manifestants ? Ici, je ne généralise
pas. Certains ont manifesté pour les
raisons que vous venez de mentionner,
mais d'autres ont assassiné des soldats
et des policiers ; ceci dès la première
semaine du conflit. Quelle relation y
a-t-il entre la demande de démocratie,
les meurtres, et les assassinats ? Nous
devons donc distinguer entre des
demandeurs de démocratie et des
terroristes. Une partie de ces
demandeurs de démocratie qui, hier,
s'opposaient au gouvernement le
soutiennent aujourd'hui contre les
terroristes ; parce qu'ils ont demandé
une réforme, non des terroristes !
Ainsi, vous parlez de deux situations
complètement différentes ; celle
correspondant au tout début du conflit
et celle d'aujourd'hui.
Nous sommes toujours
déterminés à suivre la voie de la
démocratie. Il y a quelques minutes je
vous ai donné une partie de la solution.
Lorsque nous nous mettrons autour de la
table... le peuple syrien décidera de ce
qu’il considérera comme la meilleure
constitution et le meilleur régime. Sera
t-il parlementaire, présidentiel, ou
quasi présidentiel ? Quelles lois
veut-il ? Ainsi de suite, pour tout le
reste. Ce n’est donc pas le président
qui impose son régime politique, et
c’est cela la démocratie !
Fox News : Vous
m’apportez un élément qui mène à ma
prochaine question. Certains diront que
vous menez une « guerre d'usure », parce
que vous avez attendu et que vous avez
commencé par opprimer ceux qui voulaient
une transition pacifique vers la
démocratie. Au bout de deux ans et demi
de combats, ils sont prêts à céder un
peu. De plus, vous auriez commencé par
parler de terroristes venus de
l’étranger. Ainsi en jouant sur le temps
et les terroristes, vous auriez créé
cette situation sur le terrain, qui a
permis l’afflux des terroristes. De ce
point de vue, vous n'auriez pas vraiment
changé l'esprit des gens, vous les
auriez simplement coincés dans un
« box ». Après deux ans et demi, 110 000
morts, des villes en ruines... vous
espérez encore que ces gens adoptent
votre conception. Est-ce vraiment ce que
vous en escomptiez ?
Président Al-Assad :
Ainsi, le fin fond de votre idée serait
que j’ai créé l'ambiance favorable à la
venue des terroristes en Syrie ?
Fox News : Vous
avez refusé, assez longtemps, les
revendications de manifestants
pacifiques.
Président Al-Assad :
Dès le début, nous avons accepté les
revendications.
Fox News : Vous
avez accepté les revendications ?
Président Al-Assad :
Dès le tout début, avant même que les
terroristes n’arrivent de l’étranger.
Dès le tout début. Six jours après le
début du conflit en 2011, nous avons dit
que nous procéderions à des changements,
et nous avons démarré le processus de
révision de la constitution deux ou
trois mois après. Je n'ai pas changé la
constitution. Il y a eu référendum, et
le peuple a voté pour une nouvelle
constitution début 2012, en Février,
avant même la fin d’une année du
conflit. Donc, ce que vous dites est
très loin de la réalité. L’histoire est
complètement différente, rien de ce que
vous avez évoqué ne s'est passé en
Syrie. Il s'agit peut-être d'un autre
pays... Ce qui s’est passé est que le
tout début des manifestations, nous
avons dit que s’il y avait des
revendications, nous étions prêts à
procéder à des modifications sur
n’importe quel sujet. Que ferait un
Président, ou comment pourrait-il
réussir si le peuple est contre lui ?
Comment peut-il réussir ? Vous voulez
qu’il soit Président juste pour le
plaisir d'être Président ? Ce n'est pas
réaliste. C'est impossible !
