Syrie
Démentir la
présence d'el-Qaëda en Syrie est un
mépris de la raison
Alain
Chouet
© Flickr/(CC)/Sénat
Vendredi 25 mai 2012
Nidal Hemadé - Paris
L’ancien chef de la Direction de
la Surveillance du Territoire en
France (DST), Alain Chouet est
bien connu par les Français,
notamment dans le domaine de la
lutte contre le terrorisme
salafiste et l’organisation el-Qaëda.
Ses compatriotes se rappellent
toujours de ses propos clairs et
tranchants, et de ses discours
s’en prenant à l’Arabie saoudite
dans plusieurs occasions, au
Sénat et aux universités
françaises.
Les services de sécurité de son
pays le considèrent une
référence essentielle, à propos
de tout ce qui concerne les
organisations salafistes,
notamment l’organisation el-Qaëda
au Maghreb. Ses prises de
position relatives à la crise
syrienne sont radicalement
opposées à celles de l’ancien
gouvernement de Sarkozy et à la
méthode adoptée par la France à
l’égard de la Syrie.
Alintiqad a eu un entretien
téléphonique avec l’ex-patron de
la DST et l’a interrogé sur la
situation en Syrie.
-
D’après-vous, qui est derrière
les derniers attentats perpétrés
à Damas ?
« Je ne dispose pas
d’informations à ce propos. Je
peux vous donner mon avis
personnel, d’après ma propre
expérience dans ce domaine. Il
est évident que l’organisation
el-Qaëda et les salafistes-jihadistes
sont les auteurs de ces
attentats, qui portent leurs
empreintes et qui frappent des
cibles syriennes particulières.
Ces attentats ont une dimension
psychique, puisqu’ils ciblent
d’importants postes
sécuritaires, en une tentative
visant à fragiliser le moral des
partisans du régime et à hausser
celui de ses opposants en leur
donnant de l’espoir. Les milieux
occidentaux affirment récemment
que l’organisation el-Qaëda est
derrière ces attentats. Ils ont
enfin reconnu ce fait après tout
ce temps ! Ils auraient du se
comporter d’une manière
différente avec la crise
syrienne, au lieu d’appuyer la
chute du régime, qui jouit du
soutien populaire.
-
Le Conseil National Syrien
dément fermement la présence de
l’organisation el-Qaëda en
Syrie. Qu’en dites-vous ?
Ces affirmations sont un mépris
de la raison…démentir la
présence d’el-Qaëda au cœur des
événements en Syrie est un
mépris de la raison.
-
Comment estimez-vous l’attitude
du nouveau président français
François Hollande à l’égard de
la crise syrienne ? Serait-elle
similaire à celle de Sarkozy ou
différente ?
Cette
question doit être posée à
Hollande qui peut seul y
répondre. Mais je crois que la
France a ses propres problèmes.
En tout cas, la position de la
France sera déterminée par le
nouveau ministre des Affaires
étrangères. Je ne crois pas que
Hollande adopterait l’attitude
de Sarkozy et d’Alain Juppé
vis-à-vis de la crise syrienne.
Hollande est un homme de
compromis et non de
confrontation.
-
L’opposition syrienne indique
que le régime tue son peuple
quotidiennement. L’occident
appuie-t-il la véracité de ces
propos ?
Il faut prendre en compte la
spécificité de la situation
syrienne. La Syrie ne ressemble
guère à la Lybie où la majorité
des gens, soit 99% sont de
confession sunnites. Par contre,
la carte ethnique et
confessionnelle en Syrie est
assez-compliquée. Il y existe
des minorités alaouites,
chrétiennes, kurdes-sunnites,
druzes et chiites qui craignent
l’accès des extrémistes sunnites
au pouvoir. Ces minorités
comptent 35 % du nombre des
citoyens. Ce nombre permet aux
minorités de se défendre, un
fait qui s’ajoute à l’existence
de sunnites arabes qui
soutiennent le régime ou qui
refusent l’arrivée des Frères
Musulmans au pouvoir. Les pays
occidentaux devaient rassurer
ces minorités sur leur sort et
qu’elles ne subiront pas
l’injustice ou la persécution en
cas de changement du régime, au
lieu de soutenir les Frères
musulmans et les Salafistes pour
parvenir au pouvoir, sans penser
aux conséquences.
-
Estimez-vous qu’il y ait une
intervention militaire de l’Otan
en Syrie ?
Je réaffirme que le cas de Syrie
est différent de celui de la
Lybie... En France, le nouveau
gouvernement se penchera
longtemps durant sur les
affaires internes. Les Etats
Unis sont en pleine campagne
électorale, pour les
présidentielles prévues dans
cinq mois. Tous les pays sont
occupés par leurs problèmes
internes et ne pourront aborder
d’autres crises avant au moins
deux ans. Le plus important
demeure le veto sino-russe
constant en Conseil de Sécurité,
tout comme l’appui du Hezbollah
et de l’Iran au régime syrien.
Reste enfin la Turquie sur
laquelle compte certaines
parties ! A mon avis, la Turquie
hausse le ton, mais ne peut
point intervenir. Elle ne pourra
prendre ce risque car elle sera
indirectement confrontée à
l’Iran, mais aussi à la Russie
et sera menacée par le danger de
mouvements kurdes et alaouites
sur son territoire. Il n’y a
guère de fondements sérieux et
solides pour une intervention
occidentale en Syrie.
Source:
Alintiqad, traduit par
moqawama.org
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