Sky News TV
ONU : Que faut-il comprendre du discours
du ministre syrien des Affaires
étrangères ?
Walid al-Mouallem
Photo:
D.R.
Mardi 2 octobre 2014
Suite à son
discours devant l’Assemblée Générale de
l’ONU [1], M. Walid al-Mouallem,
vice-Premier
ministre et
ministre syrien
des Affaires
étrangères et
des Expatriés, a été l’invité de Sky
News TV en version arabe. Voici les
points sur lesquels il a apporté les
précisions souhaitées.
1. Votre excellence,
Monsieur le ministre, nous sommes
heureux de vous accueillir sur Sky News
arabiya. Nous avons écouté votre
discours devant l’Assemblée générale de
l’ONU dans lequel vous avez abordé
nombre de points concernant les
opérations militaires, actuellement en
cours, et menées par les États-Unis.
Pour commencer, j’aimerais comprendre
quelle est la position officielle du
gouvernement syrien devant les frappes
militaires ciblant des installations et
des regroupements sur le territoire
syrien ?
Une fois que les
États-Unis nous ont informés, par
l’intermédiaire de notre délégué
permanent aux Nations Unies [Dr. Bachar
al-Jaafari] et du Dr. Ibrahim al-Jaafari
[Ministre irakien des Affaires
étrangères] ainsi que par un message que
M. Kerry m’a adressé via l’ambassadeur
de Russie à Damas…
2. Un message écrit
ou oral ?
Un message oral… nous
avons constaté la concordance des trois
messages affirmant qu’ils allaient
lancer une opération militaire
« aérienne » qui ciblerait les bases de
Daech en Syrie dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme et non dans le but
de frapper l’Armée syrienne ou l’État
syrien.
3. Avez-vous reçu des
assurances affirmant que des objectifs
dépendant de l’État syrien et de l’Armée
syrienne ne seraient pas ciblés ?
Je vous ai dit que
nous avons reçu le message de trois
sources différentes et que les trois
messages étaient concordants. C’est donc
sur cette base que nous avons dit qu’en
Syrie nous étions du côté de tout effort
international qui vise à frapper le
terrorisme en épargnant la vie des
civils innocents et qui se déroule dans
le respect du droit international et de
la souveraineté nationale.
4. Par conséquent,
vous n’êtes pas actuellement opposés aux
opérations militaires menées par la
Coalition sur le territoire syrien ?
Non, nous ne sommes
pas opposés.
5. Pourtant ces
opérations ciblent aussi quelques
installations pétrolières. Nous avons
appris qu’il y a eu des frappes nourries
contre certaines d’entre elles !
Ces opérations ont
visé des installations construites par
l’organisation Daech pour voler le
pétrole syrien et le vendre à la
Turquie. Les frappes aériennes ont visé
ces installations.
6. Bon… mais,
maintenant, certains disent que les
frappes aériennes sur Daech et d’autres
organisations ne seront pas suffisantes
pour atteindre le but recherché par la
Coalition, lequel but consiste à
affaiblir Daech avant de l’achever.
Certains parlent d’une intervention
terrestre à plus ou moins brève
échéance. Quelle est votre position en
cas d’intervention terrestre ?
Une intervention
terrestre serait une agression
manifeste ! Une agression claire et
nette contre la souveraineté de la
République arabe syrienne. Nous avons
une Armée… nous avons des Forces de
maintien de l’Ordre… nous avons des
formations armées qui appuient notre
Armée… et toutes combattent le
terrorisme. En conséquence, celui qui
veut combattre le terrorisme de manière
hautement performante doit passer par
une « coordination » avec l’Armée arabe
syrienne.
7. Il y a deux jours
le Conseil de sécurité a adopté à
l’unanimité une résolution [2] visant à
stopper l’afflux de combattants dans les
zones de conflit en Syrie et en Irak.
C’est d’ailleurs l’une des questions que
vous avez mentionnée dans votre discours
devant l’Assemblée générale.
Accueillez-vous favorablement une telle
résolution ?
Certainement. Cette
résolution est très importante si jamais
elle était appliquée et elle est
contraignante pour tous les États. Nous
disons depuis trois ans et demi qu’il
est impératif d’assécher toutes les
sources du terrorisme, d’autant plus que
les terroristes sont arrivés chez nous
en provenance de 83 états. Cette
résolution va dans ce sens. Elle
interdit aux combattants étrangers de se
rendre en Syrie et en Irak via la
Turquie et la Jordanie, ainsi que leur
financement, leur armement et leur
entrainement. C’est ce que nous
attendions depuis trois ans et demi.
8. Mais, Monsieur le
Ministre, il y a beaucoup d’autres
groupes étrangers, et donc non syriens,
qui se battent actuellement sur le
territoire syrien. Il y a, par exemple,
le Hezbollah et des groupes irakiens.
Est-ce que cette résolution s’applique à
eux aussi ?
Non… Non… Dire cela,
c’est ignorer ce qui se passe sur le
terrain de la réalité. Le combattant
étranger est celui qui vient de
Tchétchénie… celui qui vient d’autres
États d’Afrique du Nord… celui qui vient
d’États du sud-est asiatique, d’Europe
et même des États-Unis. Désormais,
chaque État publie ses propres
statistiques concernant ses citoyens
combattant dans les rangs de Daech et de
Jabhat al-Nosra ! Ceux-là sont une chose
et ce qu’accomplit l’Armée arabe
syrienne est autre chose !
9. Vous ne considérez
donc pas que cette résolution s’applique
aussi au Hezbollah et aux groupes
irakiens qui se battent en Syrie ?