Fox News : Que
diriez-vous de vos tactiques dans cette
guerre ? Il ya un an, nous étions à
Homs, l'une de vos grandes villes. Nous
avons vu votre artillerie, alignée tout
autour, bombarder sans relâche le centre
ville. Vous dites que vous poursuivez
l’ennemi. Vous dites que vous poursuivez
des terroristes. Certains diraient qu’il
s’agit de bombardements aveugles qui ont
causé la mort de beaucoup, beaucoup de
civils, et que vous avez laissé cette
ville et beaucoup d’autres villes comme
Alep, en ruines. Je veux dire, que si
vous pensez qu’il y a des terroristes
ennemis de votre État [dans ces zones],
est-ce une façon de les poursuivre ?
Président Al-Assad :
C'est donc comme si vous disiez que les
civils restent sur place lorsque les
terroristes s'infiltrent ou attaquent
certaines zones de n'importe quelle
ville ? Ce n’est pas vrai. Chaque fois
que les terroristes arrivent quelque
part, les civils fuient, sauf s’ils les
utilisent comme boucliers humains. C’est
ce qui s’est souvent passé, et c'est
pourquoi il y a tant de déplacés. Ainsi,
dans la plupart des cas, l'armée
syrienne a attaqué des zones vidées de
leurs habitants, et il est difficile
d’en trouver où coexistent des civils et
des terroristes.
Fox News : Mais
des estimations existent, Monsieur le
Président. À ce jour et sur un total de
110 000 morts, 50 000 au moins seraient
des civils. Voulez-vous dire qu'il y
aurait 50 000 boucliers humains?
Président Al-Assad :
Tout d'abord, de quelle source
tenez-vous vos informations ?
Fox News : C'est
une estimation faite par les analystes
qui se penchent sur ces chiffres. Vous
pensez qu’ils seraient inférieurs ?
Président Al-Assad :
Des Analystes des USA et demeurant aux
Etats-Unis ou ailleurs.... Vous pouvez
parler des faits. Vous ne pouvez pas
parler des estimations et allégations.
Fox News : Tout le
monde est d’accord sur ce chiffre de
111 000.
Président Al-Assad :
Bien sûr ! J’ai dit il y avait des
dizaines de milliers de morts, mais je
n’ai pas donné de chiffres précis pour
la seule raison qu’il y a des milliers
de portés disparus que nous ne pouvons
compter parmi les morts avant de savoir
qu’ils sont morts. Maintenant, c’est une
guerre ! Donc, parler des chiffres vous
oblige à être très précis. Vous citez
des chiffres comme s’il s’agissait d’une
feuille de calcul électronique, sans
compter qu’ils ont des familles et que
c’est une tragédie. Nous, nous vivons
avec ce peuple !
Il s'agit d'une
tragédie humaine. Il ne s'agit pas de
chiffres. Il s’agit de chaque famille
qui a perdu des êtres chers en Syrie, y
compris ma famille ! Nous avons perdu
des proches. Nous avons perdu des amis.
Et c'est pour cela que nous sommes en
train de combattre le terrorisme. Si
nous les laissions faire sans les
combattre, ce chiffre, s’il était proche
de la réalité, serait plusieurs fois
multiplié et se compterait en millions,
non seulement en centaines de milliers.
Fox News : Nous ne
voulons pas nous perdre dans les
chiffres parce que, comme vous le dites,
il s’agit d’un problème humain. Mais
encore une fois, vous avez dit que 90%
de l'opposition, donc des rebelles, sont
d’Al-Qaïda. Vous maintenez ce
pourcentage ? 90% ?
Président Al-Assad :
80 à 90%. Personne n'a le nombre exact.
Vous n'avez pas le nombre exact, car ils
vont et viennent par flots irréguliers.
Fox News : Vous ne
pensez pas que c’est là un pourcentage
trop élevé ? Je veux dire que certaines
personnes l’estiment inférieur, à 50/50.
On pourrait dire que c'est au minimum du
fifty/fifty ?
Président Al-Assad :
Quelles personnes ? Je suis sûr que ce
ne sont pas des personnes syriennes.
Personne, en Syrie, n’a parlé de 50/50.
