Qu’est-ce que
le mouvement Boycott,
désinvestissement, sanctions
(BDS) ?
OMAR
BARGHOUTI C’est un
mouvement non violent lancé
en 2005 par la société
civile palestinienne et qui
cherche à contribuer au
combat du peuple palestinien
pour ses droits. Il vise à
forcer le régime israélien
d’occupation et de
colonisation à se conformer
au droit international comme
cela avait été fait en son
temps contre le régime
d’apartheid d’Afrique du
Sud. Plus spécifiquement, le
mouvement BDS cherche à en
finir avec l’occupation des
territoires palestiniens et
arabes depuis 1967, ce qui
inclut le démantèlement des
colonies et du mur, mais
aussi avec son système de
discrimination raciale qui
touche les citoyens
palestiniens et qui s’avère
un système d’apartheid,
selon la définition de
l’ONU. BDS veut également le
retour des Palestiniens dans
leur maison d’origine d’où
ils ont été expulsés à
l’occasion d’un nettoyage
ethnique. Ces trois droits
basiques correspondent aux
trois principales
composantes du peuple
palestinien : ceux de la
bande de Gaza et de la
Cisjordanie, incluant
Jérusalem (soit 38 % du
peuple palestinien, selon
les chiffres de 2014), les
Palestiniens citoyens
d’Israël (12 %) et ceux qui
sont en exil (50 %). Plus
des deux tiers des
Palestiniens sont des
réfugiés ou des personnes
déplacées dans leur pays
même.
Certains
disent que le boycott relève
de l’antisémitisme.
OMAR
BARGHOUTI Le
mouvement BDS se réclame de
la Déclaration universelle
des droits de l’homme. Il
est non sectaire et rejette
toutes les formes de
racisme, y compris
l’islamophobie,
l’antisémitisme et les
dizaines de lois
israéliennes racistes. Le
soutien des juifs à la
campagne BDS a grossi
exponentiellement ces deux
dernières années. Un sondage
réalisé en 2014 pour le
compte de l’organisation
américaine J-Call et
concernant les juifs
américains a montré que 46 %
des hommes juifs américains
non orthodoxes âgés de moins
de 40 ans soutenaient un
boycott total d’Israël pour
en finir avec l’occupation.
De même, le soutien à
l’organisation Voix juive
pour la paix, qui est un
partenaire stratégique pour
le BDS aux États-Unis, a
nettement augmenté ces deux
dernières années. Le
mouvement BDS n’a jamais
visé les juifs ou les
Israéliens en tant que
juifs. BDS vise Israël et
les entités complices de ce
régime d’oppression, non pas
sur la base d’une identité
réelle ou clamée, qu’elle
soit religieuse, ethnique ou
autre, mais sur le fait que
ce régime dénie aux
Palestiniens les droits
stipulés par les lois
internationales de l’ONU.
BDS vise la complicité, pas
l’identité. Il appelle à des
droits égaux pour tout
humain, quelle que soit son
identité. Un aspect souvent
négligé du texte fondateur
du BDS est son appel direct
à conscientiser les
Israéliens pour « soutenir
le mouvement dans l’intérêt
de la justice et d’une paix
réelle ». En fait, les
partenaires juifs israéliens
au sein du mouvement BDS
jouent un rôle significatif
en dénonçant le régime
israélien d’oppression et en
préconisant son isolement.
Israël, et sa machine de
propagande bien huilée,
accuse immédiatement tout
supporter de BDS d’être
antisémite. C’est une forme
d’intimidation pour faire
taire toute contestation.
C’est une tactique
particulièrement utilisée
contre les Européens et les
Américains qui soutiennent
le boycott, les rendant
coupables de l’Holocauste.
Tactique qui permet à
Israël, depuis des
décennies, de forcer au
silence face à l’oppression
que subissent les
Palestiniens. Mais cette
accusation d’antisémitisme
ne marche pas avec les
Palestiniens, victimes du
sionisme et des projets
coloniaux, qui n’ont joué
aucun rôle dans l’Holocauste
et ne devraient pas en payer
les conséquences.
La campagne
BDS porte-t-elle ses
fruits ?
OMAR
BARGHOUTI Israël,
lui-même, a reconnu que
notre campagne avait un
impact « stratégique » sur
son régime d’oppression. Il
suffit d’aller sur notre
site Internet
(bdsmovement.net) pour voir
comment, depuis le début de
l’année 2016, notre
mouvement et son impact ont
progressé.
Justement,
comment Israël tente-t-il de
contrecarrer le mouvement
BDS ?
OMAR
BARGHOUTI Après
avoir échoué pendant des
années à stopper ou même
seulement à ralentir notre
mouvement, Israël a lancé,
en février 2014, une
campagne de répression sans
précédent en utilisant
l’espionnage, en votant des
lois et en développant
toujours plus sa propagande.
La croisade maccarthyste,
lancée contre le BDS, dépend
en grande partie de sa
capacité à mobiliser des
politiciens corrompus et des
élus aux États-Unis, en
France, au Royaume-Uni, au
Canada, en Australie pour
faire de la surenchère afin
de tuer légalement ou
politiquement la solidarité
avec la lutte des
Palestiniens pour
l’autodétermination à
travers la campagne BDS. Le
juriste et journaliste
américain bien connu Glenn
Greenwald a décrit des
mesures draconiennes prises
par les gouvernements
occidentaux contre le BDS
comme « le plus important
danger pour la liberté
d’expression en Occident ».
Mais cette exceptionnelle
guerre antidémocratique
menée contre le BDS s’est
retournée contre Israël. Les
gouvernements suédois,
irlandais et néerlandais ont
publiquement défendu le
droit d’apporter leur
soutien aux Palestiniens par
la campagne BDS, comme l’ont
fait des organisations
éminentes comme Amnesty
International, la Fédération
internationale des droits de
l’homme (FIDH) ou encore
l’Union américaine pour les
libertés civiles. Plus de
23 000 personnes ont signé
l’appel du BDS à l’ONU à
propos de #RightToBoycott.
Et même le Los Angeles Times
a publié un éditorial titré
« Le boycott d’Israël est
une forme protégée de la
liberté d’expression » !
Plus de 350 organisations de
la société civile, de partis
politiques et de syndicats
en Europe soutiennent
totalement le droit
d’appeler au boycott, au
désinvestissement et aux
sanctions contre Israël.
Plus de 30 députés européens
ont appelé la haute
représentante de l’Union
européenne, Federica
Mogherini, à prendre des
mesures pour assurer la
liberté d’expression
concernant le mouvement BDS
pour la justice et
l’égalité, et ont reconnu
Omar Barghouti comme un
défenseur des droits de
l’homme. Des personnalités
juives du monde entier ont
dénoncé les tentatives
d’Israël pour faire
disparaître le mouvement BDS
et de le dépeindre comme
antisémite. Malheureusement,
plusieurs gouvernements
européens sont devenus les
partenaires de la répression
antidémocratique d’Israël.
La France est aujourd’hui, à
l’Ouest, la capitale de la
répression antipalestinienne.
La société civile
palestinienne a d’ailleurs
dénoncé les mesures de
répression adoptées par le
gouvernement et le système
judiciaire français contre
les militants des droits de
l’homme qui soutiennent la
lutte du peuple palestinien.