Premièrement, il n’y
a pas de groupes irakiens qui se battent
en Syrie. Deuxièmement, le Hezbollah est
présent à la frontière syro-libanaise
dans une démarche anticipatoire
cherchant à éviter l’extension du
terrorisme au Liban.
10. Monsieur le
Ministre, craignez-vous que les frappes
de la coalition ne visent des positions
de l’État syrien, que ce soit l’Armée
syrienne, ou tout autre objectif
étatique ?
Y a-t-il eu un mandat
international passant par le Conseil de
sécurité qui aurait autorisé cela ? Un
tel mandat n’existant pas, nous serons
devant une agression manifeste et nous
l’affronterons !
11. À votre avis, y
a-t-il actuellement un mandat
international répondant suffisamment à
ce qui se passe ?
Absolument pas ! Même
la Coalition [de lutte contre le
terrorisme] s’est construite en dehors
du cadre du Conseil de sécurité et donc
en dehors de la légitimité
internationale.
12. ET
à votre
avis, faut-il, d’une façon ou d’une
autre, revenir aux Nations Unies pour
obtenir un mandat explicite concernant
la poursuite de ces frappes ?
Qu’est-ce qui
l’empêcherait ?
13. Monsieur le
Ministre, je vais maintenant passer au
versant politique de la question. Vous
avez indiqué que…
Autrement dit, vous
n’avez pas parlé de politique
jusqu’ici !? [Rires].
14. Non… nous avons
parlé de la situation militaire et des
opérations militaires… Concernant
l’opération politique, vous dites que la
Syrie est ouverte à une solution
politique et que vous vous êtes rendus à
Genève l’esprit ouvert et avec une bonne
intention. Aujourd’hui, beaucoup pensent
que l’« opération Genève » est terminée.
D’ailleurs, elle n’a fondamentalement
pas commencé, mais elle est terminée…
Y’a-t-il toujours possibilité de raviver
cette voie ?
Dire que l’opération
Genève n’a pas commencé est
particulièrement injuste. Elle a
commencé et s’est déroulée sur deux
sessions, mais la délégation d’en face
ne représentait pas grand chose. C’est
pourquoi nous n’avons pas obtenu de
résultats.
Lorsque nous avons
posé la lutte contre le terrorisme comme
une priorité, suite à quoi nous
pourrions passer aux questions
institutionnelles [3], ils ont
refusé la lutte contre le terrorisme.
Aujourd’hui, le monde entier reconnaît
cette priorité. C’est pourquoi je dis
que si nous voulons construire une
opération politique sur la base d’un
dialogue entre les Syriens et sur le
territoire syrien, c’est chose possible.
Mais pour cela, il faudrait qu’il y ait
une opposition nationale représentative
du peuple… une opposition convaincue que
le terrorisme est l’ennemi de tous et
qu’il faut le combattre… une opposition
qui admette que le peuple syrien a fait
son choix et qu’elle respecte la volonté
de ce peuple.
15. Nous pouvons donc
dire que l’État syrien n’est pas disposé
à poursuivre la voie de Genève avec les
mêmes interlocuteurs, ceux de la dite
Coalition Nationale [CNS] ?
Oui.
16. Oui ? Vous n’êtes
pas disposés ?
Cette coalition, qui
ne connaît que les hôtels 5 étoiles, n’a
aucun lien avec la réalité syrienne.
Nous sommes pour un dialogue avec une
véritable opposition nationale. Ceux-là
se trouvent en Syrie.
17. Par conséquent,
seule l’opposition de l’intérieur est
habilitée à participer au dialogue ?
Tout opposant de
l’intérieur et de l’extérieur qui a foi
dans l’obligation de respecter la
volonté populaire et qui croit à la
priorité de la lutte contre le
terrorisme, avec le but ultime de
construire la Syrie de l’avenir, est un
opposant patriote et le dialogue lui est
ouvert.
18. Pour finir,
Monsieur le Ministre, voyez-vous une
solution politique dans un proche
avenir ?
Tout d’abord, il n’y
a jamais de solution militaire. Ensuite,
au bout du chemin, c’est la solution
politique qui permettra de sortir de la
crise syrienne actuelle.
19. Merci, Monsieur
le Ministre, d’être présent avec nous,
ici, à New York.
Merci à vous.
M. Walid al-Mouallem
Vice-Premier
ministre et ministre
syrien des
Affaires
étrangères et des Expatriés
29/09/2014
Source :
Sky News en langue arabe, vidéo YouTube
publiée le 30 septembre
http://www.youtube.com/watch?v=2HTdoVxyQaM
Transcription et
traduction par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] La Syrie appelle la communauté
internationale à s'unir dans la lutte
contre l'EIIL
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=33430#.VCvMC_l_uT8
[2] Résolution 2178 :
RÉUNI AU PLUS HAUT NIVEAU, LE CONSEIL DE
SÉCURITÉ DEMANDE AUX ÉTATS MEMBRES DE SE
MOBILISER CONTRE LES COMBATTANTS
TERRORISTES ÉTARNGERS. Il envisage
d’élargir à ces individus le régime de
sanctions visant AL-Qaida
http://www.un.org/News/fr-press/docs//2014/CS11580.doc.htm
[3] Syrie / Genève 2
: Nous sommes venus vous mettre face à
vos responsabilités ! Par Walid al-Mouallem
http://www.palestine-solidarite.org/intervention.walid_al-mouallem.030214.htm
Le sommaire de Mouna Alna-Nakhal
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