Ou alors, c’est depuis l’étranger... ils
ont leurs propres estimations. Mais en
fin de compte, c'est notre conflit. Nous
vivons ici, dans notre propre pays, nous
pouvons donner des chiffres. Mais fity/fifty...
comment les ont-ils comptés ?
Fox News : Alors
encore une fois, juste pour résumer ce
que vous venez de dire, je rappellerais
l’une de vos citations qui est
"l'opposition a été fabriquée à partir
de l'étranger." C’est vraiment ce que
ressentez ?
Président Al-Assad :
Ce n'est pas un sentiment, et il ne
s’agit pas de comment je ressens. Il
s'agit de comment les faits se
présentent à nous. S'ils n'ont pas de
base populaire en Syrie -parce que nous
avons une opposition [intérieure] en
Syrie et qui a une base populaire-
pourquoi s’opposent-ils à partir de
l'étranger ? Comment vivent-ils? Qui les
finance ? Comment sont-ils financés ?
Nous savons tous que certains d'entre
eux font partie des États-Unis, de la
Grande-Bretagne, de la France, du Qatar,
de l'Arabie saoudite... Une véritable
opposition n’appartient qu’au peuple
syrien. Tant qu'ils n'appartiennent pas
à ce peuple, ils sont fabriqués par
d'autres pays. C'est l’évidence même.
Fox News : Je
voudrais m’assurer d’une seule chose.
Êtes-vous entrain de minimiser les décès
pour dire qu’ils ne sont pas 50 000,
mais plutôt 40 000 ou 30 000 ?
Président Al-Assad :
Vous ne pouvez pas minimiser, parce
qu’aujourd’hui la douleur est dans
chaque maison. La tristesse est dans
chaque maison, que ce chiffre soit
supérieur ou inférieur. C'est une
tragédie. C’est nous qui vivons en
Syrie. Mais nous devons parler des
causes. Qui a tué ces gens ? Ce n’est
pas le gouvernement, mais les
terroristes ! Nous défendons notre pays.
Si nous ne nous défendions pas, ce
chiffre serait plusieurs fois
multiplié... c'est ce que je voulais
dire.
Fox News : J’ai
juste voulu clarifier cela. Maintenant,
considérant la situation d’ici d’une
manière plus globale -ce qui semble
correspondre à un moment critique pour
le monde- d'ici même, de cette Syrie
déchirée par la guerre, pourrait se
développer une nouvelle feuille de route
vers la paix mondiale, qui commencerait
par l’abandon de vos armes chimiques
pour ensuite avancer selon un plan
concret menant à la paix en Syrie.
Pensez-vous que nous assistons à un tel
de moment ?
Président Al-Assad :
Parlez-vous de la situation en Syrie ?
Il n'y a pas de relation directe entre
la question des produits chimiques et la
question du conflit à l’intérieur de la
Syrie. Elles sont complètement
différentes. Donc, si nous voulons
avancer vers une solution politique,
nous le pouvons, mais ce n'est pas lié à
l'accord chimique.
Fox News : Je
comprends, mais le fait est que c’est la
question des armes chimiques qui a
interpellé le monde pour finalement
retenir son attention. Est-ce le moment
à partir duquel vous pensez pouvoir
construire quelque chose ?
Président Al-Assad :
Cela dépend en grande partie des pays
qui soutiennent les terroristes en
Syrie.
Fox News : Avant
de revenir à Greg, beaucoup de pays sont
désormais impliqués dans ce processus,
pas seulement les États-Unis et la
Russie, mais aussi l'Iran, Israël, la
Turquie et même la Chine. Donc, tout
dépend de la coopération de la Syrie
avec le processus de Genève. Êtes-vous
prêt à faire en sorte que cette
opportunité ne se délite ?
Président Al-Assad :
Dès le début, nous avons soutenu le
processus de Genève. Nous avons coopéré
avec les émissaires de l'ONU qui sont
venus en Syrie [2].
En fait, celui qui a fait obstacle, ce
n'était ni la Syrie, ni la Russie, ni la
Chine. Ce sont les États-Unis, et pour
de nombreuses raisons. La raison
principale est qu'ils n'ont pas une
vraie « opposition de l’extérieur ». Ils
savent que c’est là l’un de leurs
principaux problèmes, parce que la
conférence de Genève doit
essentiellement se fonder sur la volonté
du peuple syrien. Par conséquent, quel
que soit l’accord sur lequel nous
conviendrons à Genève, il sera soumis au
peuple syrien. Si vous ne disposez pas
d’une base populaire, vous ne pourrez
pas le convaincre d’aller dans votre
sens. Pour être très clair et très franc
avec vous, c'est le problème des USA
avec leurs marionnettes !
Fox News : Merci
Monsieur le Président. Greg !
Fox News : Pour
rebondir sur ce même sujet, Monsieur le
Président, certains pensent qu’il y a en
effet une piste à suivre et que
pour la première fois, depuis deux ans
et demi, vous vous tournez sérieusement
vers la communauté internationale pour
parler d’une piste de négociation -une
piste étroite, nous sommes d’accord-
mais qui porte seulement sur les armes
chimiques ; alors qu’il pourrait y avoir
une possibilité pour de plus larges
négociations. Pourrez-vous être de la
partie si vos puissants alliés qui sont
en réalité le véritable parrain de cette
nouvelle vague de discussions et de
négociations, [pourrez-vous être de la
partie si] la Russie estime qu'il serait
peut-être plus utile que vous ne restiez
pas à votre poste ? Quelle serait votre
position ? Resterez-vous jusqu’à la fin,
ou bien seriez-vous prêt à démissionner
si cela pouvait faciliter les choses,
pour le bien de votre pays ? Le
feriez-vous ?
Président Al-Assad :
Rester ou ne pas rester à mon poste, en
tant que Président, devrait être défini
et décidé par le peuple syrien et par
les urnes. Personne d'autre, qu’il soit
ami ou ennemi ou autre, ne peut se
prononcer sur cette question. Si le
peuple syrien veut que vous soyez
Président, vous devez rester. S'il ne
veut pas de vous, vous devez quitter sur
le champ, avec ou sans Conférence. C'est
une évidence indiscutable. Comme je l'ai
dit maintes fois, personne d’autre ne
peut en décider, et la Russie n'a jamais
tenté de s'immiscer dans les affaires
syriennes. Il y a un « respect mutuel »
entre la Syrie et la Russie, qui n’a
jamais essayé de se mêler de ces détails
syriens. Seuls l'administration
américaine, ses alliés en Europe, et
certains de leurs marionnettes ne
cessent de répéter ces propos... le
Président doit quitter... ce que le
peuple syrien devrait faire... quel
genre de gouvernement... Il n’y a que ce
bloc qui interfère dans les affaires
d'un pays souverain !
Fox News: Je sais
que vous avez déclaré que des élections
sont prévues pour 2014, et que vous
accepterez le verdict du peuple, pour ou
contre vous. Vous mèneriez cela dans le
climat actuel ?
Président Al-Assad :
Vous devez sonder l'humeur, la volonté
et le désir du peuple à ce moment là,
pour voir s’il veut que vous soyez
candidat ou pas. S'il considère
négativement votre candidature, vous ne
vous présentez pas. Il est donc encore
trop tôt pour en parler, parce que
quelque chose de nouveau arrive chaque
jour. Je peux prendre ma décision avant
les élections.
Fox News :
Monsieur le Président, d’après le New
York Times, le Président Obama, parlant
de la Syrie, a déclaré que le plus
important des objectifs est de réduire
l'usage et la prolifération des armes
chimiques dans le monde. Croyez-vous que
cela pourrait être l’occasion de
rétablir les relations entre la Syrie et
les États-Unis?
Président Al-Assad :
Cela dépend de la crédibilité de
l'administration, quelle qu’elle soit.
Cela dépend de l'administration
américaine.
Fox News: Mais
vous ne dites pas que notre président
manque de crédibilité... Je vous demande
si c'est une occasion pour vous de
rétablir les relations avec les
États-Unis?
Président Al-Assad :
Comme je le disais, la relation dépend
de la crédibilité de l'administration.
Nous n'avons jamais considéré les
États-Unis comme un ennemi. Nous n'avons
jamais considéré le peuple américain
comme un ennemi. Nous préférons toujours
avoir de bonnes relations avec tous les
pays du monde, à commencer par les
États-Unis parce que c'est le plus grand
pays du monde. C’est normal et c’est
évident. Mais cela ne veut pas dire que
nous devons nous diriger là où les
États-Unis voudraient nous diriger. Nous
avons nos intérêts, nous avons une
Civilisation et nous avons notre
volonté. Ils doivent les accepter et les
respecter. Nous n'avons pas de problème
avec le « respect mutuel ». Nous voulons
avoir de bonnes relations, bien sûr !
Fox News :
Permettez-moi de vous demander quelques
précisions sur l’avenir. Allez-vous vers
une sorte de Constitution qui
garantirait une plus grande liberté au
peuple syrien ? Voulez-vous vraiment
travailler dans ce sens ?
Président Al-Assad :
Notre Constitution actuelle garantit
plus de liberté, mais tout dépend du
contenu de la liberté. C'est ce dont les
parties syriennes pourraient discuter
autour de la table. Ce n'est pas la
constitution du Président. Ce n'est pas
ma vision ou mon propre projet. Le
projet devrait être national. Les
Syriens devraient définir exactement ce
qu'ils veulent et je
dois
accepter
leur
volonté.
Fox News : Par
exemple, que pensez-vous des élections
libres ?
Président Al-Assad :
Selon notre constitution actuelle, nous
avons déjà des élections libres. Nous
aurons des élections libres l'année
prochaine, en mai 2014.
Fox News : Un
autre que vous pourrait-il être
Président de la Syrie ?
Président Al-Assad :
Certainement, n'importe qui le voudrait
le pourrait.
Fox News : Vous
n'êtes donc pas la seule personne qui
pourrait l’être ?
Président Al-Assad :
Non, je ne serais pas la seule personne.
Fox News : Donc,
vous croyez qu'une transition pacifique,
sans vous au pouvoir, est possible en
Syrie ? Est-ce possible ?
Président Al-Assad :
Qu'entendez-vous par transition ?
Transition vers quoi ?
Fox News : Une
transition vers une résolution du
conflit et de la guerre. Est-ce possible
sans vous au pouvoir ?
Président Al-Assad :
Si le peuple syrien ne veut pas que je
sois en situation transitoire,
permanente, normale ou naturelle, cela
signifie que tout devrait se passer de
manière pacifique. Tout ce que le peuple
refuse est nécessairement non pacifique.
Fox News : À quoi
ressemblera la Syrie dans cinq ans ?
Président Al-Assad :
Le jour ou nous en aurons fini avec ce
combat, nous devrons faire face à de
nombreux défis. Le plus urgent est, bien
sûr, que nous nous débarrassions des
terroristes comme je l'ai dit. Mais le
défi le plus important est leur
idéologie. Il est indubitable que la
présence de terroristes extrémistes,
venus de partout dans le monde, a eu des
effets secondaires dans le cœur et
l’esprit des plus jeunes en particulier.
Que pouvez-vous attendre d'un enfant qui
a tenté de décapiter quelqu'un de sa
main ? Que devez-vous attendre des
enfants qui ont vu à la télévision et
sur Internet, les décapitations, les
têtes sur barbecue, les cannibales... Je
suis persuadé que cela aura laissé des
dommages psychologiques et de mauvais
effets secondaires sur la société. Nous
devrons réhabiliter cette génération et
lui ouvrir l’esprit, comme la société
syrienne a toujours été. Je parle
évidemment de foyers locaux ; lesquels,
si nous ne nous en occupions pas, se
propageraient comme l’onde d’une eau
dans laquelle on aurait balancé un
caillou. Nous devrons aussi reconstruire
notre infrastructure qui a été détruite,
ainsi que notre économie. Et comme je
l’ai déjà dit, nous devrons construire
un nouveau système politique qui
convienne au peuple syrien, un nouveau
système économique... et toutes les
ramifications issues de ces titres
principaux.
Fox News :
Monsieur le Président, en tant que
journaliste, je veux juste vous dire ce
que je vois lorsque je voyage à travers
le pays. J'ai vu cette crise évoluer. À
l'heure actuelle j’observe, comme vous
le faites, votre pays où peut-être 60% à
70% de votre territoire et 40% de votre
population sont hors de votre contrôle.
Six millions de personnes, presque le
tiers de votre population, ont été
déplacées par cette guerre. Nous avons
parlé du nombre de décès et de blessés.
Voyez-vous un quelconque chemin pour
revenir en arrière ? Voyez-vous une
quelconque manière qui fasse que le
peuple, dans sa totalité, soit de
nouveau derrière vous ? Voyez-vous
n’importe quoi que vous pourriez faire
en ce moment pour rattraper ces deux ans
et demi d'horreur, de guerre sanglante
et écrasante dans laquelle s’est enfoncé
ce pays ?
Président Al-Assad :
Maintenant que la majorité du peuple a
subi, et a compris ce qu’est le
terrorisme... je parle d’un pays qui
était l’un des plus sûrs au monde et qui
était classé au 4ème rang
mondial du point de vue de la sécurité
intérieure... [maintenant que les gens]
ont vécu l'extrémisme et le terrorisme,
en direct, ils soutiennent le
gouvernement. Ils sont derrière le
gouvernement. Peu importe qu’ils soient
derrière moi ou pas. Le plus important
est que la majorité est derrière les
institutions.
Quant à vos
pourcentages, ils sont inexacts. Quels
qu'ils soient, c’est vrai que l'armée et
la police ne sont pas partout présentes
sur le territoire syrien. Le problème ne
consiste pas en une guerre entre deux
pays et deux armées, comme vous semblez
le suggérer lorsque vous dites que je
contrôle certaines régions ou en libère
d’autres... Il s'agit d’une infiltration
par des terroristes. Quand nous en
débarrassons certaines zones, ils vont
vers d’autres, pour détruire, tuer et
commettre leurs crimes habituels. Et le
problème le plus dangereux auquel nous
sommes confrontés est leur idéologie, ce
qui est autrement plus important que le
pourcentage de régions que nous
contrôlons ou qu’ils contrôlent.
Pour finir, un grand
nombre d'entre eux sont des étrangers
non Syriens. Un jour ils partiront ou
mourront ici, en Syrie, mais leur
idéologie restera le principal souci de
la Syrie et des pays voisins. Et cela
devrait être le souci de tous les pays
du monde, y compris des États-Unis !
Fox News :
Monsieur le Président, merci beaucoup
pour cet entretien.
Président Al-Assad :
Je vous remercie d’être venus en Syrie.
Docteur Bachar al-Assad
Président de la République arabe
syrienne
19/09/2013
Texte transcrit et
traduit par Mouna Alno-Nakhal
Source : Vidéo, 2ème
partie / Site de la Présidence de la
République arabe syrienne [sous-titrée
en arabe – Sana]
http://www.youtube.com/watch?v=L2J6xHRMFuU
Notes :
[1]
Le concept de « sens commun » :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sens_commun
Dans la philosophie des Lumières il
devient une sorte de bon sens, de bonne
morale et de logique universelle...
« une connaissance minime, inscrite dans
les choses mêmes, et que toute société
détient de façon quasi génétique ».
La philosophie pragmatique américaine a
une appréciation plus positive du sens
commun que la philosophie continentale
française...
[2]
Syrie : L’initiative russe ? Oui... mais
pas à sens unique !
http://www.mondialisation.ca/syrie-si-linitiative-netait-venue-de-la-russie-nous-naurions-pas-travaille-en-vue-de-la-signature-de-la-convention-sur-linterdiction-des-armes-chimiques/5349746
Le
dossier Syrie
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Les dernières mises à jour
|